La croissance des supermarchés s'essouffle par manque de bons emplacements : "La Belgique est bien, voire trop servie"
Si l'expansion des supermarchés et supérettes est aujourd'hui un peu mise en sourdine, c'est sans doute que le marché a versé dans le trop-plein.
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- Publié le 03-06-2023 à 10h00
En quinze ans, pas moins de 684 supermarchés et supérettes de plus de 150 m2 (ce que sont la grande majorité des Proxy Delhaize, Spar ou Carrefour Express) se sont ajoutés à un parc déjà bien achalandé. Dont une centaine pour les seuls Albert Heijn et Jumbo, nouveaux venus sur le marché.
De quoi porter leur nombre total à 4 014 points de vente, soit 35 pour 100 000 habitants. C’est bien plus qu’aux Pays-Bas et au grand-duché de Luxembourg.
Par dessus le marché, leur taille est plus étendue chez nous que chez nos voisins - en Wallonie en tous les cas où les distributeurs ont le loisir de se déployer sur plus de 1 000 m² en moyenne -, ce qui augmente encore le sentiment qu'il y a trop de magasins d'alimentation en Belgique. "En Wallonie, il y a de la place, détaille Frans Smit (Locatus). À Bruxelles et en Flandre, c'est plus serré." "Mais au-delà de l'espace disponible, il y a aussi le caractère urbain, poursuit-il. Il y a moins de grandes villes au sud du pays . Or, c'est essentiellement dans les villes, et cela se vérifie dans tous les pays, qu'il y a une augmentation de la concurrence avec de nouvelles offres." Quand bien même juge-t-il que 1 338 supermarchés en Wallonie, "c'est déjà beaucoup."
L'obtention des permis se complexifie
"Il faut toutefois convenir que la croissance s'essouffle un peu, détaille encore Frans Smit. Car il y a de plus en plus de magasins et de concurrence mais aussi de moins en moins de terrains disponibles. Et surtout de moins en moins de bons emplacements, ce que recherchent les distributeurs. Avec ceci que l'obtention des permis se complexifie année après année."
Si l'expansion est aujourd'hui un peu mise en sourdine, c'est sans doute que le marché a versé dans le trop-plein. "Il suffit de comparer l'offre à celle des Pays-Bas, plus densifiée, ajoute-t-il, portant moins de points de vente, de plus petite taille de surcroît. Sans que les Néerlandais évoquent un quelconque manque."
Il faut dire que ce n'est pas seulement dans l'alimentaire que les Belges sont assaillis de magasins. Cela vaut pour tout le retail. Les Pays-Bas abritent quelque 215 000 magasins pour une population de 17,5 millions d'habitants. La Belgique, avec 11,5 millions d'habitants, en porte 198 000 et le Luxembourg, 9 000 pour 640 000 habitants. "En proportion, la Belgique est mieux, voire trop servie. Peut-être parce que les Néerlandais, plus cartésiens, vont assurer leurs ouvertures avec des études de marché, alors que les Belges vont dire : 'On verra bien'", sourit-il.
Moins de petites épiceries et de boutiques d’artisans
Si le nombre de supermarchés et de supérettes liées à un distributeur établi augmente, par contre, le nombre de boutiques d'artisans et d'indépendants ou d'une taille inférieure à 150 m² diminue. En un peu plus de quinze ans, le paysage belge en a perdu 3 760. Une vingtaine par mois. Quasiment une par jour ouvrable ! Un chiffre qui serait encore plus préoccupant sans les points de vente on the go du type "Shop&Go", les night shops et les nouvelles boulangeries artisanales dont le nombre a explosé.
Les autorités publiques ne mettent pas le holà
Depuis 2005, les décisions en matière d’implantations commerciales sont aux mains des seules communes. L’aval des entités voisines ou d’un comité de type socio-économique ne vaut que pour les très grandes surfaces. Assez étonnamment, du moins au vu du nombre d’ouvertures, les autorités publiques ne semblent pas trouver qu’il y a une suroffre de supermarchés ou assimilés en Belgique. “Parce que ce qu’elles voient, c’est l’attractivité de leur ville et non le nombre de consommateurs, commente Frans Smit (Locatus). Elles considèrent que pour rendre leur commune plus attrayante, il faut un bon mix d’enseignes et une véritable dynamique commerciale. Les enseignes servent à améliorer l’image et l’offre des villes et donc à attirer des visiteurs qui y effectuent des achats et des dépenses pour le bénéfice des habitants.”
Si certains riverains sont réticents – ceux qui habitent juste à côté, en face ou derrière –, dans l’ensemble, ils ne se plaignent pas de la plus grande proximité d’un magasin. “C’est plus simple pour eux. Ils sont également les premiers à applaudir quand les magasins sont ouverts le dimanche et à s’y déplacer”, poursuit Frans Smit. Au final, ceux que cette prolifération des supermarchés inquiète, ce sont les distributeurs…