Morrow révolutionne le marché des lunettes : fini l'inconfort des verres bifocaux
Libre Eco week-end | Une start-up belge a développé une technologie susceptible de "disrupter" le marché des lunettes.
Publié le 29-01-2023 à 11h11
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Posées sur la table d'un restaurant de Las Vegas, les lunettes de la marque belge Morrow n'ont, à première vue, rien de très particulier. Sobres et élégantes, elles ressemblent à beaucoup d'autres montures disponibles sur le marché. Il faut s'en approcher pour découvrir qu'elles sont dotées, sur l'une des deux branches, d'un petit dispositif équipé d'un bouton. "Mettez-les et vous verrez !", nous dit Paul Marchal, cofondateur et CEO de Morrow Eyewear, venu présenté son innovation au Consumer Electronics Show (CES).
Même si les verres ne sont pas adaptés à notre dioptrie, l’effet est assez bluffant. En appuyant sur le bouton, la vision se corrige quasi instantanément, passant d’une vision proche à une vision lointaine. Tout ça peut faire penser à un gadget sorti tout droit d’un James Bond, mais c’est du très sérieux. À la différence des lunettes multifocales (verres progressifs), les lunettes Morrow sont autofocales (verres autocorrectifs).
La magie des cristaux liquides
Pour bien comprendre la différence entre les deux technologies, Paul Marchal explique que les verres progressifs sont le résultat d'un compromis dans la mesure où ils se composent de deux parties : le haut pour la vision de loin et le bas pour la vision de près. Pour beaucoup de personnes, ce compromis suffit. Pour d'autres, il s'accompagne d'un inconfort, qui peut aller jusqu'à provoquer des chutes en raison de distorsions optiques et d'une limitation du champ de vision. "Plus on vieillit, plus la différence entre le haut et le bas du verre est grande. Donc, plus de distorsions et une mauvaise vision", résume Paul Marchal, ingénieur en électronique de la KU Leuven et ancien directeur à l'Imec, le célèbre institut flamand de microélectronique et de nanotechnologies.
La technologie mise au point par Paul Marchal et son associé Jelle De Smet (ingénieur en nanotechnologies de l’UGent) repose sur les cristaux liquides, matériau utilisé dans les téléviseurs. Le mécanisme est le suivant : un verre de lunettes autofocales se compose de deux lentilles, ultra-fines et précises, séparées par un cristal actif. Sur simple pression du bouton, un petit courant électrique est envoyé aux verres. Cela a pour effet de modifier l’orientation du cristal liquide et la réfraction de la lumière. Le basculement d’une vision lointaine à une vision proche, et inversement, s’opère en à peine 0,6 seconde.
Jusqu’à présent, les verres autofocaux de Morrow sont fabriqués à Gand avec l’aide de l’entreprise flamande Tokai, tandis que les montures sont imprimées en 3D (en polyamide et/ou en titane, selon la combinaison de matériaux choisie). La start-up collabore avec des optométristes et propose des examens de la vue au domicile des clients. Elle mise par ailleurs sur une présence physique chez des opticiens, essentielle pour développer la notoriété de la marque. L’objectif est d’étoffer le réseau d’opticiens dans l’ensemble du Benelux en vue d’atteindre 100 opticiens revendeurs d’ici fin 2023.
Le géant de l’optique Zeiss est entré au capital
Commercialisées en Flandre depuis 2021, les lunettes Morrow sont passées à la vitesse supérieure, mi-2022, grâce à une levée de fonds de 10 millions d’euros et l’arrivée, au sein du capital, de Zeiss Ventures (filiale de capital-risque du géant mondial de l’optique Zeiss). Morrow avait déjà levé 15 millions d’euros depuis sa création en 2016. Parmi les autres actionnaires, on trouve le fonds américain New Science Ventures (NSV), Tokai, imec.xpand, le fonds public flamand PMV, le fonds inter-universitaire belge Qbic et quelques investisseurs particuliers (dont Jean-Pierre Bizet, ex-CEO de D’Ieteren).
Ces moyens vont servir à poursuivre trois priorités : professionnaliser la chaîne de production et multiplier par dix le nombre de paires de lunettes produites chaque année ; améliorer la technologie ; et investir dans la notoriété de la marque et l’expansion internationale. Morrow, qui emploie une petite trentaine de personnes, va cibler prioritairement la Wallonie et les Pays-Bas, avant de s’étendre à d’autres pays européens et aux États-Unis.
À la question de savoir quel est le principal défi auquel Morrow doit faire face, Varsenik Nersesyan, responsable de la stratégie produit, répond : "Notre ambition est de transformer le marché, ça implique que notre produit doit être parfait". L'excellence au service de nos yeux.