Malgré ses déboires, EDF veut construire six nouveaux EPR
Pour bon nombre d’observateurs, le nucléaire ne pourra reprendre des couleurs en Europe qu’avec une réduction drastique de ses coûts. Ces dernières années, le Français EDF a multiplié les dérapages budgétaires et repoussé, à multiples reprises, le démarrage de ses réacteurs de troisième génération, l’EPR, sur trois chantiers maudits : à Flamanville (France), Hinkley Point (Royaume-Uni) et Olkiluoto (Finlande, détenu formellement par Areva).
Publié le 25-10-2019 à 00h07 - Mis à jour le 29-01-2020 à 11h56
LIBRE ECO WEEK-END | Pour bon nombre d’observateurs, le nucléaire ne pourra reprendre des couleurs en Europe qu’avec une réduction drastique de ses coûts. Ces dernières années, le Français EDF a multiplié les dérapages budgétaires et repoussé, à multiples reprises, le démarrage de ses réacteurs de troisième génération, l’EPR, sur trois chantiers maudits : à Flamanville (France), Hinkley Point (Royaume-Uni) et Olkiluoto (Finlande, détenu formellement par Areva).
À Flamanville, le budget initial de 3,5 milliards d’euros va finalement exploser à 12,4 milliards d’euros, selon les dernières estimations, susceptibles de nouvelles révisions à la hausse. En outre, alors que l’EPR de Flamanville devait entrer en fonction en 2012, il n’est pas attendu avant 2023.
À Hinkley Point, au Royaume-Uni, la situation est également délicate. Le groupe français vient d’annoncer un nouveau surcoût compris entre 1,9 et 2,9 milliards de livres sterling. Et le groupe français n’est "pas certain à ce jour" qu’il y aura d’autres dépassements de budget d’ici la mise en service prévue en 2025.
Quant à la centrale finlandaise d’Olkiluoto, elle devrait démarrer l’année prochaine, avec dix ans de retard.
"Pas assez rentable"
Tous ces retards et dépassements budgétaires ont logiquement un impact sur la rentabilité économique de l’EPR. À Hinkley Point, EDF bénéficie d’un contrat de rachat de l’électricité particulièrement avantageux de la part du Royaume-Uni. En effet, le gouvernement Cameron s’est engagé à racheter l’électricité produite à Hinkley Point au prix de 92,50 livres sterling par MWh, soit plus de deux fois le prix du marché actuel. Or, malgré ce contrat très avantageux, la rentabilité de l’investissement ne sera comprise qu’entre 7,6 et 7,8 % pour EDF.
"On est tout près de la limite basse qui justifie financièrement l’investissement , nous explique Louis Boujard, analyste chez Oddo BHF. Et à Flamanville, le taux de rentabilité sera nettement inférieur, puisque le projet ne bénéficie pas du prix garanti de Hinkley Point" .
Selon cet analyste, investir dans l’EPR serait donc de plus en plus difficile à justifier d’un point de vue purement économique. " Économiquement, il devient de plus en plus difficilement justifiable d’investir dans de nouvelles centrales nucléaires , poursuit Louis Boujard. Actuellement, le coût des énergies renouvelables est bien inférieur à celui des EPR" . D’autres impératifs, comme le sauvetage de la filière nucléaire française (et les emplois qui vont avec), pourraient cependant entrer en compte dans la réflexion des autorités françaises.
Quoi qu’il en soit, le patron d’EDF se montre confiant quant à l’avenir de l’EPR. "On peut souligner que les deux réacteurs de Taishan, en Chine, utilisent la même technologie et fonctionnent très bien , a déclaré Jean-Bernard Lévy à la presse française. Il n’y a donc pas de problème sur l’EPR en soi" . Rappelons cependant qu’EDF n’est qu’un actionnaire minoritaire de la centrale de Taishan.
Par ailleurs, une mauvaise nouvelle est arrivée, un peu plus tôt dans l’année, pour la filière nucléaire française : l’abandon de la recherche sur un projet de réacteur de quatrième génération. "C’est une forme de résignation , commente Louis Boujard. Imaginez-vous Apple annoncer qu’il ne travaillera plus sur le prochain iPhone ?" .
EDF n’est pas le seul acteur à connaître des difficultés. Rappelons que l’Américain Westinghouse avait dû abandonner la construction de deux centrales en Caroline du Sud, après avoir dépensé 9 milliards de dollars.