En 10 ans, eFounders a créé 30 start-up dont la valeur cumulée atteint 2 milliards de dollars
Le start-up studio belgo-français fête ses dix ans. Quels ont été les ingrédients du succès? Rencontre avec Thibaud Elzière et Quentin Nickmans, les deux fondateurs d'eFounders .
Publié le 19-05-2021 à 09h01 - Mis à jour le 19-05-2021 à 09h02
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De TextMaster à TreasuryX : dix ans séparent la création de ces deux start-up par eFounders. En une décennie, le start-up studio fondé, en 2011, par le Français Thibaud Elzière et le Belge Quentin Nickmans aura donné naissance à 30 start-up ! Et même 33 si on inclut trois projets qui ont été abandonnés en cours d’incubation.
Efounders, à qui l’on doit des pépites comme Front, Aircall et Spendesk, a réussi là où pas mal d’autres ont échoué : créer un modèle durable d’“entrepreneuriat parallèle”, c’est-à-dire consistant à lancer plusieurs start-up simultanément. Signe distinctif de ces jeunes pousses ? Elles sont spécialisées dans les logiciels en ligne pour les entreprises (“Software-as-a-Service” ou “SaaS”).
Quelques chiffres, encore, pour planter le décor : à ce jour, les 30 start-up sorties de chez eFounders ont généré 1500 emplois (répartis entre l’Europe et les Etats-Unis) ; elles ont levé, au total, plus de 400 millions de dollars auprès des principaux fonds de capital-risque (Sequoia, Accel, Index Ventures, Creandum,…) ; elles génèrent un “revenu récurrent annuel” cumulé supérieur à 130 millions de dollars. Quant à la valorisation consolidée du portefeuille d’eFounders, elle vient de dépasser la barre des 2 milliards de dollars.
Deux entrepreneurs “alcooliques” de travail
Pour expliquer leur réussite, les deux fondateurs de eFounders avancent plusieurs éléments. “Il y a, avant tout, ma rencontre avec Quentin et notre grande complémentarité”, avance Thibaud Elzière, qui sortait d’un énorme succès avec Fotolia. C’est Jean Derély, fondateur du Betagroup à Bruxelles, qui avait joué les entremetteurs. “J’avais commencé à travailler sur un projet de start-up studio, mais il me fallait un partenaire pour mettre un peu d’ordre dans tout ce que j’entreprenais. Avec Quentin, ça a matché tout de suite et on a développé ensemble le concept d’eFounders à partir de fin 2010”.
Quentin Nickmans, ex-consultant chez BCG reconverti dans l’entrepreneuriat, est non seulement quelqu’un de très structuré, mais aussi capable de mettre les mains dans le cambouis. “Nos amis nous traitent souvent d’alcooliques du travail ! On bosse beaucoup, mais on aime ce qu’on fait. Thibaud est plus dans le produit, le design, la tech. Je suis davantage dans la structuration et le développement du business”.
Une autre clé du succès tient à la manière dont les deux comparses conçoivent la création d’une start-up. “Une fois qu’on a l’idée, on doit ronger notre frein, explique Thibaud Elzière. On ne lance jamais rien avant d’avoir recruté deux fondateurs. Une entreprise, ce n’est pas un produit ou un service, mais une équipe de personnes alignées sur un projet”. C’est là que eFounders fait la différence. MM.Elzière et Nickmans ont pris le temps de construire une “core team” de 15 personnes qui rassemble différentes expertises (marketing, RH, finance, design,…) et dont les start-up bénéficient durant toute la période de lancement des start-up. “On est hyperactifs lors du recrutement des fondateurs, avec l’objectif de trouver les meilleurs, et durant les 18 premiers mois de lancement des start-up. C’est là que réside notre valeur ajoutée”, insiste Quentin Nickmans.
“Dès 2011, enchaîne Thibaud Elzière, on a décidé de prendre à revers le modèle des “venture builders”. Pour Quentin et moi, le modèle de l’entrepreneuriat parallèle était indissociable du caractère innovant des start-up que l’on créait. On ne voulait pas répliquer des choses qui existaient déjà, comme le faisait Rocket Internet”. L’option a aussi été prise de céder, d’emblée, la majorité du capital aux deux fondateurs et de faire en sorte qu’ils deviennent autonomes rapidement (entre 12 et 18 mois après la création).
Construire le travail du futur
La décision de se concentrer sur des produits “SaaS”, à une époque où les fonds d’investissement ne juraient que par les plateformes d’e-commerce, a aussi joué un rôle important. “Avec Fotolia, j’avais identifié une série de problématiques concrètes qui concernaient la productivité et les méthodes de travail au sein des entreprises”. Ce positionnement sera, à partir de 2013, par le concept de “To build the future of work”.
Enfin, le “business model” d’eFounders, basé sur la levée de fonds et la perspective de réaliser des plus-values lors d’exits (cession de parts détenues dans les start-up), a contribué au succès du start-up studio. En dix ans, eFounders a levé 10 millions d’euros en capital pour financer sa “fabrique à start-up”, ce qui est finalement assez peu. Quant aux exits, il a fallu être un peu patient. “Jusqu’à présent, nous avons réalisé cinq exits, dont trois vraiment significatifs avec TextMaster, Mention et Mailjet”, indique Quentin Nickmans. Mais le meilleur reste à venir, si on en croit les deux associés d’eFounders. Quatre pépites de leur portefeuille – Aircall, Spendesk, Front et YouSign – ont le potentiel de devenir des “licornes”, à savoir des start-up valorisées à plus d’1 milliard de dollars.