Rachat de Telenet par Liberty Global: y-a-t-il eu délit d'initié avant la suspension du titre ?
L’action était suspendue depuis le 16 mars dernier. Les rumeurs de rachat circulaient.
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Publié le 21-03-2023 à 14h07 - Mis à jour le 21-03-2023 à 18h11
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"C'est long. Anormalement long", nous lançait un analyste mardi matin, alors que l'action Telenet était toujours suspendue. Mais le suspense est désormais terminé et Telenet a confirmé dans la foulée avoir été informé par sa maison-mère américaine Liberty Global de “son intention de lancer une offre publique d’acquisition (OPA) volontaire et conditionnelle en espèces sur toutes les actions de Telenet qu’elle ne possède pas déjà ou qui ne sont pas détenues par Telenet”. Ce qui met ainsi fin aux rumeurs qui circulaient depuis la suspension de la cotation actée par la FSMA, le gendarme boursier, le 16 mars dernier. La cotation a donc repris ce mardi, le titre ayant pris 40%, flirtant avec les 22 euros fixés par l'OPA.
”Liberty Global est l’actionnaire de contrôle de Telenet depuis 2007 et détient actuellement (...) 59,18 % du capital de Telenet. [L'opérateur] détient également 3,12 % d’actions propres suite aux rachats d’actions effectués au cours des années précédentes”, précise l'entreprise belge dirigée par John Porter dans un communiqué.
Un titre qui a fondu en Bourse
"L'offre envisagée serait au prix de 22 euros par action, avec une correction pour le dividende proposé qui serait versé par Telenet avant la clôture de la transaction. Ce prix représente une prime de 59% par rapport au cours de bourse de clôture de Telenet le 15 mars 2023", précise encore l'opérateur. Une bonne affaire, a priori, pour les actionnaires minoritaires.
Néanmoins, rappelons que le titre était monté à plus de 54 euros en 2018. Le cours a donc perdu près de 70% ces cinq dernières années. Et même davantage si l'on remonte au-delà, puisque le titre avait passé la barre des 60 euros en 2017. Le dividende a, quant à lui, fondu ces dernières années et est tombé à 1 euro par action, si l'on se fie à la proposition du dernier conseil d'administration. Le paiement de celui-ci doit d'ailleurs être approuvé lors de l'assemblée générale du 26 avril prochain.
Si les actionnaires minoritaires cèdent leurs titres au prix proposé par Liberty Global et que ce dernier arrive à reprendre plus de 90% des actions concernées par l'offre, l'OPA sera suivie d'une reprise simplifiée, précise encore Telenet.
Une fuite ? Un délit d'initié ?
"On s’attendait à une grosse annonce. Le cours avait tout de même monté de manière importante, environ 10%, avant la suspension. Est-ce que certains actionnaires ont eu accès à des informations privilégiées ? Est-ce que Telenet a été pris de court ? Il y a anguille sous roche. Mais les actionnaires doivent être tous mis sur un pied d’égalité", prévenait en amont un analyste, sous couvert d'anonymat, mardi matin. L'envolée du titre et le nombre de jours de suspension laissent effectivement croire à une potentielle fuite d'informations privilégiées. "Peut-être que des avocats ou des banquiers ont laissé fuiter l'information ici alors que Liberty Global n'était pas encore prêt à communiquer", nous confie-t-on, même si cela reste hypothétique.
Du côté de la FSMA, il y a une analyse en cours, comme c'est le cas lorsqu'il y a des mouvements boursiers significatifs ou suspects. "Si un élément probant est décelé, alors il y aura une enquête", nous dit-on, tout en restant prudent.
Le timing était d’autant plus étonnant que la suspension a eu lieu juste avant la validation officielle par les autorités européennes du rachat de Voo par Orange et que la finalisation du deal entre Telenet et Fluvius pour le réseau fixe hybride fibre/coaxial n'est pas encore actée. De prime abord, on pourrait donc penser que Telenet aurait privilégié une communication après ces étapes cruciales, puisque, comme le rappelle un autre expert du domaine qui commente également en off, "cela permettra à Telenet de renforcer son réseau et d’accéder en partie à celui d’Orange dans le sud du pays grâce au partenariat signé récemment avec l’opérateur". Mais cela aurait peut-être revalorisé le titre et forcé Liberty Global à débourser plus que 22 euros par action.
"L'OPA était écrite... Mais il semble qu'un élément imprévu a précipité les choses", nous dit encore une autre source. "John Malone, le directeur de Liberty Global, fait un bon coup. Reste à voir quelle est la logique derrière, fiscale ou industrielle, car Liberty était plutôt vendeur ces derniers temps", glisse un autre expert.
Mike Fries, le CEO, a quant à lui commenté l'offre en la qualifiant de "bonne opportunité de monétiser leur investissement avec une prime attrayante. Nous nous félicitons de la décision unanime du conseil d'administration de Telenet de soutenir et de recommander cette offre".
Enfin, un ancien membre de l'entreprise nous signale que si le dividende a effectivement plongé, c'est lié aux investissements importants dans le réseau, comme pour tous les autres opérateurs. Et si l'action avait dépassé 54 euros en 2018, le prix proposé reste "une belle plus-value", et que "l'arrivée de cash en cette période est toujours positive Je pense que Liberty Global n'aura pas de problème pour boucler le rachat", termine-t-il. Alea jacta est.