Maintenir les aides pour les biotech? "Oui", répond le secteur, même s'il se porte bien
Le secteur biotech appelle le gouvernement à continuer son soutien pour maintenir le pays dans la course.
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Publié le 21-09-2021 à 19h32 - Mis à jour le 26-10-2021 à 16h27
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"Biotech is the new chocolate for Belgium". La petite phrase lancée mardi en entrée de la conférence organisée par essenscia, la fédération belge des industries des sciences de la vie et de la chimie, et sa branche bio.be fait son petit effet. Le thème ? La place des biotechs dans le plan de relance.
En présence du secrétaire d’État à la relance Thomas Dermine (PS), le secteur a insisté sur l’importance de ne pas couper les aides, directes et indirectes, pour le secteur.
"Il y a aujourd'hui un questionnement sur la pertinence des réductions de charges accordées aux bacheliers et ingénieurs qui travaillent sur le terrain. Pourtant, ce sont des mécanismes qui ont un pouvoir d'attraction énorme. Je ne pense pas qu'il y ait des abus. Peut-être quelques maladresses ou un flou sur les interprétations et la mise en place sur le terrain mais je pense que le gouvernement va prendre ça en charge", nous glisse Frédéric Druck, secrétaire général de bio.be/essenscia. "On n'a peut-être pas eu besoin d'être relancé, puisque le secteur se porte bien, mais il faut profiter de l'élan qu'on a. On est champion en export, en investissement en R&D (recherche et développement, NdlR), en création d'emplois", continue-t-il.
En 2020, le secteur comptait effectivement plus de 35 000 travailleurs, soit une augmentation de 10 000 postes en une décennie. Les exportations de produits biotechnologiques ont, quant à elles, atteint 53 milliards d’euros et 5,5 milliards ont été investis dans les outils de production.
"On apporte, pour le secteur dans son ensemble (biotech, pharma et chimie, NdlR), environ 5 milliards d'euros à l'État – 2,5 milliards en impôts et 2,5 milliards en charges sociales – alors qu'on reçoit un demi-milliard d'aides. On ne s'en plaint pas mais rappelons que pour un euro public, il y a trois euros privés qui viennent dans les projets de recherches et autres", tient à préciser le secrétaire général.
La recherche… et la production
"La recherche et développement peut être plus volatile. C'est pourquoi investir dans la production industrielle, plus stable à long terme, est également essentiel", déclare pour sa part le secrétaire d'État à la relance. Car le processus industriel de production de vaccins et autres produits pharma, même en sous-traitance pour une autre entreprise, est porteur en termes d'emplois. Même si l'un ne va pas sans l'autre. "La création de l'EU Biotech Campus est l'un des projets structurants du plan de relance. Il va apporter une offre de formation pour tous dans un secteur d'avenir, dans une région en redéploiement qui crée des emplois. Le plan de relance va également financer des projets de recherche et d'innovation, par exemple le Bio Base Europe Pilot Plant et l'accélérateur d'innovation CESPE (Center of Excellence Sustainable Pharmaceutical Engineering&Manufacturing) à Gand, qui contribueront à l'excellence belge", avance encore Thomas Dermine.
Difficile d’obtenir un chiffre précis sur ce que représente l’ensemble des aides mais le campus biotech représente par exemple 30 millions d’euros d’apports et le projet à Gand environ 25 millions d’euros.
Former et viser le long terme
La formation, c'est d'ailleurs le mantra du secteur. Par ces projets, il tient à maintenir la Belgique en tête de la course dans les prochaines années. "Il faut de l'action et pas uniquement des paroles. Il faut éviter le surplace. Si Wout Van Aert faisait du surplace, il ne gagnerait rien", glisse avec malice Geoffrey Pot, président de bio.be et manager chez Takeda, visiblement amateur de courses cyclistes. "Ce qu'on fait maintenant sera utile pour les dix prochaines années", renchérit-il.
"L'intérêt de ce genre d'événement est aussi d'expliquer au plus de monde possible ce qu'est la biotechnologie, pour attirer les jeunes à se former dans le domaine, parfois trop obscur", conclut Frédéric Druck, visiblement ravi par la présence de nombreux participants, un brin lassé des rencontres virtuelles qui se sont enchaînées depuis le début de la crise sanitaire.
Le message se veut donc clair, même si la Belgique dispose déjà de nombreux centres de recherche, de start-up, de PME et même au moins un site pour chacune des dix plus grandes entreprises pharma du monde : il ne faut pas se reposer sur ses lauriers… Ni couper l’herbe sous le pied du secteur.
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Tentatives d’intimidation ?
Dans le secteur de la chimie, les syndicats sont sur le front des négociations sectorielles, entamées ce mardi. "S'il y a un accord sectoriel, il y aura tout de même de la frustration, car nous sommes bloqués à une marge salariale de 0,4 %", dénonce Andrea Della Vecchia, secrétaire fédéral de la FGTB. "La loi de 1996 est à côté de la plaque. Créer de l'emploi oui, mais il faut de l'emploi de qualité. L'employé qui gagne 11,93 brut de l'heure et qui va gagner cinq centimes de plus, comment fait-il pour tenir son ménage ? Les femmes sont particulièrement touchées par la précarité dans le secteur. On est dans un système qui a montré ses limites", ajoute-t-il.
Si la FEB, la fédération patronale belge, estime que la hausse des salaires risquerait dans la foulée de renforcer l'inflation, le syndicaliste balaie l'argument. "Si des employeurs estiment avoir besoin de cash, regardons les fuites de capitaux ou les dividendes. Ce ne sont pas des slogans de syndicats, ce sont des faits, publiés par la Banque nationale belge", ajoute-t-il, mentionnant les milliards d'euros de dividendes versés aux actionnaires et les bénéfices nets qui se sont envolés en 2020, dans la chimie et le secteur pharma.
Du côté d’essenscia, on nous signale qu’il est trop tôt pour faire un commentaire sur les exigences syndicales, les négociations étant tout juste entamées.
Courriers sans équivoque...
Le syndicaliste dénonce également les tentatives d’intimidation de certaines entreprises par rapport à la manifestation intersectorielle prévue ce 24 septembre. Nous avons d’ailleurs pu consulter une copie de mails que des intérimaires travaillant dans l’entreprise brugeoise Prince (qui fournit des produits chimiques de base) ont reçu de leur agence pour leur faire part de la “déception” du groupe, la liste des grévistes leur étant transmise pour des raisons d’organisation.
L'agence intérim à l'origine des mails indique clairement que l'entreprise a signalé les travailleurs et a fait part de son mécontentement. L'employeur qui ferait "tout" pour les collaborateurs et leur assurerait de "bons paiements". Si l'entreprise ne nous a pas encore répondu, difficile de vérifier les chiffres concernant les salaires. Néanmoins, c'est une pression claire sur le droit de grève.
"Sur un ton qui ne dupe personne, l’agence concède que c’est au travailleur de décider s’il participe ou pas à cette action, mais insiste lourdement sur le fait que Prince est un bon employeur-utilisateur, qui fait tout pour les travailleurs, contrairement au syndicat. Et de rappeler aussi que les travailleurs montrent ainsi une certaine image d’eux à l’entreprise. Pour la FGTB Chimie et la Coordination FGTB Intérim, c’est une attaque grave contre les libertés syndicales – une de plus. Dans le cas présent, cette intimidation vise des travailleurs particulièrement fragiles, soumis à une précarité extrême, avec des contrats courts et sans la moindre garantie d’emploi. De même, c’est le secteur de la chimie qui est ici visé, mais la pratique n’a pas de frontières sectorielles", alerte le syndicat.