Renouvellement du permis de l’aéroport de Liège : une “décision délirante”, selon le front “Stop Alibaba&Co”
L’exécutif wallon s’est mis d’accord sur le futur de l’aéroport de Liège. Ce dernier peut continuer de se développer mais aura un plafond de vols à ne pas dépasser. Si l’accord est jugé “équilibré” par la majorité wallonne, des riverains pourraient aller en justice contre l’extension de Bierset.
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Publié le 29-01-2023 à 19h06 - Mis à jour le 29-01-2023 à 19h20
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Il était moins une. En s’accordant samedi soir peu avant 20h sur le renouvellement du permis unique à l’aéroport de Liège, le gouvernement wallon a évité de justesse la crise. Pour rappel, ce dossier avait éveillé des tensions ces dernières semaines entre deux partenaires du gouvernement. D’un côté, il y avait la ministre de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo), qui ne voulait pas faire de l’aéroport liégeois “la poubelle sonore de l’Europe”. En face, on retrouvait le ministre en charge de l’Aménagement du territoire, Willy Borsus (MR), qui qualifiait de “destructrice” la limitation à 50000 vols par an voulue par le permis unique délivré fin août par les fonctionnaires délégués de la Région. L’enjeu était de taille puisque ce permis déterminait l’avenir des 20 prochaines années de l’aéroport. Le gouvernement régional avait aussi jusqu’au 1er février pour statuer sur les différents recours contre ce permis, dont ceux introduits par l’aéroport et ses principaux opérateurs. Un compromis a donc été trouvé ce samedi : l’accord est jugé “équilibré” par les partis de la majorité.
”Ecolo présente cet accord comme une victoire… C’est ridicule”
Mais si le monde politique wallon se félicite de ce compromis trouvé en dernière minute, c’est loin d’être le cas au sein du front “Stop Alibaba&Co” qui regroupe différents collectifs et citoyen (ne) s s’opposant à l’extension de l’aéroport. “Nous naviguons entre colère et déception, explique Cédric Leterme, le porte-parole de l’organisme. Ecolo présente cet accord comme une victoire… C’est ridicule, alors qu’on va permettre à l’aéroport d’accentuer ses mouvements de 30 % dans les prochaines années. C’est une décision délirante. Il y a une urgence climatique et les riverains n’en peuvent plus.” Le collectif réclame depuis des années un moratoire sur le développement de l’aéroport et une étude d’incidence indépendante sur les nuisances de Bierset. “Nous sommes conscients de l’enjeu des emplois liés à l’aéroport et on ne veut pas le fermer du jour au lendemain. Mais on doit réduire son activité, poursuit M. Leterme. Ici le simple fait d’évoquer l’idée de freiner le développement de Bierset a créé un tollé. On voit le peu de conscience qu’ont les politiques wallons. C’est inquiétant.” En collaboration avec le Clap (Comité Liège Air Propre), le front n’exclut pas d’introduire un recours juridique contre ce nouveau permis.
La fin progressive des avions bruyants à Liège
Mais que contient cet accord ? Concrètement, les avions dont le quota de bruit par mouvement au décollage (QC-D) ne respecte pas les valeurs maximales requises seront interdits de décollage entre 23h et 7h, selon un système dégressif. Ces quotas seront établis à 30 à partir du 1er janvier 2024, 25 en 2025, 20 en 2030 et 13 en 2033. Les très bruyants Boeings 747-400, dont se plaignent abondamment les riverains, disparaîtront donc dans quelques années du tarmac liégeois.
L’aéroport se voit aussi limiter dans son extension : 55000 mouvements seront autorisés par an en excluant les avions de moins de 34 tonnes et/ou de moins 19 passagers, qui représentent 15 % des mouvements actuels. Même si ce chiffre est moindre que les 70 000 attendus par l’aéroport de Liège, la direction de Bierset voit cette décision comme un “signal positif pour les entreprises et les milliers d’emplois directs et indirects de l’écosystème aéroportuaire”.
“Nous tenons à remercier les différents ministres pour la compréhension du rôle crucial que joue l’aéroport dans la région liégeoise et, plus largement, pour la Wallonie”, commente l’aéroport dans un communiqué. Le conseil d’administration de Liege Airport et le management annoncent toutefois qu’ils “prendront le temps de l’analyse en détail du nouveau permis et décideront, le cas échéant, des actions à entreprendre”. Un nouveau recours n’est donc pas impossible.
“L’aéroport de Liège continue à être attractif”
“Mettons tout en œuvre pour décarboner l’aviation, explique le CEO de l’aéroport, Laurent Jossart, cité dans le communiqué. Agissons de l’intérieur et développons nos collaborations multimodales pour remplacer l’avion lorsque cela est possible. […] Construisons ensemble un aéroport plus vert et transformons notre économie vers toujours plus de durable”, conclut-il.
Liege Airport rappelle aussi que son développement se poursuit et “continue à être attractif pour le monde du cargo aérien”. Et de prendre pour exemple les arrivées récentes de la compagnie MSC Air Cargo et, celle, imminente, d’Air Canada cargo sur le tarmac liégeois.
Les membres Ecolo du gouvernement wallon se réjouissent également de cet accord. “On a levé le pied de l’accélérateur. Et en cela, c’est une victoire”, a commenté samedi la ministre régionale de l’Environnement, Céline Tellier. “On n’obtient certes pas les 50000 (souhaités par Ecolo, NdlR), mais le master plan de l’aéroport prévoyait de 67 à 70000 mouvements par an”, développe la ministre. La limitation des mouvements sera déjà en vigueur pour cette année 2023. “Chacun doit faire sa part dans l’effort climatique”, conclut Céline Tellier.
“Une première en Wallonie”
Selon le vice-président Ecolo du gouvernement wallon, Philippe Henry, “pour la première fois en Wallonie”, l’autorité publique décide d’installer “pour des raisons climatiques et de qualité de vie un plafond à l’extension de l’activité aéroportuaire”.
“Oui, ce fut long et compliqué, mais le résultat équilibré mérite d’être souligné”, a réagi, de son côté, le ministre wallon de l’Économie Willy Borsus (MR) samedi soir. “Cet accord préserve le développement de l’emploi et le développement de l’aéroport – il était essentiel pour moi de ne pas précipiter 10000 familles dans l’angoisse – et respecte les préoccupations des riverains.”
Dans les faits, avec ces 15 % hors quota, il s’agira d’une limitation à quelque 63250 vols par an. “L’année dernière, nous étions à 39000. Cela laisse une trajectoire de développement raisonnable”, souligne Willy Borsus. “Le gouvernement a aussi acté la possibilité de demander un complément à l’étude d’incidence. Cet accord doit, me semble-t-il, réjouir les différents intervenants : les travailleurs, les entreprises et les riverains”, conclut l’élu libéral.