"Être leader, c'est un métier"
Le leader doit être ouvert à l’autre et bienveillant, estime le patron et auteur Michel Sapranides.
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Publié le 26-05-2021 à 09h08 - Mis à jour le 29-05-2021 à 07h43
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Né en France en 1966 de parents qui ont fui la Grèce, Michel Sapranides est diplômé de l’Institut universitaire de Technologie de Cachan (sud de Paris), de l’école de commerce française Kedge Business School et a un MBA d’ESCP Europe. Il a commencé sa carrière dans le groupe ABB, spécialisé dans l’électrotechnique. À 33 ans, il en est nommé Group Vice President. En 2007, il fonde Sigma Technologies dans le domaine de l’équipement électrique.
Avec son livre Leader sociétal. Le cœur des entreprises (1), il partage sa conception du leadership à travers son expérience personnelle et espère susciter des vocations chez les plus jeunes.
Comment définissez-vous le leadership ?
Il s’agit de la capacité à impliquer les personnes qui nous entourent dans la réussite d’un projet ambitieux, pour le bien commun. Le leader doit guider, influencer et inspirer.
Naît-on leader ou le devient-on ?
Un proverbe grec, que me répétait ma mère, dit : "L’homme ne naît pas, il se construit." Un leader, c’est, selon moi, 10 % d’inné et 90 % d’acquis. Un leader se forme dès l’enfance, au fil des rencontres… Chacun s’appuie sur son vécu. L’immigration a fait naître chez moi la notion de possible. J’étais un enfant plutôt timide, introverti. Mais à force d’apprentissages, de dépassements, d’erreurs, j’ai évolué. Il faut s’investir en temps, en questionnement, en formation… J’ai travaillé très dur pour apprendre, grandir, me remettre en question. J’ai eu la chance d’avoir des mentors qui m’ont appris le leadership.

Vous parlez de bonnes bases pour être un leader…
Il est important, par exemple, d’avoir une bonne hygiène de vie. Je suis sportif et m’inspire du sport de haut niveau. Être chef d’entreprise, c’est prendre des coups tous les jours. Si l’on n’est pas assez fort, on passe à la trappe. Être leader, c’est être un modèle. Pour cela, il faut donner de l’énergie, et donc en avoir soi-même. Cela passe par une bonne hygiène de vie. La famille également est essentielle. Elle permet de prendre du recul et de se dépasser en cas de situation dure. Nous ne sommes pas des surhommes et le seul qui puisse vraiment aider quand nous sommes au fond du trou, c’est le conjoint. Ma femme a été exceptionnelle. Ma priorité est toujours restée ma famille.
Que faut-il encore pour être un bon leader ?
Il est nécessaire d’être curieux, d’apprendre… Au quotidien depuis plus de 25 ans, je lis, j’écoute, je m’inspire… Il est essentiel d’être bien entouré (famille, administrateur indépendant, coach, managers, équipes…) pour notamment avoir un miroir. Il ne faut pas être dans sa tour d’ivoire. Aujourd’hui, le leader n’est plus seul, isolé, directif.
Vous dites que vous êtes devenu leader à 27 ans quand vous avez eu une équipe à gérer. Ne dit-on pas que chacun est son propre leader ?
On est bien sûr d’abord leader de soi-même, de sa propre vie. J’ai dû avancer moi-même. Ce n’était pas gagné pour mes études… Je défends d’ailleurs l’idée de donner du leadership à chacun au sein des entreprises. Même au niveau des employés ou des ouvriers pour que chacun prenne part au projet de l’entreprise. Et puis on décide de devenir leader pour les autres.
C’est un métier ?
Oui, à part entière. Il ne s’agit pas d’une qualité ou d’une posture. On choisit d’être leader, et non pas technicien, et de ne pas aller dans le détail. Il faut s’entourer de techniciens. Chacun est alors dans son rôle. Le métier est plus connu dans le monde anglo-saxon que chez nous où il n’est pas enseigné. J’aimerais bien qu’il s’apprenne dès la terminale. Je vais d’ailleurs proposer de faire des miniconférences pour des étudiants. Dans des grandes écoles aussi. C’est un métier que l’on transmet. À partir de maintenant, au moins 50 % de mon temps est consacré à transmettre mon expérience aux jeunes. Dans quelques années, je compte quitter mon entreprise pour me dédier à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs. J’ai un parcours assez atypique. Je viens de loin. Mon livre a pour ambition de donner de l’espoir aux jeunes.
Vous parlez de leader sociétal.
C’est un terme que j’ai déposé. J’ai créé un site spécifique. Le leader a pour mission de mener par l’exemple en restant humain et à l’écoute. Seul le leadership bienveillant, ouvert à l’autre, est compatible avec l’avenir.
Le leader aujourd’hui est-il donc nécessairement sociétal ?
Oui. Être au service des autres est capital. Beaucoup de leaders le sont déjà depuis des années. Mais actuellement, on a une double prise de conscience : la planète ne va pas très bien et les jeunes souhaitent agir pour la société et profiter de la vie. Ils ne veulent plus de l’argent ou de la croissance à tout prix. Ils cherchent aussi du sens.
Il existe autant de styles de leadership que de personnalités. Il n’y a pas un modèle unique mais une exigence commune à ceux qui souhaitent devenir leaders : y mettre son cœur. Le sous-titre de mon livre (et le dessin du cœur rouge) est évocateur : l’humain est au centre des entreprises qui ont un cœur qui bat. On ne veut pas être des robots, des machines. Je termine mon ouvrage par une citation d’un Grec, le poète Costas Montis : "Étrange chose que le cœur. Plus tu en donnes, plus tu en as."
(1) "Leader sociétal. Le cœur des entreprises" - Michel Sapranides - Éditions Leader sociétal - 2021 - 169 pages