Intelligence artificielle: la Wallonie est-elle en retard? Les start-up montrent la voie à suivre
Si on en croit la base de données du portail Digital Wallonia, il y aurait 73 start-up actives dans l’intelligence artificielle (IA) en Wallonie.
Publié le 15-10-2021 à 14h54 - Mis à jour le 18-10-2021 à 15h00
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/GU77CQ6FHFBQ5JT4ELMKZBL77I.jpg)
À cela, il faut ajouter une série d'acteurs liés au monde de la recherche (universités, centres agréés, spin-off...), dont certains ont développé une activité de service ou de production liée aux différents types d'IA (apprentissage automatique, analyse d'images, systèmes de reconnaissance faciale et vocale...). On compterait plus de 600 chercheurs, en Fédération Wallonie-Bruxelles, impliqués dans la "science des données" et le développement d'algorithmes intelligents. Ces quelques chiffres démontrent que la Wallonie, parfois accusée d'être à la traîne dans la "révolution de l'IA", ne s'en sort pas si mal que ça. Certes, en nombre de start-up et de scale-up actives dans l'IA, la Flandre fait la course en tête. Mais les lignes ont commencé à bouger, tant du côté des pouvoirs publics que des entreprises et, plus particulièrement, des start-up. Un déclic s'est produit dans le courant de 2018 avec la création, par une poignée d'entrepreneurs wallons, du Réseau IA. Ce collectif a rapidement convaincu l'Agence du numérique (AdN) qu'il était urgent de placer la Wallonie sur la carte mondiale de l'IA. En novembre 2019, le programme DigitalWallonia4.ai - déclinaison wallonne du programme fédéral AI4Belgium lancé six mois plus tôt - était mis sur les rails.

Premières initiatives
Portée par l'AdN, Agoria, l'Infopôle Cluster TIC et le Réseau IA, DigitalWallonia4.ai a eu le mérite d'enclencher une dynamique en faveur de l'adoption de l'IA par les entreprises (start-up, PME et grandes entreprises). Des actions visant à accompagner les entreprises désirant incorporer l'intelligence artificielle dans leur business (Start IA) et à développer des prototypes (Tremplin IA) ont vu le jour (avec un financement public à la clé). Cap IA est venu compléter le dispositif en vue de soutenir les scale-up dans la mise sur le marché de produits ou services IA. Jusqu'ici, une bonne centaine d'entreprises ont pris part à ces actions.
Le monde de la recherche s'est également mobilisé. Sous l'impulsion des professeurs Thierry Dutoit (UMons) et Benoît Macq (UCLouvain), les cinq universités francophones et quatre centres de recherche wallons spécialisés dans les nouvelles technologies (Sirris, Multitel, Cetic et Cenaero) ont donné naissance, voici un an, à Trail (Trusted AI Labs).
Parmi les objectifs de cet "Imec wallon", soutenu à hauteur de 32 millions d'euros sur six ans par le gouvernement wallon, on trouve le recrutement de 60 jeunes talents appelés à développer des solutions IA au bénéfice des entreprises. "Les premiers engagements ont eu lieu en septembre", indique Benoît Macq. "Le but est à la fois de favoriser le transfert de technologies vers les entreprises existantes et de créer un écosystème favorisant l'émergence de spin-off et start-up."
Une recherche (plus) appliquée
Trois ans après les premières initiatives visant à faire émerger un écosystème wallon autour de l'IA, les avis convergent pour reconnaître que le train est en marche. "La dynamique est réelle et elle va dans le bon sens", souligne Nathanaël Ackerman, directeur général de la coalition AI4Belgium et expert "AI & Innovation" au SPF Stratégie et Appui (Bosa). "Maintenant, il faut accélérer. Il est important que les chercheurs de Trail consacrent systématiquement une partie de leur temps aux challenges industriels identifiés. Même s'il y a eu des contacts entre Trail et le Réseau IA, la jonction ne s'est pas encore faite." Nathanaël Ackerman invite aussi la Région wallonne à accroître les financements de Start IA, Tremplin IA et Cap IA afin de permettre à un plus grand nombre de start-up et PME d'y prendre part.
Christophe Montoisy, représentant du Réseau IA, est d'avis qu'il faudrait "élargir le spectre des aides afin de toucher un plus grand nombre d'entreprises." Actuellement, le dispositif wallon des "chèques technologiques" impose aux entreprises de faire appel à un centre de recherche agréé par la Région wallonne, ce qui exclut les bureaux d'études et les sociétés de services en IA. "Si on veut avoir un réel impact et arrimer les entreprises à ce qui sortira des travaux de Trail, on doit utiliser toutes les ressources à notre disposition et mieux les coordonner : centres de recherche, bureaux d'études, clusters, pôles de compétitivité", insiste M. Montoisy.
L’IA au service d’une quincaillerie !
Le chantier de l'IA ne fait que démarrer en Wallonie. De plus en plus de start-up et de PME font le choix de se lancer, seules ou en partenariat avec des sociétés de services spécialisées, dans des projets IA. B12 Consulting, société fondée en 2012 par trois docteurs en physique de l'UCLouvain, a été l'une des premières à accompagner des entreprises dans de tels projets. "On a déjà mené plus de 100 projets dans des secteurs très variés et en utilisant différentes technologies (reconnaissance d'images, traitement naturel du langage…)", expose Michel Herquet, cofondateur de B12 Consulting. La société néolouvaniste est très active dans les programmes Start IA et Tremplin IA. "Il est important de partir de problématiques concrètes des entreprises et de se focaliser sur les opportunités de création rapide de valeur", insiste M. Herquet . Et, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, l'IA ne se limite pas à certains secteurs et entreprises technologiques. " On vient de clôturer un 'Tremplin IA' avec la société Fernand Georges, qui est spécialisée en quincaillerie pour les menuisiers et professionnels du bâtiment. On a développé une IA qui permet d'identifier, sur la base de photos prises par les clients, la meilleure proposition de remplacement d'une serrure défectueuse." Quand on sait qu'il existe plusieurs milliers de modèles de serrure, le gain de temps pour cette PME wallonne est considérable.