“Je suis sceptique sur une nouvelle tentative comme celle de NewB au 21e siècle”
Michel De Wolf tire les leçons de sa mission de mandataire ad hoc de la banque éthique, qui a pris fin ce mardi. Il estime que certaines initiatives pourraient inspirer les milieux financiers.
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Publié le 01-02-2023 à 08h10
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L’heure est venue pour le réviseur d’entreprise et professeur de droit des sociétés (UCLouvain) Michel De Wolf de faire le bilan de sa mission de mandataire ad hoc de la banque éthique et durable NewB. Mission qui a pris fin ce mardi 31 janvier.
Michel De Wolf avait été nommé, fin novembre, à la suite d’une requête unilatérale introduite par certains investisseurs institutionnels – dont Finance&Invest Brussels — quelques jours avant l’assemblée qui devait se prononcer sur le projet de partenariat de NewB avec l’institution gantoise vdk bank. “Ma mission consistait à faire en sorte que les coopérateurs, qui voulaient faire l’opération, puissent y arriver sans l’opposition d’au moins 20 % des coopérateurs dans un des trois collèges”, nous explique-t-il. Il est arrivé à ses fins puisque l’alliance a été entérinée à la quasi-unanimité lors de l’assemblée générale extraordinaire du 14 janvier.
Pour y arriver, Michel De Wolf a imaginé une piste à laquelle NewB n’avait pas pensé. “J’ai pu surprendre les deux parties, qui étaient arc-boutées sur leurs positions, en proposant la clôture de l’exercice social plus tôt”. Deuxième clé de la réussite de sa mission : une réunion dans un “lieu neutre”, en l’occurrence le Repos des chasseurs à Boitsfort où, dans une “ambiance civilisée”, il a trouvé un “compromis qui a satisfait tout le monde”.
Les raisons de l’échec
C’est la première fois que le réviseur joue un tel rôle dans un dossier aussi médiatisé. Il en retient plusieurs leçons. À l’entendre, il ne faut pas voir le projet NewB comme un échec. “C’est quand même remarquable de pouvoir mobiliser 117 000 personnes (NdlR, le nombre de coopérateurs). Je ne connais pas un parti en Belgique qui arrive à avoir autant de membres. Et en plus, ce sont des citoyens qui ont investi de l’argent. Dans la société individualiste que nous connaissons aujourd’hui, un mouvement citoyen comme celui-là mérite un certain respect et d’être salué. Les milieux financiers pourraient s’inspirer de certaines initiatives comme celles du comité sociétal, où des membres de l’assemblée générale veillent sur le respect de la finalité sociale de la coopérative. Cet aspect de NewB pourra certainement enrichir mes enseignements aux étudiants”.
Sur les raisons de l’échec de créer une banque éthique et durable, il l’attribue au fait que la coopérative “n’a pas mobilisé assez de fonds auprès de ses membres. Les dirigeants, poussés par diverses autorités, se sont trop basés sur les investisseurs institutionnels. De plus, ils ont fait appel aux pouvoirs publics. Ce qui n’est pas une bonne idée. Les pouvoirs publics, sauf cas exceptionnels, ne doivent pas prendre un risque d’actionnaire. Leur statut d’actionnaire les amène en outre à être dans une situation de conflits d’intérêts par rapport à leur rôle de régulateur, comme on peut le constater dans le cas des aéroports”.
Contexte difficile
Il fait aussi le constat que “c’est très difficile de mettre en place toute une structure bancaire en partant de zéro, surtout dans le contexte de taux négatifs qu’a connu NewB. Je suis sceptique sur une nouvelle tentative comme celle de NewB au 21e siècle”. Pour lui, “les banques ne sont plus vraiment basées sur une dynamique entrepreneuriale”, et cela à cause du poids de la régulation.
“Le principe de la régulation bancaire actuelle est de limiter au maximum, voire d’exclure, le risque d’une faillite. À partir du moment où on rend impossible l’échec, on limite le nombre d’entrants. Je pense que la régulation actuelle des banques en Europe n’encourage pas l’émergence de projets innovants. NewB avait un projet qui n’était pas adapté au contexte économique et juridique actuel”.