A-t-on vraiment besoin d'un aspirateur à 800 euros? James Dyson en est persuadé
Le "Steve Jobs de l'aspirateur" a inventé une multitude d'appareils électroménagers aussi design que coûteux.
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- Publié le 29-05-2023 à 14h02
- Mis à jour le 19-06-2023 à 17h08
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C’est la Rolls Royce des appareils électroménagers : Dyson. L’aspirateur sans sac de la marque figure dans le top 3 des aspirateurs rencontrant le plus haut degré de satisfaction par les ménages belges en 2023. Celui qu'on surnomme le "Steve Jobs" de l’aspirateur, James Dyson, n’est même pas titulaire d’un diplôme d’ingénieur bien qu'il ait fréquenté une école d'art à Londres. Son esprit créatif et son jusqu'au-boutisme lui ont toutefois frayé une place dans le club restrictif des milliardaires européens.
Par un jour de ménage en 1979, James Dyson, 32 ans, se retrouve sans sac d’aspirateur. Deux choix s’offrent à lui : se rendre au magasin en acheter un nouveau ou vider le sac usagé. Pris de paresse – ou de génie – il opte pour la seconde option : il scotche le sac fraîchement vidé de sa poussière. C’est l’échec : l’appareil n’aspire plus rien. Valeureux, il se lance le défi de concevoir un aspirateur sans sac. Cinq ans et 5 127 prototypes plus tard, le premier aspirateur sans sac voit le jour, le "G-Force". Celui-ci utilise des forces centrifuges qui séparent l’air de la poussière et jettent les saletés directement dans le bac de l’appareil.
À l’époque, James Dyson est le seul à y croire : aucun fabricant européen n'est prêt à acheter sa création. Le seul marché intéressé est le Japon, auquel l'inventeur vend quelque aspirateurs à partir de 1983. C'est au bout de dix ans qu'il parvient enfin à ouvrir un site de production au Royaume-Uni (à Chippenham, dans le Wiltshire) : le premier aspirateur en sort le 1er juillet 1993. Trente ans plus tard, Dyson est le leader mondial du secteur et emploie plus de 14 000 personnes dans plus de 65 pays.
Partisan du Brexit
Le siège mondial de l'entreprise britannique se trouve à Singapour depuis 2019, pays dans lequel l'entreprise développe des moteurs numériques. L'objectif de ce déménagement, avance Dyson, est "de nous rapprocher de nos chaînes d'approvisionnement, de notre production et de nos marchés à la croissance la plus rapide". Cette décision, annoncée en plein Brexit, suscite l'indignation des partisans du retrait de l'Union européenne - dont fait partie James Dyson - qui accusent ce dernier de migrer vers l'Asie pour des raisons fiscales.
Trois ans plus tard, le groupe prend quand même ses quartiers dans la cité-État au sein la centrale électrique de Saint-James, construite en 1927 et restaurée pour l'occasion. Le bâtiment, long de 1 000 mètres, abrite plus de 1 400 employés répartis dans 18 laboratoires de recherche.

Cette sympathie pour le protectionnisme se retrouve jusque dans le choix des collaborateurs de James Dyson. Désireux de rester à la pointe de l’innovation, le patron exige des 5 000 ingénieurs et scientifiques qui l'entourent une discrétion absolue. Aucune fuite sur les avancées technologies de l’entreprise n’est tolérée à mesure que les nouveaux produits sont développés.
Produits haut de gamme
D'une valeur de 799 euros, la dernière version de l'aspirateur sans fil fait partie des bestsellers de l'entreprise, aux côtés du sèche-cheveux sans fil "Supersonic" (480 euros) et du lisseur-boucleur sans fil ni chaleur "Airwrap" (600 euros). L'activité de Dyson ne s'arrête pas là : l'entreprise commercialise également des purificateurs d'air (400 à 800 euros) et des lampes (de 550 à 750 euros). Par ailleurs, elle travaille en ce moment même sur le "Dyson Zone", un casque audio sans fil muni d'un purificateur.
L'esprit d'innovation de la marque d'électroménagers design induit des recettes en constante hausse, à près de 7,5 milliards d'euros en 2022.
Comment Dyson nous convainc de dépenser autant d'argent pour ses produits ? D'abord, l'expertise pour rendre toujours plus performants les appareils de Dyson hisse la marque au niveau "haut de gamme". Et puis, l'entreprise se dit proche de sa clientèle et donc, de ses "besoins". Pour ce faire, elle a mis sur pied une stratégie publicitaire redoutablement efficace, empreinte d'un storytelling maitrisé et d'une vedettisation de son créateur sur plusieurs plateformes et réseaux sociaux. Les partenariats avec divers créateurs de contenu et influenceurs rendent "tendance" Dyson. James Dyson se met volontiers en scène sur la chaine YouTube de Dyson. Cette dernière, créée en 2007, a déjà publié plus de 1 000 vidéos de promotion et comptabilise plus de 429 000 abonnés. Elle est particulièrement active depuis 2020, année marquée par les confinements successifs liés à la crise sanitaire du Covid-19.
Toujours dans cette tactique de rapprochement, l'entreprise britannique propose sur son site de "rencontrer ses collaborateurs", de bénéficier de conseils via un espace personnel ou encore de s'inscrire à une newsletter pour rester "les premiers à entendre parler de la nouvelle technologie Dyson".
Autre tentative de séduction : la philanthropie. James Dyson lance en 2002 une fondation à son nom destinée aux "jeunes esprits brillants" qui ne doivent "pas passer à côté d'une carrière d'ingénieur". Le but est de "combattre les idées fausses sur l'ingénierie, lutter contre la pénurie nationale d'ingénieurs et encourager et inspirer la prochaine génération". Depuis 2017, cette fondation a mis au point un système de recrutement atypique à travers le Dyson Institute of Engineering and Technology, basé sur le campus Dyson à Malmesbury. L'idée est de proposer à des étudiants en fin de parcours de travailler à temps plein en tant qu'ingénieurs et salariés au sein de l'entreprise. Les premiers diplômés sont sortis en 2021 : tous ont choisi de rester chez Dyson.
L'innovation... mais pas à tout prix
Tout n'a néanmoins pas toujours été rose raconte l'entreprise sur son site web. L'un des échecs les plus notables est le lave-linge Contrarotator lancé en 2000. Une "machine révolutionnaire", plus rapide et efficace que ses concurrents de l'époque, qui n'a malheureusement "pas été un succès commercial". Les coûts de fabrication trop élevés ont poussé le groupe à en arrêter la production.
Plus récemment, en 2014, James Dyson s'était rêvé en "Elon Musk européen" avec le projet fou de construire un véhicule électrique en moins de cinq ans. Après un investissement de plus de 500 millions de livres sterling (soit environ 575 millions d'euros), la voiture, développée jusqu'au niveau de pré-production, mesure cinq mètres, peut accueillir sept personnes et est dotée d'une autonomie de 965 kilomètres. Le projet se révèle néanmoins ne pas être "commercialement viable" et s'arrête en 2019.
Âgé de 76 ans, James Dyson n'a désormais plus qu'un seul rêve : "Imaginer des améliorations et les réaliser, même quand cela semble impossible". Anobli par la Reine Elisabeth II en 2007, le chevalier "Sir James" est aujourd'hui à la tête d'une fortune nette de 8,6 milliards d’euros d'après le magazine Forbes. Son fils Jake lui semble un successeur tout désigné.