Les compagnies pétrolières, grandes gagnantes de la crise, croulent sous les bénéfices... ce qui les détournent de leurs objectifs "verts"
Face à des profits records, BP a décidé de ralentir la diminution de son exposition au business des hydrocarbures.
Publié le 08-02-2023 à 15h29 - Mis à jour le 08-02-2023 à 19h04
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L’envolée des prix du pétrole a permis aux grandes compagnies pétrolières occidentales de réaliser des bénéfices records en 2022. Les Américains ExxonMobil (56 milliards) et Chevron (35 milliards), les Britanniques BP (28 milliards) et Shell (40 milliards), et le Français Total ont cumulé des bénéfices pour un total de… 179 milliards de dollars en 2022.
On ne parle ici que des cinq grandes compagnies occidentales cotées en Bourse. Or, dans le secteur des hydrocarbures, les plus grandes entreprises sont aux mains des États. Saudi Aramco, par exemple, est responsable de 10 % de la production mondiale de pétrole : environ 10 millions de barils par jour sont produits par Saudi Aramco, pour une production mondiale de 100 millions de barils par jour.
Or, on s’attend à ce que les bénéfices du géant saoudien soient colossaux en 2022. Sur les neuf premiers mois de l’année dernière, la compagnie nationale saoudienne a réalisé un bénéfice de… 130 milliards de dollars.
L’entreprise norvégienne Equinor est aussi l’un des grands gagnants de la crise, grâce à l’envolée des prix du gaz. Les bénéfices avant impôts d’Equinor se sont élevés à 75 milliards de dollars en 2022. Une grande partie est retournée dans les poches de l’État via des taxes. Grâce à cette manne financière, le gouvernement norvégien dispose d’environ 7 900 dollars par Norvégien.
L’argent rend moins vertueux
Ces bénéfices gigantesques influencent déjà la politique d’investissement des grandes entreprises pétrolières. Le Britannique BP était considéré comme la major occidentale la plus “ambitieuse” au niveau du virage vers les énergies propres. Mais, vu les prix élevés du pétrole, BP a décidé de diminuer moins rapidement son exposition au business des hydrocarbures. Il y a trois ans, BP s’était engagée à réduire sa production de pétrole et de gaz de 40 % d’ici 2030, dans le cadre d’un vaste plan visant à réduire son empreinte carbone. Mais, cette semaine, le groupe britannique a revu ses ambitions à la baisse, indiquant qu’il ne devrait réduire sa production de gaz et de pétrole que de 25 % d’ici 2030.

Ce virage stratégique de BP montre que la lutte contre le réchauffement climatique doit passer par une réduction de la demande de pétrole. Tant que les entreprises pétrolières pourront gagner de l’argent avec le pétrole, elles ne réduiront pas spontanément leur production. De toute façon, des acteurs nationaux majeurs, comme Saudi Aramco, Rosneff, ou PetroChina, sont moins sensibles à la “pression climatique” que leurs homologues occidentaux.
Attentes schizophréniques
Les attentes vis-à-vis des compagnies pétrolières sont d’ailleurs parfois schizophréniques. La lutte contre le réchauffement climatique impose de diminuer la consommation et donc les investissements dans l’or noir. Mais, face à l’envolée des prix, le président américain a imploré les compagnies américaines d’augmenter leur production.
Il faut dire qu’en dépit des prix élevés du baril, la production américaine est toujours en deçà de son record établi en 2019. Les actionnaires du secteur sont aujourd’hui focalisés sur le retour sur investissement, plutôt que sur une course à la production. Mieux vaut vendre moins, mais à un prix élevé, ont conclu les actionnaires du secteur pétrolier américain.