"On risque le chaos en Europe cet été": Ryanair veut casser les grèves des contrôleurs aériens
La compagnie irlandaise veut imposer un service minimum pour le survol de la France en cas de grève des contrôleurs aériens. “La présidente Ursula von der Leyen peut résoudre ce problème dès aujourd’hui si elle le veut”, lance Eddie Wilson, le patron de Ryanair DAC.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/09b4ad29-52f6-43e4-84dd-592d6abd6386.png)
Publié le 21-03-2023 à 10h35 - Mis à jour le 21-03-2023 à 11h50
:focal(2623.5x1628.5:2633.5x1618.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/VIZ2NAM2SFC43CX3B64RTBBU4E.jpg)
On appelle cela “un effet en cascade”. La fronde actuelle contre la réforme des retraites en France peut entraîner des conséquences à des centaines de kilomètres de l’Hexagone. Elle pourrait même provoquer un retard de plusieurs heures sur un vol entre… Londres et Dublin. C’est du moins l’exemple donné par Eddie Wilson, le patron de Ryanair DAC, la compagnie du groupe irlandais qui opère notamment en Belgique.
Comment expliquer cet “effet domino” ? Il suffit de regarder une carte de l’Europe. En plus d’être situé stratégiquement entre le Nord et le Sud de l’Europe, l’espace aérien français est aussi l’un des plus importants du Vieux continent. Lorsque les contrôleurs aériens français se croisent les bras, ce ne sont donc pas seulement les avions décollant ou atterrissant depuis les aéroports locaux qui sont cloués au sol : des centaines d’autres appareils venus de différents pays sont obligés de contourner l’espace aérien fermé et donc de réaliser des détours de “parfois deux heures” pour rejoindre leur destination européenne. Ces détours auraient aussi engendré l’émission de 4 000 tonnes de CO₂ supplémentaires rien que cette année, selon la compagnie.
"La situation sociale actuelle en France nous fait craindre le pire"
Et c’est là que “l’effet boule de neige” prend toute son envergure au sein d’une compagnie comme Ryanair, qui cherche à rentabiliser au maximum ses avions, ceux-ci restant rarement plus de trente minutes au sol entre deux vols. Chaque minute de retard est donc difficilement “rattrapable” au cours de la journée. “Ce week-end, à cause du mouvement de grève en France, beaucoup d’avions sont arrivés avec un large retard et vu les couvre-feux existant dans la plupart des aéroports en Europe, nous n’avons pas eu d’autres choix que d’annuler de nombreux vols”, explique la compagnie. Ryanair a fait ses comptes : depuis le début de l’année, près de 6 000 de ses vols auraient été “perturbés”, affectant près d’un million de ses voyageurs, par les grèves en France. “Il y a déjà eu treize jours de grève des contrôleurs aériens français. C’est déjà davantage que durant toute l’année 2022, peste M. Wilson. La situation sociale actuelle en France nous fait craindre le pire. On risque le chaos en Europe cet été.”
"Nous ne nous adressons pas au président français Emmanuel Macron car c'est un problème européen. "
En Belgique, la compagnie estime que 400 vols et 70 000 passagers ont été concernés par la problématique depuis début janvier. “Nous ne sommes pas contre le droit de grève et chacun a le droit de l’exercer, développe le patron irlandais. Mais qu’est-ce qu’une famille de touristes suédois, qui veut se rendre en Espagne, a à voir avec le débat sur l’âge de la retraite des Français ? Ce sont pourtant les vacances de cette famille qu’on détruit (sic). C’est indigne. Il est souvent très difficile d’expliquer à nos passagers que nous ne sommes pour rien dans leurs malheurs. L’effet est aussi nul pour les syndicats français qui veulent mettre la pression sur leur propre gouvernement et pas sur celui de la Suède ou d’autres pays européens.”
Dénonçant cette situation “depuis des années”, la compagnie irlandaise a décidé de passer à l’action. Sa cible ? La Commission européenne. “Nous ne nous adressons pas au président français Emmanuel Macron car c’est un problème européen : la liberté de mouvement est l’un des fondements de l’Union européenne. Or il n’est pas respecté”, insiste M. Wilson qui refuse aussi d’aller en justice, du moins pour le moment. “C’est un problème politique et la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen peut le résoudre aujourd’hui si elle veut.”
Ryanair espère un million de signatures
La compagnie irlandaise demande ainsi qu’un service minimum soit imposé aux contrôleurs aériens lors du survol de la France, “comme c’est le cas en Grèce, en Italie ou Espagne”. Autre grief : que l’organisation européenne Eurocontrol ou “d’autres contrôleurs aériens européens” prennent en charge ce survol du pays en cas de grève. Enfin, Ryanair veut “obliger” les syndicats français à recourir à un arbitrage avant d’appeler à la grève.
À l’approche de la saison estivale, la compagnie irlandaise met la pression en lançant une large pétition, avec ces différentes demandes, auprès des citoyens européens. La compagnie entend récolter un million de signatures, soit un nombre obligeant la Commission à se prononcer sur le sujet de la pétition, selon la législation européenne. “Peut-être que si l’Union européenne n’écoute pas les compagnies aériennes, elle écoutera les millions de passagers européens, conclut M. Wilson. Et si rien ne se passe ? “La Commission sera responsable pour les milliers de voyageurs qui pourraient se retrouver bloqués cet été dans les aéroports.”