Le business des abbayes : "Si nous n’avions pas les revenus de la bière Grimbergen, je devrais fermer l’abbaye"
Les revenus directs de l’abbaye via la rétrocession des salaires sont limités d’autant qu’il n’est pas possible d’y effectuer une retraite.
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Publié le 01-08-2021 à 09h50 - Mis à jour le 02-08-2021 à 09h29
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Le bâtiment de l’abbaye est tout à la fois élégant et imposant, flanqué par la basilique Saint-Servais, dont le chœur accueille des tableaux de Saint Norbert.
“Notre abbaye est la plus ancienne fondée par Saint Norbert”, rappelle le père Karel, proviseur de l’abbaye de Grimbergen, située au cœur même de cette commune du Brabant flamand. “C’est le seigneur Gauthier Berthout qui lui avait demandé de construire un lieu de prière à cet endroit”.
Près de huit siècles plus tard, l’abbaye continue à accueillir une communauté d’une quinzaine de chanoines appartenant à l’ordre des Prémontrés. “Nous ne sommes pas des moines”, insiste le père Karel.
Les chanoines ne vivent pas en autarcie. Lui-même a officié comme curé dans la paroisse de Merchtem pendant 17 ans. Comme les autres membres de la communauté affectés à une paroisse, il reversait son salaire à l’abbaye.
Retraites interdites
Depuis 2010, il est proviseur de l’abbaye, s’occupant de l’entretien du bâtiment mais aussi des finances. “Si nous n’avions pas les revenus de la bière, je devrais fermer l’abbaye”, assène-t-il.
Les revenus directs de l’abbaye via la rétrocession des salaires sont en effet limités d’autant qu’il n’est pas possible d’y effectuer une retraite. “Nous avons beaucoup de petites chambres, mais nous ne pouvons pas accueillir des hôtes car la structure est en bois”.

Trop dangereux pour des raisons de sécurité, d’autant que l’abbaye a déjà brûlé à plusieurs reprises par le passé. Depuis 1629, le phœnix est d’ailleurs son emblème et “Ardet Nec Consumitur” sa devise, qui signifie “la flamme ne s’éteint jamais” en latin.
La véritable renaissance de l’abbaye de Grimbergen pour l’époque moderne remonte sans doute à 1958. C’est l’année de l’Expo universelle de Bruxelles.
Le brasseur Maes (devenu ensuite Alken-Maes, groupe Heineken) a alors l’idée de relancer la Grimbergen à la faveur de cet événement organisé au Heysel, soit à un jet de pierre justement de l’abbaye. Il faut toutefois attendre jusqu’en 2008 pour que les royalties perçues sur les ventes de bières prennent de l’ampleur. “C’est alors que le groupe Carlsberg a racheté la licence pour vendre la Grimbergen à l’international”.
Un rêve
“Ce qui est très important, c’est que nous restons gardiens de la recette, ajoute le père Karel Stautemas, qui est lui-même devenu brasseur entre-temps. C’est la concrétisation d’un rêve”.
Ce rêve a pris la réalité d’une micro-brasserie installée depuis quelques mois maintenant dans l’enceinte même du bâtiment, permettant aux trois nouvelles bières d’être brassées au sein même de l’abbaye.
“Cette micro-brasserie est un laboratoire”, poursuit le père-brasseur : toutes les nouvelles bières Grimbergen seront en effet lancées dans les cuves de Grimbergen. Avec toutefois une production locale limitée à 10 000 hectolitres par an. Un espace horeca – le Fenikshof –, avec vue sur le jardin et la micro-brasserie, a aussi ouvert ses portes dans l’enceinte de l’abbaye.
Moins connu, il y a aussi le fromage de Grimbergen, fabriqué par le groupe fromager Lindenhof. C’est encore du pain d’abbaye affichant lui aussi le célèbre Phoenix.
Les revenus de ces produits permettent aussi de soutenir des projets, notamment en Afrique du Sud où Grimbergen est présent depuis de nombreuses années.
C’est aussi des demandes directes. “Il est rare que l’on sonne à la porte de l’abbaye, mais quand c’est le cas, c’est toujours après 17 heures lorsque les bureaux du CPAS sont fermés”, explique le père Karel. L’approche de l’abbaye est plutôt d’aider à la source, dans les paroisses mêmes. “Là, nous connaissons les gens, nous pouvons discuter avec eux et les aider en fonction de leur situation”.