Pour la FEB, la Belgique peut devenir "leader de l'économie circulaire" sans nuire à la compétitivité des entreprises
La FEB souhaite découpler la croissance du PIB et l’usage de matières premières. Ambitieux. Nécessaire. Mais est-ce réaliste sans mesures contraignantes pour les entreprises ?
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- Publié le 26-05-2021 à 20h42
- Mis à jour le 04-05-2022 à 12h53
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"L'heure n'est plus à l'expérimentation mais à l'accélération" dans tout ce qui touche à l'économie circulaire, avance Vanessa Biebel, executive manager du centre de compétence Durabilité & Économie circulaire au sein de la FEB, la Fédération des entreprises de Belgique.
"Il faut investir pour passer d'une économie linéaire à une économie circulaire", poursuit Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB. "Elio Di Rupo (ancien Premier ministre, PS, NdlR) l'a fait il y a dix ans pour développer le secteur pharmaceutique en Wallonie", reconnaît-il, et insiste-t-il même. "Et heureusement que la Wallonie a misé là-dessus. On en voit les bénéfices aujourd'hui. Il est temps de faire de même dans ce secteur", renchérit-il.
Pour la fédération patronale, c'est incontournable. "Au-delà de certaines mesures, c'est une façon de penser qui doit complètement changer", poursuit Pieter Timmermans lorsqu'on lui demande ce que, concrètement, la FEB veut voir pour favoriser le développement de cette économie. "Il ne faut pas imposer des choses aux entreprises car il ne faut pas oublier leur besoin de compétitivité. Mais il faut renforcer la recherche et le développement. Il faut un soutien public", avance-t-il. "L'économie circulaire présente un double avantage car elle permet d'être plus compétitif et de réduire les coûts. Il faut fixer des ambitions plus fortes pour que, d'ici 2030, l'industrie belge se consolide comme leader de l'économie circulaire", précise Vanessa Biebel.
C’est pour cela que la FEB se fixe cinq ambitions. "Maximaliser la disponibilité des matériaux, être pionniers dans la conception et la production circulaires, dans les modèles d’entreprises circulaires et dans la récupération de qualité des matériaux ainsi que dans l’utilisation de catalyseurs pour l’économie circulaire". Voilà pour la partie concept.
Pour la mise en pratique, la FEB veut développer, "en collaboration avec ses fédérations sectorielles, un tableau de bord sur la base de dix indicateurs d'Eurostat" et en fera un suivi tous les deux ans. Le premier rapport sur l'état d'avancement est prévu pour 2022.
Découpler croissance du PIB et utilisation des matières premières
"Certains marchés publics sont encore trop stricts et refusent par exemple l'utilisation de matériaux secondaires. Il faut un cadre, un support politique", insiste Vanessa Biebel. "Il faut également miser sur l'Europe et renforcer la collaboration entre les Régions et le fédéral. Les normes sur les produits dépendent par exemple du fédéral alors que la gestion des déchets est du ressort régional. Il faut également lever certains obstacles légaux, comme pour les normes qui concernent les déchets transfrontaliers. Il ne s'agit pas de réinventer la roue mais améliorer ce qui existe déjà", précise-t-elle.
"L'objectif de l'économie circulaire est d'arriver à ce découplage du PIB et de l'utilisation des matières premières. Alors qu'aujourd'hui, plus le PIB augmente, plus la consommation de ressources augmente. L'idée est d'abaisser cela tout en maintenant notre bien-être", résume Vanessa Biebel.
Objectif ambitieux. Si les deux restent difficilement conciliables, ou, justement, "découplables", la FEB se veut confiante. "Le Green Deal européen a pour ambition de faire de l'Europe le premier continent neutre pour le climat. Pour réaliser cette neutralité carbone en 2050, la Commission européenne prévoit la mobilisation d'au moins 1 000 milliards d'euros de fonds publics et privés pour les dix ans à venir. Les actions créeront des opportunités pour les entreprises et l'emploi", avance la FEB. "C'est bien d'entendre parler de bières, de gaufres, de chocolats belges, mais il faut que la Belgique devienne exportatrice de produits issus de l'économie circulaire. Pour cela, il faut que les politiques viennent vers nous", prône encore Pieter Timmermans.
Investissements nécessaires
Dans les faits, la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières grâce au recours à "la mine urbaine" que représentent les déchets électroniques et sur laquelle compte la FEB n’est pas si simple. Le recyclage est consommateur d’énergie et la récupération des matériaux est souvent peu rentable, en particulier dans la petite électronique.
L'écoconception mise également en avant par la FEB, c'est-à-dire la production de biens optimisée pour la récupération, n'est pas non plus suffisante. Pierre-François Bareel, CEO de Comet Traitements, entreprise spécialisée dans le recyclage, nous expliquait à ce propos que "tout n'est pas à jeter dans l'écoconception, mais il faut forcer l'économie circulaire à s'axer sur la demande de matières, à ce que la fabrication de nouveaux équipements se fasse en intégrant des matériaux recyclés dès le début". La FEB précise à ce propos que "jusqu'à 80 % de l'incidence des produits sur l'environnement sont déterminés pendant la phase de conception".
Mais investir dans la filière permettrait donc d’avancer et de rentabiliser le processus, précise la fédération patronale. De plus, étant donné que c’est un objectif européen, l’aspect contraignant viendra tout de même tôt ou tard si l’on veut respecter les objectifs de neutralité carbone. Donc autant profiter des volontés européennes et des moyens mis sur la table pour avancer le plus vite possible dans cette voie, afin d’y être compétitif et leader.
"Ceux qui tirent des avantages financiers de leur stratégie délibérée de non-respect (de l'environnement, NdlR) doivent être sanctionnés systématiquement et efficacement", précise d'ailleurs la FEB dans son rapport d'une soixantaine de pages détaillant ses objectifs. Ce qui a le mérite d'être clair.
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