Investissements ratés, rachat par UBS, risque de contagion… Voici ce qu’il faut retenir de la chute de Credit Suisse
Le calme semblait revenir sur le marché après l’annonce du rachat de la banque suisse par sa concurrente UBS. La BCE affirme que le secteur bancaire européen est “résilient”.
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Publié le 20-03-2023 à 19h36
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C’était l’heure des décryptages et des déclarations apaisantes ce lundi 20 mars, au lendemain de l’annonce du rachat de Credit Suisse par sa principale concurrente et rivale UBS pour la somme dérisoire de 3 milliards de francs suisses.
1. Une opération qui stoppe le risque de contagion ?
La grande question est de savoir si cette alliance orchestrée par les autorités du pays a de quoi rassurer les investisseurs sur la solidité du système bancaire international. Si l’on se réfère à la réaction des marchés, les craintes amplifiées par la faillite de la banque américaine SVB se dissipaient légèrement, les valeurs bancaires européennes rebondissant en cours de séances. Et cela sur fond de nombreux messages rassurants distillés par les régulateurs qui cherchent ainsi à éviter un effet de contagion. “Le secteur bancaire européen est résilient, avec des niveaux de capital et de liquidité solides”, a affirmé notamment la Banque centrale européenne (BCE). Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a parlé, lui, “d’un bon accord”.
2. Qui sont les principaux perdants ?
Les actionnaires du Credit Suisse vont quasiment tout perdre. Saudi National Bank, qui est le premier actionnaire avec 10 % du capital, a déclaré sur la chaîne CNBC qu’elle avait perdu 80 % de son investissement (un milliard de dollars). Elle avait acheté les actions à 3,82 francs suisses alors qu’UBS paie 0,76 franc suisse par titre. Il y a quelques années, l’action valait encore près de 30 francs suisses…
Pour les détenteurs des obligations à risque baptisées AT1, c’est pire encore. Ces obligations représentent le montant considérable de 16 milliards de dollars. Impossible de savoir à ce stade quels sont les investisseurs qui en ont dans leur portefeuille. Mais on devrait trouver des institutionnels comme des fonds de pension, des assureurs.
3. D’où sont venus les problèmes de Credit Suisse ?
Les ennuis du Credit Suisse ne datent pas d’hier. Ils ont commencé à prendre une tournure particulièrement inquiétante à la suite de la débâcle du hedge fund (fonds à risque) américain Archegos dans lequel la banque avait investi. Cela a entraîné une perte de 4,4 milliards dans les comptes 2020 de l’institution.
L’autre dossier catastrophique fut la création d’un fonds investi dans des créances de PME sélectionnées avec l’aide de la fintech anglo-saxonne Greensill. Au fil du temps, la qualité des créances n’a cessé de se dégrader, de nombreux débiteurs s’avérant insolvables. En mars 2021, Credit Suisse annonçait la suspension de quatre fonds liés à Greensill, dans lesquels 10 milliards de dollars avaient été investis. Il décidait, dans la foulée, d’indemniser les clients. De quoi creuser ses pertes pour les années 2022 et 2023.
Plus la banque s’enfonçait dans le rouge, plus le cours de Bourse chutait. Il y a quelques semaines, le président de Saudi National Bank n’a rien arrangé en disant qu’il n’était pas disposé à participer à une augmentation de capital pour sortir la banque du marasme.
Or, on sait depuis la crise de 2008 que la baisse du cours d’une action bancaire peut entraîner une crise de confiance et donc un “bank run”. Pour le Credit Suisse, cela a commencé avec le retrait d’avoirs en gestion. Très vite, des déposants ont aussi perdu confiance. La banque vivait un scénario à la Fortis. Cette vénérable institution dont le “petit porteur” était friand était en train de s’écrouler…
4. Le régulateur a-t-il commis une erreur ?
Même s’il accumulait les pertes ces dernières années, le Credit Suisse affichait des ratios de solvabilité corrects qui n’étaient pas de nature à inquiéter le régulateur. Lequel n’a toutefois visiblement pas (assez ?) freiné l’institution dans ses investissements à risque dont certains se sont avérés catastrophiques. De quoi semer la panique et faire fuir nombre de clients. Le Credit Suisse (dont une partie de la rentabilité provient justement de ses activités de gestion d’actifs et de banque privée) est tombé dans le cercle vicieux où les retraits ont hypothéqué sa rentabilité future.
Les autorités ont donc dû faire un choix entre une nationalisation et une vente à une institution considérée comme solide. C’est le deuxième scénario qui a été choisi. On a déroulé le tapis rouge à UBS qui fait sans doute une bonne affaire, même si une fusion n’est jamais facile à gérer. “UBS vient d’acquérir un gros gestionnaire d’actifs à un prix bradé”, nous commente un gestionnaire suisse. La banque dirigée par le Néerlandais Raph Haemers fait d’autant plus une bonne affaire que la Banque nationale suisse s’est engagée à avancer les lignes de liquidités à coups de dizaines de milliards et que l’État couvre d’éventuels risques.
5. Quelles répercussions sur les marchés ?
Entre la mi-juillet et le 6 mars dernier, l’indice Stoxx des banques européennes avait bondi de 60 %. Et depuis le début de cette année, la hausse des taux d’intérêt avait poussé les investisseurs à privilégier les actions bancaires. Mais l’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) et la manière de réagir des autorités financières américaines – actions rapides aux bénéfices de la clientèle mais au détriment des actionnaires, a changé la donne.
Depuis ce sommet du 6 mars, l’indice Stoxx des banques européennes a chuté de… 20 %. Et ce n’est là qu’une moyenne. Mais un géant européen de la banque comme BNP Paribas a vu ses actions abandonner 22 %, soit 18 milliards d’euros de capitalisation boursière. Et l’on parle ici d’un groupe incomparablement plus solide qu’une SVB, évoluant en outre dans un cadre légal bien plus strict que celui qui prévaut aux États-Unis. Mais sans confiance, les actions d’un secteur ne peuvent attirer les investisseurs. Lundi passé, après l’annonce de la faillite de SVB, ce sont près de 500 milliards de dollars de capitalisation boursière des valeurs bancaires qui se sont évaporés en une journée. Un tel choc est toujours suivi de répliques.