Renaud Witmeur, CEO ad interim de Nethys : “Nous ne vendrons jamais Voo en dessous de 1,2 milliard”
Renaud Witmeur, le CEO ad interrim de Nethys, lève le voile sur le processus de vente du câblo-opérateur Voo, actuellement en cours. Il évoque aussi d'autres actifs de Nethys, dont l'aéroport de Liège.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/3794e68f-5aa0-49a3-b726-bed694fe37b9.png)
- Publié le 29-05-2021 à 09h50
- Mis à jour le 29-05-2021 à 11h27
:focal(595x305:605x295)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/E3YY57OSA5EELLJSI373YZ2Q5E.jpg)
Né d’un père “plutôt conservateur et catholique” et d’une mère “plus centriste, donc plus à gauche”, Renaud Witmeur (52 ans) a été attiré par le socialisme dès son adolescence. “C’était l’époque de SOS Racisme. Cela me parlait”, raconte-t-il. Pendant ses études de droit, il était aussi très engagé dans le cercle de Libre Examen de l’ULB. Le Bruxellois dit avoir a toujours cultivé “le refus du dogme”.
Il commence sa vie professionnelle comme avocat avant d’entrer en 1997 au cabinet d’Elio Di Rupo du temps où ce dernier était ministre fédéral de l’Économie. “J’avais la conviction d’y entrer pour une période limitée.” En 1999, il rejoint Rudy Demotte, autre ministre fédéral socialiste, en charge de la Santé. Un des moments forts fut le vote de la loi sur l’interdiction de fumer dans les restaurants. Il travaillera pour le ministre PS jusqu’en 2013. “Une expérience formidable. On apprend à négocier.”
Son poste de chef de cabinet lui ouvre les portes du holding public wallon Sogepa dont il devient CEO en juin 2013. En 2019, ce père de trois enfants fut candidat à la direction de WBE (Wallonie Bruxelles Enseignement) mais y renonça pour prendre la tête de Nethys, un poste mieux rémunéré. Il y fait un intérim, le temps de remettre de l’ordre dans la société liégeoise dirigée avant lui par Stéphane Moreau. Son gros dossier du moment est la vente du câblo-opérateur Voo. Quand Enodia, l’actionnaire de Nethys, aura jugé sa mission terminée, Renaud Witmeur reprendra les commandes de la Sogepa.
Où en est la vente du câblo-opérateur Voo ?
Il y a encore plus de candidats qu’on ne le pensait, dont de nombreux sont de qualité. Ils sont plus de 20. Le but est d’avoir une décision finale pour fin octobre. Tout se passe bien.
Vous confirmez que le prix obtenu sera au moins celui proposé par le fonds Providence, soit l’équivalent de 1,2 milliard pour 100 % du capital ?
Je vous confirme qu’on ne vendra jamais en dessous de ce prix.
Et au-dessus ?
Le plus haut sera le mieux. Mais, le prix n’est pas le seul critère qui sera retenu. Dans les autres critères importants, il y a le projet d’investissement et de développement du câble. La connectivité est un enjeu majeur. Il y a aussi des considérations liées à l’emploi. Le call center doit rester localisé en Belgique.
Quel pourcentage va céder Nethys ?
Soit 50,1 %, soit 74,9 %. Cette méthodologie est de nature à avoir plus d’offres à un prix plus élevé.
À quoi servira l’argent de la vente ?
Ce n’est pas encore déterminé. Mais n’oublions pas que, dans cette première opération, Enodia (l’actionnaire de Nethys, NdlR) rachète Brutélé. La première tranche servira dès lors à payer Brutélé qui est valorisé aux alentours des 300 millions d’euros. Il faudra aussi payer les dettes actuelles chez Voo qui représentent environ 200 millions d’euros. C’est avec le solde et les montants qui viendront encore après qu’il est permis de construire un projet d’avenir ambitieux.
Cela fait quand même au moins 200 millions qui vont entrer dans les caisses de Nethys…
L’actionnaire devra décider quelles activités il veut développer dans le futur, et il est indispensable que Nethys puisse garantir la distribution d’un dividende aux communes chaque année. Nethys a un grand pôle dans l’énergie renouvelable avec Elicio, Socofe, Publilec et donc Luminus. Aux côtés d’Ethias, il est présent à l’aéroport de Liège. Et c’est aussi un acteur dans le numérique. D’une part avec Win et d’autre part comme actionnaire minoritaire dans NRB. Je crois que personne n’envisage que Nethys se désengage de ces trois activités.
Il faut aussi déterminer s’il y a des nouveaux pôles importants qui pourraient être d’intérêt général, par exemple dans l’immobilier et dans tout ce qui touche à la connectivité numérique (parc économique, école, zone grise et zone blanche) et même physique comme les projets visant à la liaison ferroviaire avec l’aéroport de Liège. Il y a aussi un besoin énorme d’investissements en énergie renouvelable. Les projets d’investissements sont de plus en lourds et les concurrents sont de plus en plus grands. Si on ne regroupe pas les forces, on risque de ne plus être éligible à postuler dans les nouveaux parcs éoliens offshore. Avec Elicio, Socofe et SRI Environnement, on a un bon terreau pour grandir. Et puis, il faut réfléchir à s’ouvrir à d’autres acteurs, notamment privés, tant avec des partenaires financiers qu’industriels.
Cela peut prendre du temps avant de se faire…
Non ! C’est maintenant qu’il faut investir dans les nouvelles capacités de production et les concurrents comme Total ou Engie sont là et ne vont pas attendre qu’on réfléchisse entre actionnaires publics.
