Stop à l'utilisation des "forever chemicals" : Solvay abandonnera bientôt complètement les "PFAS" controversés
Le géant de la chimie ouvre les portes de son site italien pour montrer, entre autres, sa transition à propos des PFAS.
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- Publié le 13-07-2022 à 18h31
- Mis à jour le 13-07-2022 à 18h37
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C’est sous un soleil harcelant et escortés par des “Rangers”, une équipe de sécurité armée, que l’on découvre le site classé Seveso de Solvay à Spinetta Marengo, afin de comprendre un peu mieux l’activité du géant belge de la chimie en Italie.
Situé à une bonne heure de route de Milan, en conduisant “à l’italienne”, le village d’à peine 7 000 habitants héberge plusieurs grosses entreprises, dont Solvay, qui y emploie plus de 600 personnes. Et c’est près du millier de travailleurs présents sur le site si l’on compte les différents contractuels et partenaires qui y sont également présents. Rien que ça.

Des caractéristiques recherchées
"Bienvenue sur le plus important site chimique d'Italie, dont 85 % de la production est destinée à l'exportation, lance en guise d'introduction Andrea Diotto, le directeur du site. Nous utilisions près de 1500 formules différentes, afin de créer des polymères et des élastomères destinés à diverses utilisations. Tous les smartphones du monde en contiennent sur leur vitre et cela permet de faciliter la disparition des traces de doigts par exemple" , ajoute-t-il avec le sourire. Tous ? " En tout cas une grande partie" , nous affirme-t-il, même s'il ne veut pas citer ses clients directs et qu'il ne connaît pas forcément les clients finaux. "Solvay produit le matériau de base, qui sera ensuite transformé par un autre industriel qui le vendra enfin à une autre entreprise" , nous précise-t-on.
Si ces polymères et autres sont si importants pour l'entreprise, c'est parce qu'elle mise là-dessus pour répondre aux différents besoins des industriels dans tout ce qui est allégement des composants, optimisation de certains matériaux, capacités de résistance et efficience énergétique. Ces éléments sont par exemple présents dans les voitures et permettent de se passer d'une partie du métal et de gagner quelques kilos sur la balance en bout de ligne. Ils sont présents dans les éoliennes, les membranes d'électrolyseur pour l'hydrogène, les batteries électriques, les semi-conducteurs, etc. De quoi convaincre les clients actuels et futurs et agir en lien avec l'objectif global du groupe, "Solvay One Planet", le plan stratégique global de la CEO Ilham Kadri, qui tient absolument à marquer son empreinte (non carbone) dans le sens de la durabilité. "Elle est intraitable là-dessus et insiste fortement auprès de toutes les équipes. Certains ne s'attendaient pas à une telle volonté ", nous raconte une porte-parole en marge de la visite, convaincue qu'il ne s'agit pas là de greenwashing, ce qui pourrait de toute façon nuire à la crédibilité du groupe.
-> Relire aussi: Ilham Kadri (Solvay): "2020... Une des plus dures mais une des plus belles années de ma carrière"
"Il y a beaucoup d'applications possibles. Pour les systèmes de refroidissements liquides des serveurs par exemple, ce qui permet une économie d'énergie importante par rapport au refroidissement classique moins efficace ", renchérit pour sa part Andrea Diotto.
Le jour précédent, Solvay nous a d'ailleurs également ouvert les portes de son centre de recherche à Bollate, toujours dans le nord de l'Italie. Prothèses médicales, protection de panneaux solaires allégés mais qui reste transparente (contrairement au verre assez lourd), filtres, matériaux divers et même des vis non métalliques tout aussi résistantes : le site se veut à la pointe. "On peut l'utiliser dans des tuyaux légers, aussi résistants que ceux en métal, aussi flexibles dans l'utilisation que ceux en plastiques ", nous explique à ce propos l'un des employés du site.
Et niveau recyclage potentiel de la matière brute ? " Il faudra voir à l'utilisation", nous explique-t-il. Quoi qu'il en soit, la matière est très résistante et ne produirait pas de microparticules, comme les microplastiques lors de la dégradation de produits issus du pétrole. "Rendez-vous dans 3 000 ans ? ", lance-t-on. " Allez ! ", nous rétorque-t-il, non sans humour.
Le défi des PFAS
Le défi de Solvay est également de se séparer définitivement des PFAS, ou plus précisément des tensioactifs fluorés présents dans certains polymères et vivement contestés.
Précisons que ces éléments étaient très utilisés à partir des années 1940 pour leurs propriétés exceptionnelles, comme les capacités antiadhésives (Téflon), leur résistance à la chaleur et aux flammes, entre autres. D'où, désormais, leur petit nom de forever chemicals .
Si Solvay a abandonné depuis plusieurs années ces tensioactifs fluorés de première génération, celle au cœur des critiques, l’entreprise a développé une génération qui serait moins problématique (cC6O4 pour les plus avides des aspects purement techniques). Il faut dire que la réglementation européenne n’est pas encore très claire à ce propos. Néanmoins, Solvay répète ne pas avoir produit de mousse anti-feu, l’une des principales sources de pollution de l’environnement. De par leur résistance, ces éléments sont effectivement source d’une pollution qui s’accumule dans l’environnement et les organismes, avec des effets délétères. C’est ainsi que le PFOA, un PFAS à la base du Téflon, a été interdit en 2020 par la Commission européenne.

Solvay veut montrer patte blanche également et affirme sortir de la deuxième génération de ce type de PFAS, utilisée qu’à faible échelle dans des secteurs de niche, d’ici 2026. L’entreprise devra être alors capable de produire ses polymères sans ces fluorosurfactants, dont seul le site italien, parmi les nombreux pays où Solvay s’est établi, a encore recours, de façon limitée. Et l’entreprise a investi 25 millions d’euros en recherche pour développer des alternatives à ces tensioactifs fluorés et compte ajouter jusqu’à 80 millions d’euros d’ici 2026 pour atteindre son objectif.
"Nous sommes enthousiastes d'élargir notre technologie sans tensioactifs fluorés, alors que nous poursuivons la recherche pour pouvoir les éliminer totalement, sur base volontaire " déclarait pour sa part la CEO de Solvay, Ilham Kadri, il y a peu, en anticipation de potentielles régulations des autorités.
Solvay a également annoncé un nouvel investissement de 40 millions d’euros sur son site de Spinetta pour optimiser son système de filtrage et de traitement de l’eau utilisée dans les processus afin d’éliminer toute trace de tensioactifs fluorés dans les rejets.
De quoi avancer dans le bon sens avant de passer au split , qui devrait avoir lieu vers la mi-2023, et qui scindera Solvay en deux entités distinctes. Un changement qui trotte visiblement dans beaucoup d'esprits, alors que notre visite touche à sa fin.
Ces deux sociétés en devenir sont pour le moment appelées EssentiaCo, qui regroupera les activités liées au carbonate de sodium et autres productions de composés chimiques, et SpecialtyCo, qui se concentrera sur les polymères et matériaux composites à fort potentiel de croissance et de marge. Les deux entités représentent, respectivement, des ventes nettes de 4,1 milliards d’euros et 6 milliards d’euros en 2021. Reste à voir comment réagiront les investisseurs.