"Il y a des méthodes pour augmenter les chances de succès des entreprises et les faire grandir"
Les trois coachs permanents du Reaktor ont répondu aux questions de La Libre Eco.
Publié le 17-06-2021 à 15h16 - Mis à jour le 22-06-2021 à 12h09
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Benoît Lips, consultant, Interim Manager et investisseur (Lean Fund). Fondateur de DAD, l’une des premières agences digitales en Belgique (rachetée par LBi en 2007). Karin Maquet, fondatrice et directrice générale de Kammco (société spécialisée dans le conseil aux start-up et PME en croissance). Membre et coach du réseau Be Angels. Bruno Wattenbergh, président de EY Belgium Innovation Board. Professeur de stratégie et d’entrepreneuriat à la Solvay Business School.
Les start-up accélérées lors de ce 4e Reaktor sont-elles prêtes à devenir des scale-up et à lever des fonds ?
Benoit Lips : " Nail it, then scale it " est le mantra qui décrit le mieux le challenge. Avant de croître, il faut s’assurer qu’on a une solution qui répond bien au besoin d’un marché. Au stade de la start-up, on est en mode opportuniste, on bricole, on teste, on développe des solutions pour des clients et c’est très bien. Mais pour initier une croissance durable et forte, il faut quitter ce mode opportuniste et réactif, et parfois choisir l’un ou l’autre type de clients ou éléments de la solution pour lesquels la pertinence est la plus importante. Les 9 start-up de ce Reaktor ont été challengées sur ces aspects. Certaines doivent encore éclaircir ces questions.
Karin Maquet : Notre mission est d’accélérer la croissance de chacune en les concentrant sur les piliers qui feront la différence ou de les (re) positionner pour prendre le chemin de l’accélération. Cette année, la plupart d’entre elles n’ont pas besoin de montants énormes en capitaux extérieurs pour la prochaine étape. Elles peuvent donc choisir le chemin de la croissance sans se brûler les ailes : grandir seules mais lentement ou grandir vite avec des actionnaires/partenaires externes.
Bruno Wattenbergh : Non, pas encore toutes. La transformation et l’adaptation d’une start-up nécessitent une base solide, un business model qui soit scalable. En travaillant avec elles, nous avons vérifié une série de paramètres de scalabilité interne et externe. Chez certaines, nous avons pu préparer une trajectoire de scalabilité. Mais d’autres ont dû pivoter, ce qui a induit de revoir et de valider une série de paramètres. Cela retarde logiquement la scalabilité. Par contre, pour d’autres, l’accélération a commencé. Et cela fait plaisir à voir.
L’étude Agoria/Sirris montre que la grosse majorité des scale-up belges se trouvent en Flandre et à Bruxelles. Pourquoi les start-up wallonnes ont plus de difficultés à "scaler" ?
Benoit Lips : À l’échelle internationale, la Belgique est un village ! Il est dommage que l’on ne projette qu’une vision "subrégionale" sur la dynamique entrepreneuriale. Mais il est vrai que j’observe une forme de limite d’ambition chez certains porteurs de projets en Wallonie. Être un acteur important en Wallonie leur suffit dans un premier temps. Et se déployer dans le nord du pays est déjà un challenge. Beaucoup visent d’ailleurs la France comme second marché.
Karin Maquet : Si je devais mettre des priorités à l’agenda politique et économique de la Wallonie, il y en aurait trois. Un : trop peu de spin-off sortent de nos universités et trop d’entre elles échouent quand elles sortent du cocon académique. Il faut les y préparer dès le début. Il faudrait davantage de formations/coaching en entrepreneuriat, management et stratégie dans les cursus des équipes de spin-off. Deux : le niveau d’ambition des start-up wallonnes est parfois insuffisant pour attirer des capitaux de nature “scale-up”. On n’intègre pas assez vite la stratégie à l’international dans le plan de croissance et dans le recrutement de managers plus expérimentés. Trois : il faut accélérer la concentration géographique par pôle de compétences entre universités, industries et investisseurs. La recette a démontré son efficacité aux États-Unis, en France, en Flandre et à Bruxelles. Trop de pôles sont dispersés en Wallonie. Cela déforce l’ensemble.
Bruno Wattenbergh : C’est culturel. Nous avons réalisé des études sur la croissance en Wallonie et nous constatons que la volonté d’hypercroissance (+ de 40 % de croissance annuelle) n’est que rarement présente. Une start-up en Wallonie est heureuse d’avoir une belle croissance à deux chiffres et c’est plus qu’honorable. La Wallonie a aussi besoin de belles PME. Mais il y a rarement une volonté de forte croissance dès le départ. Cela veut dire que, quand le business plan est concocté et que les premiers financements arrivent, le projet n’a pas été conçu et dimensionné pour une forte croissance. Nous constatons que les porteurs de projets s’autolimitent, s’empêchent de penser à une hypercroissance. C’est la raison pour laquelle, dans nos coachings, nous posons souvent les mêmes questions perturbantes : et si vous deviez aller chercher 1 million d’euros de financement, quelle croissance envisageriez-vous et comment voudriez-vous l’atteindre ? Ou encore : et si vous visiez 5 millions d’euros de chiffre d’affaires après 2 ans, comment configureriez-vous le projet ?
Y a-t-il une recette pour "scaler" ?
Benoit Lips : Il n’y a pas "une" recette pour scaler, mais un ensemble de choses à mettre en place. La transition entre start-up et scale-up est une phase critique, qui dure en moyenne 18 mois, et une zone de risque importante ! Pour scaler , il faut quitter une approche réactive et opportuniste et initier une approche proactive. Pour un entrepreneur, souvent au four et au moulin, changer cette logique exige de se préparer, de définir ses ambitions, d’analyser les ressources dont il va avoir besoin, de structurer toute l’organisation. Cela demande du temps et c’est justement l’une des ressources qui manque le plus à un entrepreneur. Le Reaktor, pour eux, c’est une "mise au vert encadrée". Au travers des master class, avec l’appui des coaches et les échanges avec les autres entrepreneurs, c’est l’occasion de quitter, quelques heures chaque semaine, la gestion quotidienne afin d’identifier les chantiers clés et de structurer un plan d’attaque.
Karin Maquet : Quatre dimensions doivent être alignées pour scaler : un product/market fit réel, une valeur ajoutée démontrée, une équipe solide même si limitée, un plan d’exécution partagé avec un point de destination clair à 2 ou 3 ans. Le Reaktor offre à la cohorte de start-up l’opportunité d’apprendre ou d’approfondir les leviers et les risques du scale-up en quelques semaines. Toutes les questions sont posées et les hypothèses retenues sont challengées de manière professionnelle et bienveillante.
Bruno Wattenbergh : Depuis une vingtaine d’années, il a été démontré qu’il y avait une formule pour augmenter les chances de succès des entreprises et des méthodes pour scaler. Les coachs et les intervenants du Reaktor connaissent et pratiquent ces méthodes. Elles consistent principalement à adapter en permanence chaque morceau du projet à la forte croissance et à s’assurer d’une parfaite industrialisation des ventes.