La réforme fiscale essentiellement à charge des entreprises ? "Financer avec l’impôt des sociétés, ça ne durera qu’un temps"
Les travaux sur la réforme fiscale patinent. Pourquoi ? Et qu’est-ce qui est sur la table exactement pour générer des rentrées financières ? Dans l’état actuel des discussions, la réforme serait aux deux tiers financée par les entreprises.
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Publié le 30-01-2023 à 14h00 - Mis à jour le 30-01-2023 à 14h06
”Le sujet n’est plus vraiment en discussion actuellement. Avec la réforme des accises sur l’énergie, la baisse de la TVA, l’évocation d’un bouclier tarifaire et la crise d’accueil, la réforme fiscale a fort logiquement été mise de côté pour l’instant”, lance une de nos sources gouvernementales. “Il n’existe pas vraiment d’état des lieux pour le moment. Il faut aussi comprendre que l’impact global de cette réforme fiscale dépendra aussi de comment les Régions vont financer ce tax shift. Car les mesures en discussions dans les notifications, qui remontent à l’année dernière après le conclave, concernent uniquement la partie fédérale”, explique une autre source gouvernementale. “Et les Régions ne feront rien tant que la réforme n’est pas concrète.” Ce que l’on nous confirme une autre source encore, proche du dossier.
3,3 milliards “trouvés” d’ici 2025, dont 2,180 à charge des entreprises
La réforme fiscale étant pour l’instant mise de côté, est-ce à dire que les travaux n’ont pas avancé depuis le mois de novembre 2022 ? Non. L’un des enjeux majeurs, comme dans toute réforme fiscale, est de savoir qui sont les gagnants et les perdants de la note déposée par le ministre des Finances sur la base de l’épure de réforme fiscale déposée en juillet 2022 à la presse d’abord, à ses partenaires de la majorité ensuite (comme pour la réforme des accises, tiens…). Là, la Vivaldi a un peu - juste un peu - avancé.
À très bonnes sources, le tax shift, qui consiste en un relèvement de la quotité du revenu exemptée d’impôt (de 9270 à 13 660 euros pour l’exercice 2023), coûte, d’après les notifications budgétaires, 6 milliards d’euros. La réforme doit être a priori neutre budgétairement mais les mesures des compensations proposées par le ministre des Finances, qui ont déjà fait l’objet de discussions avec les conseillers des partis, portent sur 3,3 milliards d’euros sur les années 2023-2024 et 2025 à charge des entreprises. Il y a encore un trou de 2,7 milliards d’euros donc…
Plus intéressant encore : sur ces 3,3 milliards d’euros, 4 mesures seulement concernent les entreprises mais rapportent 2,180 milliards d’euros. Dans l’état actuel des discussions, la réforme fiscale repose donc aux deux tiers sur les entreprises.
6 mesures “citoyens”
Quatre mesures portent ces deux milliards d’économies. Il y a d’abord le gel des dispenses de versement de précompte professionnel (pour les heures supplémentaires), qui devrait rapporter 750 millions d’euros en rythme de croisière en 2025. La même économie vaut pour la déduction RDT (revenus définitivement taxés), qui serait réformée en une exonération, au lieu d’une déduction (majoration de la situation de début des réserves). Pour faire simple, la réduction RDT est un régime d’exonération destiné aux sociétés qui investissent dans des actions d’autres sociétés.
Deux plus petites mesures (suppression graduelle des subsides aux énergies fossiles, soit la suppression du diesel professionnel, et la facturation électronique obligatoire) vont rapporter le solde, de l’ordre de 180 et 500 millions d’euros respectivement. Et du côté “citoyens” ? 6 mesures sont envisagées, pour 1,12 milliard : le relèvement des accises sur le tabac et nouveaux produits, les restrictions concernant le deuxième pilier des pensions, la suppression du quotient conjugal et de la déduction des rentes alimentaires sur 10 ans, le nettoyage de quelques niches fiscales, notamment le troisième pilier des pensions, le tax shelter starter et la bonification de versements anticipés, ainsi que la fiscalisation des cartes essence pour les voitures de société.
Relèvement de la taxe compte-titres ?
Question : pourquoi la situation est-elle tout de même figée depuis trois semaines ? La réponse est à garder du côté du parti socialiste, où l’on nous explique que “nous n’avons pas envie de rentrer dans le débat sur la compétitivité. Financer avec l’impôt des sociétés, ça ne durera qu’un temps… On souhaite quelque chose qui est financé budgétairement et qui n’impacte pas les communes. Le souhait, c’est d’élargir l’assiette, donc on va toucher aux comportements relatifs à la gestion de capitaux. Ne pas aller chercher exclusivement les revenus du travail, tout le monde doit participer ! Il faut rappeler que 96 % de l’IPP, c’est la taxation des revenus du travail”, explique le PS. Bref, il est probable que l’on reparle des plus larges épaules. L’idée de relever la taxe compte-titres – c’est presque un secret de polichinelle – fera ainsi probablement partie des sujets débattus en conclave budgétaire.
"Il y a d’autres problèmes avec les discussions actuelles", lance une source écologiste. "Notamment le sous-financement et une exagération des effets de retour : le ministre compte les effets de retour positifs des baisses d’impôt mais pas les effets de retour négatifs des mesures de financement, qui sont par ailleurs partielles. Au vu de la situation de nos finances publiques, c’est assez problématique".