Ces start-up wallonnes qui investissent dans l'intelligence artificielle
De plus en plus de start-up et de PME font le choix de se lancer, seules ou en partenariat avec des sociétés de services spécialisées, dans des projets IA.
Publié le 18-10-2021 à 08h49 - Mis à jour le 02-11-2021 à 12h22
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Phoenix AI, la start-up qui amène l’intelligence artificielle sur des petites cartes électroniques
Lancée en 2018, puis financée à la suite d'une levée de fonds en septembre 2019 de 1,86 million d'euros, la start-up Phoenix AI est spécialisée dans le traitement en temps réel d'images provenant de caméras en exploitant les potentialités de l'intelligence artificielle (IA). Et elle commence à engranger quelques très beaux contrats commerciaux. "Nous amenons l'IA sur des petites cartes électroniques de 10 sur 11 centimètres qui ne consomment que 10 à 15 watts, là où auparavant l'IA tournait sur des serveurs qui consommaient beaucoup d'énergie. Cela change complètement la donne, notamment sur le plan environnemental. En termes d'infrastructures, nous n'avons, en effet, plus besoin de gros pipelines de données car tous les échanges de données se font au niveau de la carte elle-même. Cette IA logée dans ces cartes électroniques peut ensuite se retrouver dans une caméra, un poteau, une armoire technique, un bus, un tram, un avion, un péage routier…" , nous explique Laurent Renard, CEO de la start-up.
Cet ancien gendarme passionné d’informatique et qui a aussi été à l’origine de la société I-Movix (NdlR : développeur de caméras de super ralentis pour la télévision sportive, notamment fournisseur des Jeux de Pékin) s’est lancé dans l’aventure Phoenix avec son épouse Nathalie Vinchent.
Des applications innombrables
La société, basée désormais à Péruwelz et qui emploie à ce jour 7 personnes, fabrique le matériel électronique et développe les solutions logicielles liées à l'IA embarquée dans les cartes. Elle ne commercialise pas en direct ses solutions technologiques mais bien via un réseau de partenaires, soit des distributeurs, soit des intégrateurs. Mais les clients en bout de course sont, notamment, des communes ou des administrations, les forces de police ou des sociétés de transport. "Nous avons environ vingt modèles d'IA disponibles. Les applications possibles sont quasiment sans limites" , poursuit notre interlocuteur.
Jugez plutôt. Cela va des systèmes de détection de dépôts sauvages ou clandestins de déchets, à la détection des personnes sur un chantier, à celle des objets abandonnés dans une gare, à la gestion intelligente des parkings ou des passages à niveau en passant par la détection, en temps réel, de graffitis. Une dernière application qui connaît un certain succès.
"Nous venons de signer un gros contrat de distribution avec une entreprise qui s'appelle Tech Data qui fournit ce genre de solutions technologiques à tous les intégrateurs IBM et Tech Data dans le monde" , indique encore Laurent Renard. Un contrat qui va permettre de mettre la start-up en contact avec de gros acteurs comme Infrabel ou la SNCB en Belgique ou la SNCF en France, mais aussi de lui ouvrir les portes des marchés britannique, allemand et italien. Des contacts sont aussi en cours pour décrocher de nouveaux contrats en France.
En croissance, la start-up compte engager à court terme deux personnes. Profil recherché ? Ingénieurs développeurs avec des capacités en IA et ingénieurs en électronique. "Nous n'avons pas vocation à devenir une société de services et nous ne dépasserons sans doute pas un effectif d'une quinzaine de personnes" , prévient cependant le CEO de la start-up.

Ciseo donne la vue aux robots aveugles, l’IA leur donne un petit plus
Manipuler des seringues et des flacons de vaccins, voilà une tâche qui nécessite un minimum d’adresse. Ciseo, entreprise liégeoise implantée dans le parc scientifique du Sart-Tilman, est justement spécialisée dans les lignes de production où des robots effectuent ce genre de missions délicates, et pas uniquement dans le secteur pharmaceutique.
" L'IA est une technologie complémentaire, mais elle ne va pas révolutionner les systèmes en place aujourd'hui dans le secteur de la production industrielle comme le nôtre. Dans d'autres, elle sera sans doute plus disruptive ", avance Grégory Reichling, CEO de l'entreprise fondée en 2009.
" Ici, les robots et les systèmes automatisés, ça fait longtemps que ça existe. L'automatisation permet d'aller vite, de faire du volume. C'est très structuré, avec des processus répétés. L'IA n'a pas beaucoup de marge de manœuvre pour le moment. Il faut lui trouver des applications où il y a de la variabilité, ce qui est rare en industrie de production. Le traitement de données peut, en revanche, être intéressant pour faire évoluer les pratiques, mais ça sort un peu de notre domaine, qui est centré sur la robotique ", ajoute-t-il, précisant qu'il laisse le soin à Sagacify, start-up spécialisée en IA, de développer tout ce qui touche à la programmation de l'intelligence artificielle et au machine learning (soit le fait que les robots puissent apprendre par eux-mêmes).
" Une des caractéristiques de l'IA est que beaucoup de solutions sont disponibles en 'open source', gratuitement. Après, chacun configure l'algorithme à sa façon. De notre côté, on construit des machines et on fait donc appel à des partenaires pour les applications en IA ", répète-t-il.
Ultra-généraliste
L'entreprise, qui compte environ 85 travailleurs (dont une cinquantaine pour leur bureau d'études), travaille aussi bien sur les lignes de production pharmaceutique (Pfizer, GSK,…) que dans l'aéronautique (Safran, Sonaca, Sabca…), le spatial et l'agroalimentaire. Ciseo réalise un chiffre d'affaires d'environ 10,5 millions d'euros. " On est très généraliste, on travaille avec les industries porteuses pour l'économie wallonne, ainsi qu'avec certaines universités ", ajoute encore le dirigeant.
Les robots que Ciseo développent vont de petits modèles à moins de cent mille euros à des engins qui dépassent le million d'euros, destinés à de grosses lignes de production. " On fait toute la conception chez nous, on monte la machine, on la met au point et on l'installe chez le client ", détaille Grégory Reichling.
" Dans notre domaine, l'IA permet de réaliser des tâches simples, comme apprendre à repérer des défauts variables de qualité, à comprendre ce qui est une anomalie et ce qui ne l'est pas. Les machines apprennent petit à petit et deviennent plus performantes. On leur donne des yeux, en quelque sorte ", vulgarise-t-il.

