An Van Gerven (Pfizer) : "Notre vaccin a changé le monde. Les antivax ont leur point de vue, mais il n’est pas basé sur la science"
Libre Eco week-end | Face et profil. Grâce au vaccin contre le Covid coproduit avec l'Allemand BioNTech, Pfizer est devenu n°1 mondial du secteur pharma. Désormais, comment le rester ?
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Publié le 28-01-2023 à 08h05
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"Ils m'aident à mettre les pieds sur terre en rentrant à la maison et quitter mon rôle de country manager quand je rentre le soir", lance en riant An Van Gerven, lorsqu'elle parle de ses trois fils en guise d'accueil dans les locaux de Pfizer à Bruxelles. "C'est quand même sportif, ces retrouvailles avec la Belgique, après deux ans et demi en France, à Paris, dans le département anti-infection", glisse-t-elle, ironisant sur la réadaptation nécessaire au Plat pays, alors qu'elle est devenue Country Manager pour Pfizer il y a maintenant cinq mois.
Et ce n'est pas rien. L'entreprise est extrêmement bien implantée chez nous, en particulier sur le site de production de Puurs, en Flandre, qui emploie le plus de travailleurs du groupe sur notre territoire. En tout, 5 000 travailleurs ont le logo de l'entreprise sur leur fiche de paie à la fin du mois. Pour An Van Gerven, le défi n'est pas des moindres. Alors que le groupe a pris la place de numéro 1 mondial dans le secteur pharma grâce à son partenariat avec la firme allemande BionNTech pour le développement de son vaccin contre le Covid-19, la question du maintien de la croissance est sur la table. Comment faire "mieux", alors que des milliards de doses ont été achetées par la planète entière ?
"En permettant aux patients d'accéder à nos innovations", rétorque-t-elle. En faciliter l'accès donc, selon elle, alors que le groupe aurait actuellement un portefeuille de dix-neuf nouvelles molécules pour différents traitements ou vaccins. Prometteur donc ? "On veut accélérer et faciliter le dialogue avec les différentes autorités", affirme en tout cas An Van Gerven, que ce soit l'Agence européenne du médicament (EMA), la Food and Drug Administration (FDA) ou les autorités publiques belges. "Mais ma priorité, c'est aussi de retrouver la connexion avec les collègues, alors que le Covid, le télétravail, ça a mis de la distance", tient-elle à préciser.
Soutien à la R&D en Belgique, la question qui fâche ?
La volonté du gouvernement fédéral de serrer la vis sur les aides à la Recherche et au Développement (R&D) ne fait pas peur à An Van Gerven. "Nous avons un dialogue constructif et Alexander De Croo a encore rappelé récemment l'importance du secteur pharma pour la Belgique. L'écosystème est précieux. Le secteur est sur le radar du gouvernement. Nous n'avons pas de pétrole, de gaz ; notre richesse, c'est l'intellect, en Belgique. Mais cela passe par la R&D ainsi que l'éducation", avance-t-elle.
Enfin, pour la compétitivité du pays, même si elle constate que la France essaie de se positionner sur ce secteur, elle reste confiante. "Nous venons d'annoncer 1,2 milliard d'euros d'investissements pour ces prochaines années à Puurs. C'est une preuve que ça fonctionne et que c'est apprécié par la direction générale de Pfizer", explique-t-elle. "Le centre de distribution de Zaventem voit passer les deux tiers de tous les médicaments et vaccins du monde de Pfizer, hors États-Unis. L'entreprise s'est installée en Belgique il y a 70 ans pour des raisons géographiques mais, désormais, il y en a d'autres qui justifient le maintien de sa présence ici", lance-t-elle, précisant que d'autres groupes (GSK, UCB, Janssen…) ont fait un choix similaire, ce qui n'est pas anodin.
Les "antivax" et "le ras-le-bol de la paralysie sociétale"
Difficile de ne pas aborder la question des "antivax" lorsqu'on a une dirigeante de groupe pharma comme Pfizer en face de soi. Comment a-t-elle géré les discours anti-vaccin en pleine pandémie de Covid-19 ? Et comment l'a-t-elle vécu ? En particulier en France, où elle travaillait au plus fort de la crise et où les débats étaient parfois virulents.
"Pour moi, la base, c'est la science. Je suis scientifique de formation. Je pense que, là, on a démontré l'efficacité de notre vaccin. Ça a changé le monde, ça a permis de laisser toute la paralysie sociétale derrière nous. Les antivax ont leur point de vue, pas toujours basé sur la science. C'est la grande différence à mon avis. Ça existe, il faut vivre avec. Mais, au final, on a vu que les gens en avaient ras le bol de la paralysie et la vaccination a été adoptée par le plus grand nombre, même en France", explique-t-elle, affirmant que le défi est plutôt de faire en sorte que le vaccin suive la rapidité de mutation du virus.
En quelques dates
1975 : Naissance d’An Van Gerven.
1999 : Master en pharmacie industrielle (KULeuven). Postgraduate en Économie de la santé en 2010 suivi d’un MBA en 2014.
2010 : Entrée chez Pfizer, après sept ans chez GSK. Country Manager Belgium depuis septembre 2022.