Remède de cheval pour retaper une économie malade
- Publié le 28-03-2020 à 06h00
- Mis à jour le 28-03-2020 à 07h01
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Les marchés boursiers du monde entier tentent de se redresser après une chute lourde de 40 % ou plus. Le krach qui marque ce printemps 2020 était totalement inattendu. Tout comme la guerre des prix pétroliers entre l’Arabie Saoudite et la Russie, qui tue une partie de ce pan très important de l’industrie mondiale. La secousse a même affecté le marché obligataire et… l’or.
Portés par des taux d’intérêt au plancher, les marchés boursiers avaient atteint des sommets à la mi-février. Et l’évocation d’une simple correction faisait sourire. Celle de la crise sanitaire que nous traversons ne fait rire personne. Et les effets des contre-mesures déployées par les États et les banques centrales donnent une idée de la dimension du problème. Du côté des gestionnaires, des banquiers privés, c’est clair, ce krach, c’est du jamais vu, dans son ampleur et sa brutalité. Mais ils ont déjà réagi, en réallouant les fonds vers des actifs plus résilients, que ce soient des obligations de première qualité ou des actions de secteurs défensifs. Et ils tentent de rassurer. "Nous informons nos clients souvent et de manière très claire", nous explique un banquier privé. Et ça fonctionne ? "On a quelques cas de panique avec des clients qui ont tout vendu mais c’est l’exception. Les gens prennent ça avec calme. Et puis, on vient de le voir, les acheteurs sont présents, encouragés par les plans de relance au niveau international."
Mais, pour les gestionnaires, ce n’est pas tout de calmer le jeu. Il faut aussi prévoir. Et là, c’est moins simple. Les uns prédisent un cataclysme économique, d’autres un redémarrage rapide une fois la crise sanitaire passée, d’autres encore de dépression. On parle de guerre. Beaucoup tentent de prédire l’impact de la crise sur l’évolution du PIB des pays touchés.
Des indicateurs qui ne veulent plus rien dire
Mais, à quels indicateurs se fier ? Les remèdes appliqués aux économies touchées vont faire exploser budgets et dettes publiques, on le sait. Doit-on encore se fier à un budget "anormal" comparé à un PIB amputé de quelques mois d’activité normale ? Quid des indicateurs comme le PMI composite du cabinet Markit publié cette semaine ? Selon cet indice, le Produit intérieur brut (PIB) de la zone euro pourrait se contracter de 2 % au premier trimestre 2020. L’indice mensuel s’affiche à 31,4 points, contre 51,6 points en février. "S’il était passé de 51,6 à 50 ou 49, on aurait pu trouver des explications, des idées. Mais de plus de 50 à 32… ça ne signifie rien. On n’a pas de recul face à de tels chiffres", explique l’économiste Etienne de Callataÿ (Oracadia Asset Managament). "Certains se basent dès lors pour analyser l’état de l’économie, sur le baromètre boursier. C’est une mauvaise idée. La Bourse en dit plus sur les investisseurs que la gravité de la crise économique. En 2019, la Bourse avait grimpé de 30 %. L’économie avait-elle progressé de 30 % ? Non." Pour Etienne de Callataÿ, le PIB, s’il ne donne pas une idée du bien-être des populations, reste un outil solide, avec une méthodologie. Mais pour l’heure, il est faussé par une nouvelle réalité. "Oui, on est dans l’inconnu. Les banques savent… qu’elles ne savent pas. Sur quoi se baser ? Les finances publiques, les versements anticipés des entreprises ? On va devoir se baser dans le futur sur d’autres indicateurs : la consommation d’électricité, le niveau de pollution, les déplacements des personnes…"
Les banques centrales sortent leurs bazookas
Clairement, les économistes manquent de repères, dans un environnement où les règles changent chaque jour. Si la crise sanitaire et la chute des marchés financiers sont exceptionnelles, les mesures prises par les banques centrales et les États sortent pour le moins de l’ordinaire. La BCE sort de son chapeau 120, puis 750 milliards d’euros, pour acheter de la dette d’États membres et d’entreprises, on suspend une part des règles prudentielles des banques, les États garantissent des prêts aux entreprises. Et enfin, clou du spectacle inédit, après que la Réserve fédérale a ouvert une enveloppe illimitée pour relancer le quantitative easing (rachats massifs d’actifs obligataires), les États-Unis sortent un bazooka financier de 2 000 milliards de dollars pour soutenir leur économie. Et ça change tout.
Cela fournit de la confiance, d’abord. C’est elle qui fait défaut actuellement. La consommation suivra, les investissements des entreprises, gelés, reprendront. Les bénéfices reviendront et, avec eux, la capacité à valoriser les entreprises cotées. Peut-on s’attendre à une reprise en "V" comme certains l’annoncent ? "On n’est pas dans le scénario d’une guerre, comme beaucoup le disent. Après une guerre, les pays sont dévastés, les jeunes sont morts. Cette crise est différente. Oui, il y a des morts mais les forces vives demeurent, les étudiants, les chercheurs, les travailleurs, les forces de production. Tous voudront reprendre le travail, une fois arrivé les premières bonnes nouvelles du front de l’épidémie."