Alstom prépare le train du futur sur son site de Charleroi
Alstom développe le train autonome, et se verrait bien l’implanter en Belgique.
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- Publié le 13-12-2021 à 19h33
- Mis à jour le 03-01-2022 à 22h22
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Difficile d’imaginer, vu de l’extérieur, que le bâtiment historique des Acec (les anciens Ateliers de constructions électriques de Charleroi), encadré par la Sambre et les colonnes du petit ring de Charleroi, héberge un centre d’excellence mondial du groupe ferroviaire français Alstom. C’est pourtant bien ici que se dessine l’avenir du train.
Parmi les grandes tendances qui pourraient un jour débarquer chez nous, il y en a une qui a retenu notre attention : le système ATO. Il s’agit d’un logiciel de pilotage automatique. Un train sans conducteur, en quelque sorte, qui se décline en quatre modes. Le niveau le plus poussé prévoit de se passer totalement de chauffeur, mais cette utilisation, par ailleurs déjà implantée dans certains pays, est davantage adaptée au métro.
Pour les trains de passagers, le système ATO prévoit toujours la présence d’un conducteur. Ce dernier serait responsable de la sécurité, et son rôle comprend plutôt une tâche de surveillance, ainsi que l’ouverture et la fermeture des portes. Le reste des opérations est calculé par un algorithme à partir des informations fournies par le réseau. Le logiciel développé par Alstom veut s’attaquer à trois grands points : la ponctualité, la sécurité et l’optimisation de l’énergie.
Des tests avec la SNCB
Alstom a déjà procédé à des tests de ce système avec des conducteurs de la SNCB, et les résultats semblent prometteurs, à en croire l’entreprise. Pour les trains IC (Intercity), c’est-à-dire des trains qui relient les gares les plus importantes du pays et parcourent des distances moyennes sans s’arrêter, le gain d’énergie est estimé à entre 10 et 15 %.
Par contre, pour les omnibus (les trains qui desservent de nombreux arrêts, plus petits), le gain peut grimper jusqu'à 40 %. "C'est au moment de l'arrêt et du démarrage que le gain est le plus marqué, lorsque le train procède à de fortes accélérations et décélérations. La vitesse adaptée augmente également le confort pour le voyageur puisqu'il y a moins de secousses", défend Pierre Meunier, directeur de l'innovation chez Alstom Charleroi. Cette technologie permet en outre d'augmenter la capacité des lignes, en calculant au mieux la vitesse des trajets.
Alstom s'est d'ailleurs penché sur le bénéfice d'un tel système pour le plus gros goulot d'étranglement du rail belge, la jonction Nord-Midi à Bruxelles. "Les résultats ont montré que le système ATO permettrait d'augmenter de 20 à 30 % le nombre de trains sur cette jonction sans créer de nouvelles infrastructures", assure l'entreprise. L'algorithme adapte aussi la vitesse du convoi afin d'épouser au mieux l'horaire. "Puisqu'il s'agit d'un logiciel, le système ATO pourrait être implémenté sur la flotte actuelle", précise le directeur de l'innovation.
Bientôt en Allemagne
Alstom a déjà conclu un contrat avec la CFL, l'opérateur ferroviaire du grand-duché du Luxembourg. Les premiers trains équipés de ce système devraient rouler dès 2024. En Allemagne, les premiers essais sur des lignes régionales de transport de passagers auront lieu en 2023.
Et en Belgique ? Il n’est pas encore question d’implémenter ce système. La priorité va d’abord à l’équipement ETCS, le système européen harmonisé de contrôle des trains, indique le cabinet du ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Écolo), lors de la visite du site carolo. Aujourd’hui, environ un tiers des voies principales d’Infrabel en est équipé. L’objectif est de couvrir l’entièreté du réseau d’ici 2025. Alstom participe également à l’installation de cette technologie.
Plus de 700 nouvelles voitures
Depuis 2015, la SNCB et Infrabel ont conclu des contrats à hauteur de 1,9 milliard d’euros auprès de l’entreprise française. Outre le système ECTS, Alstom est également chargé de fournir les 747 voitures M7 (les nouvelles voitures à double étage) commandées par la SNCB.
"Les compétences développées par Alstom en Belgique participent activement à une mobilité par rail plus moderne, attractive et respectueuse de l'environnement, et ce dans le monde entier. L'expertise de nos équipes est déployée notamment avec les opérateurs belges, ce qui permet de garder un vrai savoir-faire national", explique Bernard Belvaux, directeur général d'Alstom Benelux. "Nous sommes clairement dans un secteur en pleine mutation technologique et d'avenir."
Une centaine d’emplois à pourvoir en Belgique
Le rail, secteur d’avenir ? Si les ambitions politiques et industrielles sont grandes, les entreprises peinent à trouver les profils qualifiés nécessaires à leur développement. Le site d’Alstom Charleroi a récemment lancé une campagne pour recruter 150 travailleurs, principalement des ingénieurs et des techniciens. Sur le site brugeois de l’entreprise, pas moins de 40 postes cherchent encore preneurs.
Le groupe connaît en effet une croissance que la crise Covid n’a pas infléchie. Le chiffre d’affaires a connu une progression de 20 % en trois ans, passant de 286 millions d’euros en 2017-2018 à 335 millions en 2021. Preuve de son développement, le site carolo procède à 10 recrutements par mois depuis 2019, et comptabilise aujourd’hui 1 160 employés.
Le groupe a récemment lancé deux chaires universitaires en recherche et en formation (à l'UMons et à l'UCLouvain). Une première dans l'histoire du groupe ferroviaire, qui entend par là sensibiliser les jeunes étudiants à l'innovation dans les transports et l'énergie.