Plongée dans le monde des Junior Entreprises exclusivement gérées par des étudiants

"La Libre Etudiant" s'est rendue dans deux Junior Enteprises : le LLN Juris Club (Louvain-la-Neuve) et lCHEC Junior Consult (Bruxelles).

Plongée dans le monde des Junior Entreprises exclusivement gérées par des étudiants
©J.F.

Si le concept de "Junior Entreprise" est très connu en France, pays où il est né, ce n'est pas encore le cas en Belgique. Pourtant, notre pays compte actuellement 15 Junior Entreprises qui regroupent 550 étudiants. Ceux-ci sont actifs dans les domaines du marketing, de la stratégie, de la finance, du droit, du l'ingéniererie ou encore de l'IT. Mais comment cela fonctionne ? Qu'est-ce que cela apporte aux étudiants et à leurs clients ?

Courant du mois de mars, nous nous sommes rendus à une réunion du LLN Juris Club, une Junior Enterprise basée à Louvain-la-Neuve spécialisée dans l'aide et le conseil juridique. Les 25 étudiants de l'UCLouvain présents étaient invités à faire le point sur les dossiers qu'ils étaient en train de traiter, souvent par équipe de 2 ou 3. "Qu'en est-il de l'étudiant qui ne pouvait pas s'inscrire à l'université à cause de son problème d'équivalence ?", demande Clara, la vice-présidente du Juris Club et animatrice de la réunion. "On n'a plus eu de nouvelles, donc j'imagine qu'il ne fera finalement pas de recours", répond l'un des jeunes en charge du dossier. "Ok, le dossier est clos du coup. Et concernant le souci de droit à l'oubli de Monsieur X ?", demande Clara à un autre groupe. "On l'a aidé à rédiger son courrier. Le client était content." Pendant plus d'une heure, chaque équipe d'étudiants va faire le point sur le dossier qui lui a été confié. Ils vont faire part de leurs avancées, de leurs problèmes, mais également se répartir les nouveaux clients qui ont fait appel à eux.

"En majorité, on est contacté par des étudiants qui ont des problèmes de kots, de jobs étudiants", détaille Clara. "Pas mal d'entreprises viennent aussi vers nous pour qu'on leur rédige des conditions générales par exemple. On a aussi des particuliers qui nous font part de tous un tas de problèmes juridiques. C'est assez varié", note-t-elle. "Nous avons bien sûr des tarifs différents pour tout le monde", ajoute Alessandro, le président du Juris Club. "Notre but est de rendre la justice plus accessible." Précisons toutefois qu'une Junior Entreprise est une asbl, cela veut dire que les étudiants ne sont pas directement rémunérés. L'argent gagné est directement réinjecté dans l'asbl, via des team buildings et d'autres événements qu'ils organisent.

ICHEC Junior Consult, une Junior Entreprise spécialisée dans la consultance, était d'ailleurs en train de (co-)organiser ses deux plus gros événements de l'année lorsque nous sommes allés les voir : le Brussels Management Challenge, un business game où des étudiants devaient résoudre des cas pratiques soumis par des entreprises, et la Job & Internship Fair, une foire où les étudiants et futurs diplômés en business ou STEM, à la recherche d’un stage ou un emploi, pouvaient aller à la rencontre des entreprises.

Nous avons cette fois assisté à une réunion des administrateurs. Comme dans une vraie entreprise, Ludivine, Thomas et Louis, étudiants à l'ICHEC, passent chaque semaine en revue les départements dont ils ont la responsabilité. "Il faut encore qu'on boucle le budget photographe", rappelle Louis. "On prend un forfait avec uniquement des photos ou on demande aussi des vidéos?". "Prends les vidéos aussi", dit Thomas. "Cela nous servira pour faire notre promo". Pendant plus d'une heure, ils ont vérifié que tous les départements fonctionnaient bien, et ont finalisé certains points concernant leurs futurs événements. Comme au LLN Juris Club, d'autres réunions font état de l'avancement des différents dossiers de consultance dont ils s'occupent. "Des PME, starts-up et multinationales font appel à nous", détaille Thomas, le vice-président. "On a travaillé pour Décathlon Europe ou pour AGC le leader mondial du verre. On peut travailler sur des plans financiers ou marketing, mais aussi sur de la stratégie ou du management international."

