Le groupe Lavergne, leader mondial des plastiques 100 % recyclés, choisit la Wallonie pour sa première usine européenne
Le groupe québécois Lavergne s’apprête à ouvrir une usine dans la région de Charleroi, la première qu’il crée en Europe. Lavergne, soutenu par la SRIW, va y produire de la résine 100 % recyclée. Un investissement de 20 millions d’euros, avec la création d’une soixantaine d’emplois.
Publié le 02-06-2022 à 06h43 - Mis à jour le 20-06-2022 à 17h46
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L'économie circulaire — qui permet l'optimisation des ressources et rompt avec le schéma traditionnel de production linéaire — a le vent en poupe. Nombreux sont ceux qui en parlent ; ils sont, en revanche, moins à la pratiquer à un échelon industriel. C'est le cas de l'entreprise canadienne Lavergne. "Nous avons 36 ans d'expérience", dit fièrement Jean-Luc Lavergne, fondateur et patron du groupe éponyme. D'ici quelques jours, ce self-made man mettra en route la première usine construite par le groupe sur le continent européen.
Cette usine se trouve en Wallonie et, plus précisément, sur l'ancien site de l'entreprise Carbobois à Châtelet. De passage en Belgique, Jean-Luc Lavergne nous a fait visiter le bâtiment de 10 000 m² qui longe la Sambre et à proximité duquel se trouvent d'autres entreprises spécialisées dans le traitement et le recyclage de déchet (Comet, Renewi…). "D'ici la fin de l'année, indique M. Lavergne, nous prévoyons de traiter 20.000 tonnes de polymères usagés dans cette usine. L'objectif est qu'elle tourne 24h/24 et 7 j/7".
Des clients de renommée mondiale
Les déchets dont parle l'entrepreneur québécois sont issus d'appareils électriques et électroniques en fin de vie. Des ordinateurs, des téléviseurs, des imprimantes, des cartouches d'encre, des machines à café, etc. "Il n'y a pas si longtemps, tous ces déchets étaient exportés en Asie. Mais depuis que la Chine a banni l'importation de déchets solides, dont les plastiques, beaucoup d'industries se retrouvent avec de gros volumes de déchets sur les bras".
C'est ici que le groupe Lavergne intervient. Il a développé, dès le milieu des années 1980, une solution circulaire lui permettant de fabriquer, au départ de plastiques de "post-consommation" issus de polymères de base, des résines durables à haute valeur ajoutée (alliages et composites). Ces résines 100 % recyclées sont ensuite vendues, sous la forme de granules, à des entreprises de moulage qui fabriquent des produits pour les équipementiers (constructeurs automobiles, groupes informatiques, entreprises d'électroménagers, etc.). Parmi les clients du groupe Lavergne, on trouve des noms tels que HP, Dyson, Keurig, Nespresso ou BMW. "Ce que nous faisons, c'est de leur proposer une alternative à la résine vierge fabriquée par de grands groupes de la pétrochimie", explique le patron de Lavergne.
Au fil des ans, l’entreprise a gagné en notoriété dans l’industrie et est considérée comme un leader mondial dans la fabrication de plastique recyclé. Aujourd’hui, Lavergne profite pleinement de l’arrêt des importations chinoises de plastique vierge, mais aussi de la tendance à la relocalisation de certaines activités consécutive à la crise sanitaire et aux nombreuses ruptures d’approvisionnement.
Le processus technologique de Lavergne est très largement automatisé. Au terme de différentes étapes (décontamination, broyage, séparation, nettoyage, mélange d'additifs, extrusion…), il en ressort des granules de plastique 100 % recyclé. Sur le plan environnemental, cette technologie réduit de façon drastique les émissions de CO₂. "Par rapport à la production de résine vierge, on a une diminution comprise entre 85 et 90 %", assure Jean-Luc Lavergne.
Les atouts de la Wallonie
Pourquoi le groupe Lavergne, qui emploie actuellement environ 250 personnes sur ses différents sites (Canada, Vietnam et Haïti) et réalise un chiffre d'affaires consolidé de l'ordre de 111 millions d'euros, a-t-il fait le choix de la Wallonie pour implanter sa première usine européenne ? Comme on le lira ci-dessous, l'élément déclencheur a été un appel à projets lancé, en 2019, par le gouvernement wallon et la SRIW pour la construction d'usines de recyclage de plastique. "La SRIW a tout de suite bien compris ce que nous voulions faire, c'est-à-dire du 'smart recycling' et non pas du simple recyclage", explique M. Lavergne. L'entrepreneur épingle d'autres atouts de la Wallonie : un système efficace de collecte des déchets plastiques, une main-d'œuvre qualifiée et la disponibilité de terrains industriels. "Cette usine de Châtelet n'est qu'un début. Notre intention est de développer nos activités en Europe au départ de la Wallonie".
L'usine de Châtelet représente un investissement total de 20 millions d'euros. La SRIW est intervenue à concurrence de 9 millions (en capital et en prêt), de même que Belfius (prêt). à terme, une soixantaine d'emplois devraient être créés. "Les recrutements sont en cours depuis quelques semaines. On va démarrer ce mois-ci avec 22 personnes", conclut Jean-Luc Lavergne.
Willy Borsus : “Une stratégie triplement gagnante”
L'arrivée du groupe Lavergne en Wallonie découle d'un appel à projets initié par le gouvernement wallon en 2019. À l'époque, c'est Willy Borsus, actuel ministre de l'Economie, qui était ministre-président wallon. "On avait fait un double constat, rappelle M. Borsus. D'une part, la Wallonie dispose d'importantes compétences en plasturgie, ainsi que dans la récolte et le recyclage de déchets plastiques. D'autre part, on exporte encore pas mal de nos plastiques à l'étranger, ce qui représente des coûts importants. Avec cet appel à projets, on voulait générer et soutenir une filière industrielle locale de recyclage de déchets (plastique, textile, matériaux de construction, métaux…) s'inscrivant dans une démarche d'économie circulaire. C'est une stratégie triplement gagnante : en termes d'innovation et de réutilisation de déchets ; de création d'emplois ; et de réduction des coûts liés à l'exportation des déchets". Il est très probable que, sans l'intervention des pouvoirs publics, un groupe étranger comme Lavergne ne serait pas venu s'installer en Wallonie. "L'appel à projets a été un élément déclencheur", admet Willy Borsus. L'actuel gouvernement wallon, dirigé par Elio Di Rupo, a d'ailleurs poursuivi cette politique en adoptant, en février 2021, la stratégie "Circular Wallonia". Deux autres usines, actives dans le recyclage, deviendront opérationnelles d'ici la fin de l'année : l'une à Couillet (recyclage de bouteilles "PET") et l'autre dans la région de Mouscron (recyclage de plastiques rigides).