Un nouveau méga projet de semi-conducteurs voit le jour en Allemagne: Infineon va y investir 5 milliards d'euros
Les annonces de grands projets se multiplient outre-Rhin, avec une région privilégiée : l’Est du pays. Objectif : accompagner les efforts du pays et du continent pour décarboner l’économie d'ici 2045. Et gagner en autonomie stratégique dans la production de puces.
Publié le 03-05-2023 à 15h11
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Les bonnes nouvelles se suivent en Allemagne pour le secteur des semi-conducteurs. Mardi 2 mai, le groupe allemand Infineon a officiellement lancé les travaux d’une nouvelle usine à Dresde. La cérémonie ne s’est pas déroulée en petit comité mais en présence du chancelier allemand Olaf Scholz et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ce projet est en effet le plus important de l’histoire de cette entreprise munichoise qui va y investir cinq milliards d’euros, dont un milliard de subventions nationales et européennes.
Un millier de postes devraient être créés pour la production à partir de 2026 de semi-conducteurs analogiques et de puissance dont Infineon est déjà un des leaders mondiaux. “Nous ouvrons un nouveau chapitre de notre histoire” a lancé Jochen Hanebeck, lors de cette cérémonie. “Nous accélérons le rythme en matière d’innovation verte et numérique. Nous construisons ici ensemble à Dresde l’avenir de l’Europe” a-t-il ajouté.
20 % des semi-conducteurs “made in Europe”
À la tribune, le chancelier Olaf Scholz s’est lui aussi félicité de cet investissement qui concrétise les efforts du pays et du continent à décarboner leur économie d'ici 2045. “Nous n’y parviendrons que par davantage d’énergies renouvelables, avec plus de mobilité électrique et plus de pompes à chaleur. Pour cela nous avons besoin de semi-conducteurs et toujours plus de semi-conducteurs” a-t-il constaté tout en louant la contribution de ce projet à la souveraineté industrielle du continent.
Cette méga fabrique s’inscrit en effet dans une stratégie européenne visant à développer l’industrie de semi-conducteurs sur le continent et à gagner en autonomie face à l’Asie et aux États-Unis. Avec son programme “EU-Chips Act”, et les 43 milliards d’euros qui lui sont dédiés, Bruxelles souhaite que 20 % des semi-conducteurs mondiaux soient produits en Europe d'ici 2030, soit deux fois plus qu’actuellement. “Nous devons renforcer nos capacités en matière de semi-conducteurs et nous avons besoin de produire davantage en masse” a confirmé Ursula von der Leyen.
Pour investir, les entreprises recherchent avant tout un lieu avec des entreprises spécialisées, des usines, des centres de recherches, des universités. Dresde est avec Grenoble l'une des rares villes qui propose cela en Europe."
Cet investissement d’Infineon n’est que l’un des nombreux projets annoncés ces derniers temps en Allemagne notamment de la part d’entreprises américaines. Wolfspeed a lancé en février dans la Sarre les travaux de la plus grande usine au monde de semi-conducteurs en carbure de silicium, un composant central pour l’électrification des voitures. Idem avec Intel, qui prévoit d’investir 17 milliards à Magdebourg, en Saxe-Anhalt, et avec GlobalFoundries qui met un milliard supplémentaire sur la table pour développer son site de Dresde. Une ville où le Taïwanais TSMC envisage lui aussi un investissement. L’an dernier, c’est l’Allemand Bosch qui a annoncé agrandir son usine de Reutlingen.
12 milliards de subventions
Particularité flagrante de ces projets, ils se concentrent quasiment tous dans l’Est de l’Allemagne et plus particulièrement à Dresde où l’industrie microélectronique s’est développée à l’époque du régime communiste de la RDA. Désormais, cette ville de Saxe répond au surnom de “Silicon Saxony” et produit un tiers des semi-conducteurs “made in Europe”.
“Pour investir, les entreprises recherchent avant tout un lieu avec des entreprises spécialisées, des usines, des centres de recherches, des universités. Dresde est avec Grenoble l’une des rares villes qui propose cela en Europe” constate Joachim Ragnitz, du centre économique IFO de Dresde. “L’industrie des semi-conducteurs est aussi très gourmande en énergie. Or l’Est de l’Allemagne en produit beaucoup, notamment verte, issue du vent et du solaire. C’est un facteur central” juge cet économiste.
L’implantation de méga fabriques coûtera toutefois cher aux contribuables. L’an dernier, le Bundestag a approuvé un nouveau paquet de 12 milliards d’euros de subventions pour les semi-conducteurs. La perspective de recevoir des subsides publics joue d’ailleurs un rôle central pour les investisseurs comme à Magdebourg, où l’Américain Intel tente de faire encore monter les enchères. Cette surenchère pourrait d’ailleurs se renforcer alors que la concurrence s’accentue entre l’Union européenne et les États-Unis, avec l’annonce américaine d’un projet d’investissements de 400 milliards dollars pour le climat et la santé (Inflation Reduction Act). À Magdebourg, on craint qu’Intel, qui a récemment annoncé des pertes records, abandonne ses projets allemands au profit des États-Unis.