Radiomics et ses outils intelligents traquent les tumeurs et aident à les détruire
Ce n'est plus tout à fait une start-up, c'est presque une scale-up. Mais elle avance. Elle, c'est Radiomics , une jeune entreprise liégeoise qui inscrit ses développements dans le cadre de l'analyse d'images médicales, radios, scanners, plus précisément dans la détection et le traitement de cancers. Wim Vos, le patron de Radiomics, n'est pourtant pas médecin… "Non, je suis ingénieur en aéronautique. Mais voilà 16 ans que j'ai quitté ce secteur pour me tourner vers le médical et le pharmaceutique." Wim et ses équipes développent en fait des outils numériques permettant d'analyser l'imagerie. "Nous avons un "workflow" qui travaille sur ces images. On détecte et on quantifie les tumeurs et ce qui les entoure, tout ce qui est lié. Sur base des résultats, nous fournissons une offre de services aux entreprises pharmaceutiques. On leur donne des conseils à propos des effets de leurs médicaments, et cela les aide." Par ailleurs, Radiomics développe aussi des produits dédiés à la prise de décision dans le secteur de l'oncologie, avec des développements dans les outils d'aide à la détection et au diagnostic. Enfin, l'entreprise offre aussi des services de suivi des patients. "On observe de quelle manière la maladie ou les tumeurs évoluent dans le temps" , explique Wim Vos. Ici encore, les effets sont analysés et permettent aux entreprises pharmaceutiques d'orienter leurs développements.
Un écosystème vertueux
On le perçoit, la mécanique qui sous-tend les processus de Radiomics est subtile. En effet, pour disposer d'outils efficaces, il faut analyser beaucoup d'images et alimenter les outils d'apprentissage. "On applique l'intelligence artificielle à tous les niveaux au départ de l'imagerie. Et l'efficacité de ces outils est évidemment liée à notre collaboration avec les entreprises pharmaceutiques à qui nous fournissons des services. Par la suite, l'analyse évolutive nous permet de fournir des conseils ou des informations aux mêmes entreprises" , indique encore Wim Vos. "Notre mode de développement est en effet dépendant de notre offre de services aux entreprises pharmaceutiques." Le principe de fonctionnement de ces outils est donc basé sur une interaction étroite entre les développeurs d'applications, les entreprises pharmaceutiques au niveau de la mise au point de traitements, mais en même temps avec une efficacité en oncologie clinique. Il y a là une efficacité immédiate et évolutive, avec un apprentissage constant, portable dans d'autres segments cliniques.

Gabi SmartCare améliore les soins pour les enfants
Grâce à un bracelet connecté et une plateforme numérique, la start-up Gabi SmartCare ambitionne de révolutionner les soins pédiatriques. Le dispositif a le potentiel de transformer la manière de travailler grâce à une meilleure prévention, un meilleur suivi des traitements et plus de confort pour les petits.
Derrière la plateforme numérique ? L'intelligence artificielle. Intégrée pour les enfants de tous âges et conditions, y compris les bébés prématurés. "La plateforme permet le suivi de huit paramètres de santé (niveau d'oxygénation du sang, rythme cardiaque…) et offre un rapport d'évaluation de la santé pédiatrique basé sur des données et des prédictions personnalisées" , explique le CEO, Jonathan Baut.
Un marché international
La solution est pour le moment en test dans plusieurs hôpitaux belges partenaires comme l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola et l’ISPPC CHU de Charleroi.
La medtech a d’ailleurs levé 3 millions d’euros auprès d’Analis, de Wing et de Noshaq. Cette levée de fonds lui permettra d’accélérer ses deux objectifs, à savoir : la certification médicale de sa solution aux États-Unis et en Europe et sa commercialisation fin 2022, début 2023.
Si la start-up intéresse tant les investisseurs, c'est qu'il y a un véritable marché. La crise sanitaire a en effet renforcé les besoins d'une médecine numérique tant pour les familles que pour les professionnels de soins de santé. De plus, l'application permet une amélioration des systèmes de soins de santé grâce à une réduction des coûts "puisque les enfants passent moins de temps à l'hôpital , ajoute le CEO. Le bracelet permet un meilleur suivi, un meilleur diagnostic et une communication améliorée avec les médecins."