"Pour limiter l’augmentation de la température, il va falloir investir 5.000 milliards de dollars par an": les climate tech peuvent-elles sauver la planète?
Greentech, climate tech, cleantech. Ces trois appellations ont rejoint en force, ces derniers mois, les plus médiatisées fintech, foodtech ou healthtech . De quoi s’agit-il au juste ?
- Publié le 28-01-2022 à 15h44
- Mis à jour le 06-05-2022 à 14h39
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Pourquoi les fonds d'investissement se ruent-ils soudainement à coups de millions de dollars ou d'euros sur ces jeunes pousses vertes ? Sommes-nous face à du greenwashing ou à une tendance de fond ? Cette vague, enfin, a-t-elle touché les start-up technologiques belges ?
Clarifions, avant tout, les terminologies. Les technologies vertes ( greentechs ) peuvent être scindées en deux grandes branches : les technologies climatiques ( climate techs ) et les technologies propres ( cleantechs ). Leur point commun ? Elles cherchent, d'une part, à traiter les dommages causés par l'homme à l'environnement et, d'autre part, à réduire ou éliminer les sources de dommages supplémentaires en vue de lutter contre le réchauffement climatique (via la capture et la réduction des différents gaz à effets de serre, en particulier).
Expert des greentechs à l'Awex (Agence wallonne à l'exportation et aux investissements étrangers), Fabian Scuvie confirme que le spectre est large et diversifié. De très nombreux secteurs sont a priori concernés : énergie, agroalimentaire, transport, logistique, industrie, construction… "Par greentech", explique Fabian Scuvie , "nous désignons tout produit ou service qui permet de proposer au client/utilisateur un impact significativement moindre sur l'environnement que son équivalent "classique", s'il existe, pour des performances équivalentes ou supérieures." Autre chose est de savoir comment on fait pour développer et commercialiser ces produits et services "verts" qui contribueront à décarboner l'activité économique.
"Mettre en contact start-up et investisseurs"
Depuis la Californie, où il a créé la communauté Startup Basecamp en 2015 (avant de revenir récemment en Europe en raison du Covid), Guillaume de Dorlodot, jeune entrepreneur d'origine namuroise, a suivi de près la manière dont les fondateurs de start-up et les investisseurs se sont emparés des enjeux climatiques. "J'étais arrivé dans la Silicon Valley avec le DVD du film d'Al Gore, "Une vérité qui dérange", sous le bras, s'amuse-t-il depuis Milan . "Ensuite, avec le Startup Basecamp, j'ai croisé énormément de start-up et d'investisseurs actifs dans une multitude de domaines. C'est à partir de 2018 que j'ai vraiment ressenti la montée en puissance de projets à impact liés au climat."
En 2020, Guillaume de Dorlodot et son équipe décidaient de mettre le cap sur les climate techs . "Notre mission, désormais, est d'accélérer le déploiement de capitaux vers les start-up spécialisées dans les technologies climatiques. On a créé un réseau en ligne pour favoriser la mise en contact entre start-up et investisseurs, on réalise des podcasts avec des acteurs et des experts influents dans le domaine, on organise des pitchs, etc. Le défi est à la fois immense et urgent. Pour limiter l'augmentation de la température à 1,5 degré à l'horizon de 2030, il va falloir investir 5 000 milliards de dollars par an !"
Jeunes pousses et grands groupes
L'écosystème belge des start-up technologiques s'est, lui aussi, mis en action. Les jeunes pousses belges, dont nous donnons quatre exemples concrets, ne sont évidemment pas les seules et les premières à se mobiliser en faveur de la planète. On pourrait citer, pêle-mêle, Greenomy , Tapio , CO2logic, Climact, Aug-e, D-Carbonize, Greenzy , Soil Capital, Ecco Nova … De grandes entreprises comme Umicore, Solvay, Carmeuse, Cosucra ou IBA, pour n'en citer que quelques-unes, jouent aussi un rôle important dans le développement de solutions plus respectueuses de l'environnement.
Un autre exemple inspirant est l'ex-groupe sidérurgique liégeois John Cockerill, lequel a fait de l'environnement (traitement des eaux et des solides, dépollution de l'air…) l'un des piliers de ses activités. Le groupe contrôlé et présidé par Bernard Serin a franchi un pas supplémentaire, mi-2020, en créant Industrya avec la SFPI, la SRIW, Noshaq et LRM. À la fois fonds d'investissement, doté de 42 millions d'euros, et incubateur industriel, Industrya finance et accompagne des start-up actives dans l'industrie 4.0, la transition énergétique et les nouveaux matériaux. "Même si ce n'est pas l'unique critère dans nos choix d'investissement, la contribution des start-up à l'objectif de neutralité carbone est très importante", expose Thibaud Le Séguillon, CEO d'Industrya et ancien dirigeant de Heliatek, start-up allemande qui a mis au point des panneaux solaires à base de semi-conducteurs organiques . Industrya a déjà reçu plus de 170 dossiers et investi dans trois start-up, dont VOCsens, pépite de l'UCLouvain qui a créé une caméra environnementale pour capter les molécules de gaz invisibles.
Les climate techs sauveront-elles la planète ? Certainement pas. Mais elles y participeront de façon significative. Voici quelques mois, Larry Fink, patron de BlackRock (plus grand gestionnaire d'actifs financiers au monde), avait déclaré que "les 1 000 prochaines licornes - ces entreprises dont la valorisation boursière dépasse le milliard de dollars, NdlR - ne seront pas un moteur de recherche, ni une entreprise médiatique, ce seront des entreprises développant de l'hydrogène vert, de l'agriculture verte, de l'acier vert et du ciment vert" . Rendez-vous en 2030.