"Une première expérience professionnelle pour les étudiants"

Qu'est-ce qu'une Junior Entreprise au final? On l'a dit: c'est une absl implantée sur les campus des universités et/ou hautes écoles. Contrairement à une "vraie" entreprise, sa version junior n'a donc pas de but lucratif. "Elle a un but social", nous confirme Jacob Philipsen, vice-président du réseau Junior Entreprises Belgium. Ce qui la distingue d'une asbl classique est qu'elle peut bénéficier de tout le réseau des Junior Entreprises. "On les aide lors de la création de leur projet et on s'assure aussi qu'elles soient pérennes. En plus de cela, les étudiants qui font partie de notre réseau peuvent se rencontrer entre eux, ce qui crée une grande communauté."

Concrètement, le but de la Junior Entreprise est de "proposer une première expérience professionnelle aux étudiants et de leur permettre d'appliquer ce qu'ils sont en train d'apprendre dans leurs cours", résume Jacob Philipsen. "Il y a toujours un moment où on écoute un cours et où on se demande à quoi ça va nous servir", souligne Alessandro du LLN Juris Club. "Ici, le dossier est matérialisé. On est face à des choses beaucoup plus concrètes." Pour Ludivine, c'est en plus l'occasion de savoir "ce qu'on aime faire ou ce qu'on aime pas faire". Une précieuse indication qui permet de savoir vers quoi se diriger plus tard. Même si cela demande beaucoup d'investissement et que c'est parfois dur de gérer de front les études et son engagement dans l'asbl, les avantages retirés sont énormes, nous confirment les membres que nous avons interrogés.

"Une plus-value pour les recruteurs"

Du côté des entreprises, l'intérêt est également là. "D'une part, le coût est moins élevé pour elles", note Jacob Philipsen. "D'autre part, elles donnent leur chance aux jeunes qui sont très motivés et qui fournissent un travail de qualité". Puisque les Junior Entreprises sont composées exclusivement d'étudiants, il y a bien évidemment des dossiers qu'elles ne peuvent pas accepter. Comme l'explique Clara, du LLN Juris Club, "les étudiants en droit ne sont pas avocats, ils ne peuvent donc pas traiter des affaires de divorce ou de changement de statut." Mais les dossiers qu'ils acceptent sont gérés de façon sérieuse et professionnelle. Des relectures s'opèrent tout au long du processus afin de s'assurer que leurs clients auront un produit final qui correspond à leurs attentes. "Les entreprises sont généralement très satisfaites du travail fourni. La meilleure preuve est que nous concluons des partenariats avec elles", note Jacob Philipsen. "Certaines entreprises engagent directement des étudiants ayant fait partie d'une Junior Entreprise à qui elles ont déjà eu affaire. Pour les autres, cela représente une belle ligne sur le CV." "On a une réelle plus-value pour les recruteurs", confirme Ludivine. "On a déjà une expérience à mettre en avant, par rapport aux autres étudiants qui sortent en même temps que nous."

Des défis à relever

Malgré tout, les Junior Entreprises font face à un grand défi : le turn-over des étudiants qui la composent. "En général, les étudiants ne restent que 2-3 ans dans une Junior Entreprise", note Jacob Philipsen. Il s'agit pour la plupart d'étudiants de Master, même s'il y a aussi des BAC 2 et 3. "Cela veut dire qu'il faut s'assurer que le savoir-faire soit bien transmis pour ne pas être perdu. Il faut aussi assurer des processus de recrutement constants." Chaque année, les Junior Entreprises doivent donc examiner des candidatures et prendre les meilleurs candidats pour la fonction. "Cela nous donne une fibre managériale", résume Alessandro.

Si pour l'instant la plupart des Junior Entreprises belges sont francophones, le réseau souhaite davantage s'étendre en Flandre à l'avenir. "Nous souhaitons faire encore plus connaître ce qu'on propose aux étudiants, en les encourageant à créer leur propre structure", conclut Jacob Philipsen. A l'échelle mondiale, les Junior Entreprises sont déjà présentes dans de nombreux pays, du Brésil au Cameroun en passant par l'Espagne, le Portugal ou encore le Canada.

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