"Jusqu'à 135 000 euros" : Comment les huîtres sont devenues une activité économique profitable
Cet objet si délicat et fragile qu'est la perle fine peut coûter plus de 135 000 euros pièce. Un business qui ne laisse pas la place aux amateurs.
Publié le 14-03-2022 à 14h01 - Mis à jour le 14-03-2022 à 17h09
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Discrète dans le grand monde des bijoux, la perle fine est l'un de ces joyaux issus de la nature dont le prix peut atteindre des sommets. Elle attire chaque année un grand nombre d'investisseurs lors des ventes aux enchères organisées au Japon et à Hong Kong.
Aujourd'hui extrêmement rares, les perles sauvages sont beaucoup plus chères que les perles de culture. Les premières sont trouvées dans la mer, les secondes sont issues de la perliculture - un travail long et méthodique. La première productrice de perles est la Chine, qui représenterait 95 % de la production mondiale.
Les perles de culture les plus prisées proviennent toutefois d'Australie, d'Indonésie ou des Philippines : ces perles des mers du Sud sont de couleur argentée et champagne. Il faut y mettre entre moins de 150 et plus de 135 000 euros pour en avoir. De couleur noir aubergine, vert plume de paon ou brune, les perles de Tahiti - considérées comme les plus exotiques - coûtent pour leur part entre moins de 200 euros à plus de 36 000 euros. Originaires de Chine ou du Japon pour la plupart, il y a également les perles d'Akoya, de couleur blanche, qui s'achètent entre moins de 100 euros et plus de 6 000 euros. Enfin, les perles les plus abordables sont les perles d'eau douce, qui sont majoritairement chinoises. De couleur blanche ou lavande, elles coûtent entre moins de 20 euros et plus de 4 000 euros.
Certes, ces fourchettes de prix sont assez larges. Si chaque bijoutier fixe ses propres tarifs, ceux-ci varient également en fonction de l'origine, la taille, la couleur, la forme, l'éclat et les défauts éventuels de la perle de culture. Chaque critère fait évoluer à la hausse ou à la baisse sa valeur. En ce qui concerne les perles sauvage, c'est la taille - et donc, le poids - qui est le critère le plus déterminant.
En clair : si vous désirez acquérir un collier "classique" de perles fines, il vous faut débourser entre 1 000 et 300 000 euros.
Un phénomène naturel mais rare
Au départ, cette petite bille nacrée est le résultat d'un phénomène naturel : lorsqu'un grain de sable se glisse dans la coquille d’une huître, celle-ci se défend en l’enveloppant de nacre. Au bout de quelques années, l’intrus est couvert de plusieurs couches de nacre et se transforme ainsi en perle sauvage, appelée "perle fine".
L’idée de la perliculture est de greffer manuellement un corps extérieur dans l’huître : un coquillage artificiel, le nucleus, dont la taille est parfaitement ronde, est inséré dans la coquille du mollusque. La perle de culture est un nucléus entouré d'en moyenne 3 000 couches de nacre.
Même avec une intervention extérieure humaine, la perle fine reste un objet rare, issu d’un processus long et aléatoire. En effet, sur les 100 huîtres greffées, seulement 40 perles en moyenne pourront être commercialisées.
Et encore, si ce petit trésor organique est potentiellement commercialisable, l'apparence ne fait pas tout. Seules sont commercialisées les perles dont le nacre fait plus de 0,8 millimètres d'épaisseur. Une condition vérifiée par un examen sous rayons X.
Une activité économique profitable
Outre l'investissement qu'elles représentent pour leurs acheteurs, et le business qu'elles engendrent pour les bijoutiers, les perles fines rapportent également de l'argent pour les pays producteurs. Par exemple, en 2017, le commerce des perles fines et de culture a rapporté à la France 1,6 millions d'euros (hors taxes).
Penchons nous plus particulièrement sur la Polynésie française, où les fameuses perles de Tahiti sont produites : en 2007, ce secteur représentait environ 7 000 emplois. Les greffeurs, dont la mission consiste à insérer de manière chirurgicale le nucleus dans l'huître, ont l'opportunité de gagner beaucoup d'argent : leur salaire varierait actuellement entre 2 350 et 2 700 euros. Ils perçoivent également des primes supplémentaires en fonction du taux de réussite de leurs "opérations", puisque celui-ci influence le profit réalisé par la ferme perlière qui les emploie.
Toujours en Polynésie française, les fermes perlières constituent la deuxième ressource économique après le tourisme. L'huître perlière représentait 92,5 % des recettes dans le total des exportations locales en 2000. Son niveau a toutefois été ramené à 60 % en 2018. En effet, la pêche de perles fines est fragilisée par le dérèglement climatique et la pollution : l'eau se réchauffe (ce qui diminue la "productivité" des huîtres et l'éclat des perles) et est plus polluée (ce qui encourage l'expansion de maladies et de parasites capables de décimer des fermes perlières entières). Aujourd'hui, l'huître perlière est en danger d'extinction.