Brussels Airport prêt à supprimer un vol de nuit sur dix : “A Francfort, si un avion se présente sur la piste à 23h01, les passagers sont débarqués”
Dans un souci d’apaisement avec les riverains, le CEO Arnaud Feist propose de diminuer les vols entre 23h et 6h du matin à Zaventem, tout en gardant intact le quota de mouvements autorisés la nuit. Explications.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/09b4ad29-52f6-43e4-84dd-592d6abd6386.png)
Publié le 24-05-2023 à 14h27 - Mis à jour le 24-05-2023 à 15h51
:focal(2099.5x1387:2109.5x1377)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/PVLUSBLNJZBLLMVU72RUCH7T7I.jpg)
La démarche peut paraître étonnante. Alors qu’il rappelle que les vols de nuit sont “indispensables” à Brussels Airport et qu’une partie des 14 000 emplois liés à l’activité cargo serait menacée en cas de fermeture nocturne de Zaventem, Arnaud Feist, le CEO de l’aéroport, est prêt à… réduire ces mêmes vols prévus entre 23h et 6h du matin. “Cela ne nous empêchera pas de croître”, annonce le patron.
Faut-il voir un revirement de la direction de Brussels Airport jusqu’ici très attachée à ses vols nocturnes ? Pas vraiment. En fait, l’aéroport joue gros dans les prochains mois puisqu’il doit renouveler son permis d’environnement. Sans ce précieux sésame, délivré par les autorités flamandes, plus aucun avion ne pourrait ainsi décoller depuis les pistes de Zaventem. Il est très peu probable qu’on en arrive à un tel scénario, mais certaines restrictions pourraient être inscrites dans ce permis “à durée illimitée”, comme cela a été le cas récemment à l’aéroport de Liège. D’aucuns rêvent ainsi de réduire drastiquement l’activité de l’aéroport, qu’ils estiment trop polluant et nuisible pour les riverains. Et même de le fermer la nuit, comme l’ont décidé des pays européens récemment.
Doubler l’activité cargo et six millions de passagers en plus d'ici 2032
A Zaventem, on marche donc sur des œufs. Et on prend les devants. L’aéroport vient ainsi de publier une étude “indépendante” de 800 pages déterminant l’impact de son activité sur l’environnement. Le CEO tient aussi à donner des garanties. “Il n’y aura pas de nouvelle jetée, ni de nouvelles pistes : on demande simplement de pouvoir continuer avec nos infrastructures actuelles qu’on veut optimiser pour améliorer le confort des passagers”, insiste M. Feist.
L’aéroport l’affirme aussi : il n’est pas demandeur de davantage de créneaux horaires (slots) de nuit, dont le nombre est actuellement limité à 16 000 par an. Ni même de réelle croissance du nombre de mouvements totaux à l’aéroport, qui passeraient de 234 000 en 2022 à 240 000 dans dix ans. Ce qui n’empêcherait pas l’aéroport d’accueillir six millions de passagers en plus par rapport à son record de 2019 (26,2 millions de voyageurs) et de… doubler son activité cargo dans ce même laps de temps. “Les avions sont plus grands qu’il y a vingt ans et leur taux de remplissage va continuer à s’améliorer, justifie le CEO. En moyenne, un avion décollant de Zaventem accueillait 77 passagers en 2000, contre 135 l’année dernière. Selon les prévisions de l’aéroport, ce chiffre grimpera à 155 en 2032. La nouvelle génération d’avions-cargos serait également plus efficace tout en étant moins polluante.
Les autorités belges sont plutôt permissives
Reste ces fameux vols de nuit. Arnaud Feist est conscient qu’ils sont menacés et il tend la main aux riverains. Avec une subtilité. “On peut diminuer les vols de nuit sans toucher au quota du nombre de slots”, insiste M. Feist. Chaque année, les vols de nuit sont ainsi plus nombreux que ceux initialement autorisés. Il n’est pas rare qu’un avion dont le décollage est prévu, par exemple, à 22h45 (horaire de jour) ait quelques minutes de retard, ce qui le fait passer en horaire de nuit. Même si ces dépassements doivent être justifiés, les autorités belges sont plutôt permissives, contrairement à certains de nos voisins.
“A Francfort (où les vols de nuits sont interdits, NdlR,), si un avion se présente sur la piste à 23h01, on ne l’autorise pas à décoller et les voyageurs sont débarqués. Même si c’est un Airbus A380 avec 400 voyageurs à bord”. Cette tolérance zéro (”à quelques exceptions près”) devrait également s’appliquer chez nous, estime M. Feist.
“Pour les atterrissages, c’est plus compliqué : on ne peut pas dévier un avion en plein vol pour l’empêcher d’atterrir chez nous, mais on peut imaginer un système d’amende”. Selon les calculs de l’aéroport, de telles mesures permettraient “d’éliminer” près de 1 600 vols de nuit par an, soit 10 % de l’ensemble des mouvements nocturnes actuels. De quoi apaiser quelque peu le sommeil des riverains. “Nous sommes favorables à de telles mesures, mais nous ne pouvons pas les imposer sans l’aval des autorités belges, conclut le patron. Nous avons fait cette proposition au ministre fédéral en charge du dossier, Georges Gilkinet (Ecolo) en mars dernier et il y était favorable.”
L’aéroport à nouveau dans le vert trois ans après
Par ailleurs Brussels Airport est revenu dans le vert, pour la première fois depuis l’apparition du Covid, avec un gain net de 16 millions d’euros l’année dernière.
Ce profit intervient après deux années noires, au cours desquelles l’exploitant de l’aéroport a subi une perte cumulée de quelque 240 millions d’euros en raison de l’impact de la crise du coronavirus. “Le bénéfice de 2022 est encore limité, mais nous voyons à nouveau la lumière au bout du tunnel”, souligne M. Feist. La pandémie de Covid-19 s’est encore ressentie à l’aéroport au début de l’année 2022. “La première partie de l’année a été marquée par le port de masques buccaux et des restrictions de voyage”, rappelle le CEO. “À partir de juillet, la situation s’est rétablie, pour retrouver des dispositions plus normales.” L’aéroport a finalement enregistré près de 19 millions de passagers en 2022, soit le double par rapport à 2021. Mais la fréquentation reste inférieure de plus d’un quart par rapport au record de 2019. “Les vols touristiques et de visite familiale ou de proches ont bien repris. Mais c’est plus compliqué pour les vols d’affaires intra-européens, avance le patron. Les mentalités ont changé avec la crise du Covid et on s’attend à ce que cette tendance devienne structurelle. Les gens ne se déplacent plus pour une réunion de deux heures à Francfort, par exemple.”
Notons enfin que les vols professionnels intercontinentaux tiennent par contre bien la route, particulièrement sur les destinations africaines qui restent l’une des valeurs sûres de l’aéroport.