Grève au journal "Les Echos" en France : face à Bernard Arnault, l’indépendance n’est décidément pas "un luxe"
La rédaction du quotidien a annoncé se mettre en grève depuis ce jeudi 1er juin jusqu’à vendredi 17 heures, ses membres dénonçant une direction qui “veut vider de sa substance” leur droit de véto. Un nouvel épisode d’un combat qui dure depuis le rachat du journal par LVMH en 2007.
- Publié le 02-06-2023 à 15h22
- Mis à jour le 02-06-2023 à 15h29
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Cela n’arrive pas tous les jours dans un journal où l’ambiance n’est pas vraiment celle d’un piquet de grève avec brasero cégétiste. Les journalistes de la rédaction des Echos se mettent en grève, ce jeudi 1er juin et ce jusqu’à vendredi 17 heures. Un mouvement annoncé via un communiqué dans lequel la Société des journalistes (SDJ) du quotidien estime que “le journal doit pouvoir traiter de tous les sujets – y compris touchant à l’actionnaire –, sans censure ni excès de zèle. C’est pour cela qu’il faut absolument renforcer les garanties d’indépendance dont les récents événements ont montré la fragilité”. En cause : la mise à mal du droit de véto des journalistes sur la nomination imminente d’un nouveau directeur de la rédaction par le PDG des Echos, Pierre Louette, également PDG du Parisien.
Ce droit de véto avait été négocié de haute lutte par la rédaction en 2007, au moment du rachat surprise du quotidien économique par le patron de LVMH, Bernard Arnault, avec pour slogan “l’indépendance n’est pas un luxe”. Quinze ans plus tard, retour à la case départ : les journalistes des Echos dénoncent aujourd’hui la décision de la direction de présenter “une liste de votants dépassant largement le champ de la rédaction permanente des Echos (CDI, CDD, apprentis, pigistes réguliers), une liste qui comprend même des non-journalistes”.
Un accord bafoué
Cette manœuvre pour réduire à néant le droit de veto de la rédaction fait suite à l’éviction soudaine du directeur de la rédaction, Nicolas Barré, au mois de mars dernier. Ce dernier, qui était en place depuis 2013, a semble-t-il eu le tort de fâcher Bernard Arnault. La société des journalistes des Echos avait alors exprimé “sa surprise” en s’interrogeant “sur le lien entre ce départ et la publication ces dernières semaines de plusieurs articles qui auraient déplu à l’actionnaire”. Parmi eux, une critique d’Histoire d’un ogre, un livre d’Erik Orsenna qui s’attaque à Vincent Bolloré, avec qui Bernard Arnault aurait conclu un pacte de non-agression. Nicolas Barré a aussi laissé passer un article sur des perquisitions menées par le fisc dans des sociétés du groupe LVMH.
Ces événements constituent “une grave menace pour l’indépendance des Echos”, selon les grévistes, la direction s’étant “affranchie du mécanisme de révocation prévu dans l’accord d’indépendance signé fin 2007 entre LVMH et la Société des journalistes des Echos”. Un accord qui fixait également le droit de véto des journalistes, que “la direction […] veut vider de sa substance”, selon la SDJ.