Myocene, start-up liégeoise, invente le thermomètre musculaire pour les sportifs de haut niveau
La nouvelle start-up de Pierre Rigaux, médecin du sport et "serial entrepreneur", est sur les rails. Myocene a créé un dispositif pour mesurer la fatigue musculaire. Une première mondiale. La cible est les sportifs de haut niveau.
Publié le 13-12-2021 à 08h08 - Mis à jour le 13-12-2021 à 11h05
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En juin 2019, lorsqu'il céda la majorité du capital de Cefaly Technology au fonds d'investissement nord-américain DW Healthcare Partners, Pierre Rigaux aurait pu tourner la page de sa vie professionnelle et entamer une retraite confortable. Cefaly, start-up "medtech" fondée en 2004 par Pierre Rigaux et Pierre-Yves Muller, était parvenue à développer et commercialiser un dispositif médical innovant contre les migraines. La technique utilisée était celle de la neurostimulation crânienne.
Il n'aura pas fallu longtemps pour que Pierre Rigaux, médecin du sport reconverti en "serial entrepreneur", se lance dans un nouveau projet. "On a démarré assez rapidement après la cession de Cefaly (dans laquelle M. Rigaux et M. Muller conservent encore 12 % du capital, NdlR). Mais l'idée du projet, nous l'avions déjà en tête depuis le début des années 2000", nous explique ce Liégeois de 66 ans. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, il a entraîné Pierre-Yves Muller, ingénieur suisse en microtechnique, et Jean-Yves Mignolet, ingénieur belge en électronique passé par l'Imec et recruté par Cefaly, dans la nouvelle aventure.
Simple et rapide
Avec Myocene, qui est le nom donné à la nouvelle start-up (myo signifie "muscle" en grec), Pierre Rigaux (président) et Jean-Yves Mignolet (CEO) ont remis sur le métier un projet visant à objectiver l'état de fatigue musculaire des sportifs professionnels. "En médecine ambulatoire, expose M. Rigaux, on n'a aucun dispositif pour mesurer cette fatigue avec précision. On est donc dans l'ordre du ressenti." La seule véritable alternative consiste, pour un sportif de haut niveau, à se rendre dans un centre spécialisé pour effectuer une batterie de tests physiques. Comme le relevait, dans son numéro d'automne, le magazine spécialisé Sport&Vie, de nombreux chercheurs se sont évertués à mettre au point un outil assimilable à un thermomètre "dont la fonction ne serait pas de relever la température mais de quantifier la fatigue".
Pourquoi s’échiner à vouloir mesurer la fatigue musculaire de façon précise, nous direz-vous ? La réponse de Pierre Rigaux et Jean-Yves Mignolet tient en une phrase : ça permet, pour les élites sportives, de mieux concevoir leurs entraînements, d’éviter le surentraînement et de réduire les accidents liés à la perte de force et de vitesse induite par une fatigue musculaire de longue durée.
Le dispositif que Myocene a développé (avec l'aide de l'incubateur WSL et de sous-traitants wallons), et que la start-up liégeoise commercialise depuis cet automne, prend la forme d'un équipement de 8 kilos et d'un logiciel de traitement de données. Le sportif est assis sur une tablette avec une jambe placée de telle façon que le tibia repose sur la butée d'un capteur de force. Par électrostimulation (via trois électrodes posées sur la cuisse), on provoque des contractions musculaires du quadriceps. "On va appliquer à la fois des stimulations à basses et à hautes fréquences, explique Jean-Yves Collinet. Notre algorithme va alors mesurer les réponses des contractions musculaires, calculer un indice de fatigue et le comparer avec des données au repos." Il faut à peine deux minutes par jambe pour obtenir les résultats.
Simple en apparence, le dispositif Myocene est une "première mondiale", assure Pierre Rigaux, qui va "révolutionner le suivi des sportifs de haut niveau", que ce soit pour les sports d'équipe (football, hockey, basket…) ou individuels (ski, vélo…).
Myocene a pu compter, d’emblée, sur deux ambassadeurs emblématiques du sport belge de haut niveau : John-John Dohmen (champion olympique de hockey) et Armand Marchant (premier skieur belge à récolter des points en Coupe du monde).
Le marché américain fin 2022
En moins de trois mois d'activité commerciale, la start-up, installée au Val Benoît à Liège, a déjà convaincu plusieurs clubs de football belges (Standard et FC Bruges), espagnols (Valence, Elche, Atlético Madrid, Celta Vigo) et français (Marseille, Lyon et Monaco) de tester le dispositif. Des préparateurs physiques de sportifs de haut niveau ont déjà passé commande. "Nous prévoyons une mise sur le marché américain au quatrième trimestre 2022. Avec le marché européen, on évalue le potentiel de vente à 20 000 appareils (à un prix unitaire de 20 000 euros, NdlR)", indique M. Mignolet. Mais l'objectif est de décliner le dispositif pour répondre à d'autres besoins.
Myocene a investi, à ce jour, 1,6 million d'euros (dont une subvention de 300 000 euros de la Région wallonne). "Début 2023, en fonction de nos résultats commerciaux, nous évaluerons s'il est nécessaire de procéder à une nouvelle levée de fonds", conclut Pierre Rigaux.