Entre absence totale de dialogue, prise d'otage et propos "scandaleux", le combat s'annonce encore long chez Delhaize
Direction et syndicats restent campés sur leur position. La direction prépare l’avenir et le personnel le redoute.
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- Publié le 21-03-2023 à 19h05
- Mis à jour le 22-03-2023 à 13h53
La direction de Delhaize, ce n'est pas une surprise, garde le cap...
Lors de l’annonce, le mardi 7 mars, de sa décision de franchiser ses 128 supermarchés, elle avait clairement annoncé sa volonté de ne pas négocier. Et elle ne négocie pas. Elle avait aussi assuré que ce changement de cap était la seule voie possible selon elle pour renouer avec la croissance. Et c’est le cas : elle prépare déjà l’avenir puisqu’elle va prochainement opérer une première sélection parmi les quelque 200 candidats repreneurs de ses supermarchés. Bref, Delhaize a bien l’intention d’aller au bout de son business plan.
Magasins fermés
Sur le terrain, cela coince, encore et toujours, avec plus de 70 de ces 128 supermarchés fermés mardi, alors que l’on est entré dans la troisième semaine de grève. “Le blocage est total, donc la mobilisation se poursuit”, a indiqué Myriam Djegham, secrétaire permanente du syndicat CNE, à l’issue d’une nouvelle réunion avec la direction. Seule évolution positive : les gardes privés n’étaient pas, comme la veille, dans la salle de réunion, au grand courroux des représentants du personnel. Les délégués du SETCa s’étaient déclarés “dégoûtés et scandalisés” par cette attitude. “La direction a compris notre message”, note Wilson Wellens, du syndicat libéral.
Pour le reste, le dossier n’a pas évolué d’un iota. Ce n’est pas un dialogue de sourds : il n’y a tout simplement pas de dialogue. “La lutte sera longue face à ce géant de la distribution”, a encore souligné Myriam Djegham.
Des dépôts ont également été affectés au cours des derniers jours, avec des retards dans la livraison de produits frais, que ce soit vers les supermarchés ouverts ou vers des magasins franchisés. “C’est inacceptable car cela revient à prendre indirectement en otage des centaines de franchisés qui sont dépendants des livraisons de ces dépôts”, a réagi le Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI).
Et la concertation sociale?
Il ne s’agit toutefois pas d’un blocage total et permanent. Il y a des actions spontanées de la part du personnel. Il y a aussi des actions ciblées dans des dépôts, qui ne sont pas annoncées pour garder l’effet de surprise. C’est aussi toucher le groupe Delhaize par ricochet puisque cela pèsera sur les revenus de l’enseigne, mais affectera des magasins franchisés qui sont ou seront les victimes collatérales de ce bras de fer.
Car le blocage est bel et bien total, et a peu de chance d’évoluer prochainement car la direction ne veut rien entendre. Delhaize semble avoir “oublié la tradition de la concertation sociale”, a d’ailleurs regretté le ministre fédéral du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS), lors d’un débat d’actualité en commission des Affaires sociales de la Chambre.
Le même ministre a également estimé que la CCT 32 bis, brandie par la direction pour justifier la garantie d’emploi et les conditions salariales des travailleurs de Delhaize lorsqu’ils seront repris par un franchisé, est “largement insuffisante”. C’est le cœur du combat des syndicats : que les employés aient alors des conditions salariales et de travail bien différentes de leur statut actuel.
David Clarinval a retoqué les syndicats, sur les ondes de Bel RTL, à propos de commentaires sur les employeurs franchisés : “Quand j’entends certains syndicats dire : ce sont des esclavagistes ou des sous-employeurs, ça c’est scandaleux, ce n’est pas du tout le cas.”
Reste qu’un magasin AD Delhaize a été fermé dans le centre de Bruxelles après un contrôle de l’inspection sociale, qui a pisté du travail au noir de 8 membres du personnel sur 20. Les syndicats ne sont pas privés de l’évoquer lors de la réunion avec la direction. Cela fait plutôt mauvais genre alors que cette même direction vante les mérites de la franchise. “Nous sommes en dialogue avec l’affilié et nous attendons le rapport officiel de l’enquête avant de prendre une décision le concernant”, a commenté Roel Dekelver, porte-parole.