Quels investissements à réaliser à l’aéroport de Liège ?
À titre personnel, je pense qu’il faut continuer à investir dans l’aéroport de Liège mais avec une stratégie qui permet de réduire les nuisances. L’aéroport s’est développé essentiellement en multipliant le tonnage qui y arrive. C’est cette activité de base qui crée le plus de nuisances. Comme c’est l’un des rares aéroports qui tourne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, cela amène parfois les flottes les plus polluantes. A l’avenir, on ne doit plus forcément viser l’augmentation du volume mais investir dans le traitement des marchandises. Il s’agit d’une activité riche en main-d’œuvre qui ne crée pas de nuisances. Autre axe : attirer les avions de moins en moins nuisibles. Il faut réfléchir à un plan qui rend l’aéroport plus harmonieux avec son environnement local tout en veillant à créer un maximum d’emplois.
Des communes ne voudront-elles pas recevoir de l’argent plutôt qu’investir ?
Il est clair que certaines d’entre elles vont plaider pour que tout l’argent leur revienne tout de suite. La demande est compréhensible. Nethys n’a distribué aucun dividende en 2018, 2019 et 2020. La question est de savoir si on fait maintenant un one shot ou si, au contraire, on porte une stratégie qui permet un dividende chaque année. Autre possibilité : un mix des deux. Ma préférence est de dégager une perspective d’investissement qui va permettre de distribuer des dividendes chaque année et d’investir dans des secteurs d’avenir tant en matière de revenus pour les communes que de création d’emplois et de développement économique à Liège.
Vous êtes donc favorable à l’idée que des communes restent actionnaires des secteurs où les concurrents sont parfois des multinationales ?
Je ne crois pas aux schémas uniques et absolus. Je suis l’inverse d’un doctrinaire. Il y a un héritage historique à Liège qui est celui-là et qui est porteur pour le futur. Les communes peuvent être un bon actionnaire. Mais je crois aussi à une certaine mixité. Ce qui peut nuire c’est quand on a un seul type d’acteurs concerné.
L’affaire Nethys montre quand même le risque de la gestion d’entreprises par le pouvoir public…
Il y a le même type de risque dans le privé, mais c’est vrai qu’il faut être encore plus parfait dans le public. Avec ma casquette Sogepa, j’ai déjà découvert des situations de gestion hautement plus problématiques dans le privé. Mais c’est un peu moins choquant parce que c’est de l’argent privé.

“Le péché originel est d’avoir investi dans Integrale”
Pourquoi n’avoir pas regardé la proposition d’Ethias, avec qui vous partagez des participations, de faire un “big deal” ?
On a créé un premier partenariat commercial entre Voo et Ethias, avec la volonté d’aller plus loin. Il est clair qu’Ethias est un partenaire avec lequel nous discutons, notamment dans le cadre de développement dans l’énergie.
Mais le “big deal” d’Ethias ne donnait-il pas l’occasion de sauver l’assureur Integrale ?
C’est la différence entre un grand accord et un grand partenariat. Je réfléchis actif par actif et secteur par secteur. Je ne vais pas donner une part anormalement importante à un partenaire comme Ethias dans le domaine de l’énergie parce qu’il me rendrait service dans le domaine de l’assurance. Par ailleurs, le dossier Integrale est très compliqué. Il me semblait très important qu’il n’y ait pas un accord avec un acteur particulier et que la procédure soit la plus transparente possible.
Ne regrettez-vous pas l’issue de ce dossier où le réassureur Monument Re reprend les actifs de l’assurance et pas la société ?
Mon regret fondamental, c’est que Nethys ait investi dans cette entreprise. C’est là que se trouve le péché originel. Au final, tous les assurés verront leurs droits garantis et les travailleurs gardent leur emploi.
Nethys n’a-t-il pas perdu du temps en laissant croire à une recapitalisation ?
J’ai toujours plaidé pour que Nethys ne mette pas un euro de plus dans Integrale.
On peut regretter que la Banque nationale ait dû prendre le contrôle et que le conseil d’administration (CA) et l’actionnaire n’ont pas été à même de gérer le dossier en bonne entente. Dans le CA, il y avait beaucoup de gens intelligents mais ils ne s’entendaient pas. Il y avait deux camps, chacun caricaturant l’autre.
Pourquoi Nethys était contre l’offre d’achat du fonds RiverRock ?
Dans ce genre d’opération, le plus important, c’est d’avoir le sentiment que le repreneur offre un vrai avenir à l’entreprise. Il faut aussi que le repreneur ait la superficie financière nécessaire pour devenir l’actionnaire de référence. Nous avons des doutes sur ces deux points-là.
Comment voyez-vous la fusion en préparation entre Sowalfin, Sogepa et SRIW ?
Je n’y vois que des avantages en matière d’image, de taille critique, d’expertise.
Dans les faits, on sait qu’il y aura une bataille pour les mandats…
Il suffit d’ouvrir les candidatures. À l’aéroport de Liège, on a lancé une procédure objective. Je pense que quelqu’un qui vient du public et qui est candidat ne doit pas avoir peur d’une vraie sélection.
La mission Forensic où l’auditeur Deloitte devait passer à la loupe le fonctionnement d’Enodia-Nethys est terminée ?
La mission est terminée. Elle portait sur les années 2017, 2018 et 2019. Chaque paiement atypique fait l’objet d’un examen et d’une action systématiques. Comme on a constaté beaucoup d’opérations atypiques, on a décidé de faire une mission Forensic sur les années 2015 et 2016.