La remontée des taux du livret d'épargne de Belfius ne clôt pas le débat politique
Les Ecolos se disent confortés dans "la nécessité de changer structurellement la loi pour rendre automatique la remontée des taux d’épargne", Test-Achats lance une pétition.
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- Publié le 07-06-2023 à 18h50
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Comme la fois dernière, c’est Belfius qui est la première des quatre grandes banques du pays à donner le coup d’envoi d’une nouvelle hausse des taux sur les livrets d’épargne. L’épargnant qui place son argent sur le compte Fidelity aura droit à 1,25 % (prime de fidélité comprise), contre 0,80 % précédemment. Le taux de base augmente de 0,05 % et la prime de fidélité (obtenue au terme d’un an) de 0,40 %. Le compte d’épargne classique passe lui de 0,60 à 0,90 %. Ces nouvelles conditions entrent en vigueur le 1er juillet. Ce qui veut bien dire que ce n’est qu’à partir de cette date que la nouvelle prime est prise en compte.
Du côté des “outsiders”, KeyTrade a aussi revu ses conditions, offrant des rendements plus intéressants qu’une majorité d’institutions. Le taux de base du compte High Fidelity progresse de 0,4 % à 0,75 % et la prime de fidélité de 0,9 % à 1,35 %. Ce qui donne une rémunération de 2,1 %.
Intervention politique
D’après Olivier Onclin, en charge du retail banking au sein du comité de direction chez Belfius, la “décision de revoir les conditions était prise il y a trois semaines”. Mais la banque détenue à 100 % par l’Etat belge a préféré attendre avant de communiquer “en raison de tout le débat sur les taux dans les médias. Après toutes les questions de gouvernance chez Bpost, on ne pouvait pas se permettre de donner un indice quelconque d’intervention politique”, explique Olivier Onclin. Une explication donnée deux jours après que le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) eut déclaré que “si les banques ne faisaient pas fonctionner le marché, le gouvernement interviendrait”.
Ces nouvelles conditions, qui s’expliquent par la remontée des taux sur les marchés, sont “accessibles à travers tous les canaux sans aucune limitation sur les encours”. On se souvient que pour pouvoir bénéficier de la précédente hausse chez Belfius, il fallait ouvrir le nouveau compte Fidelity. Combien l’ont fait ? “Ils sont nombreux”, explique Olivier Onclin, sans préciser combien. “Ce sont des chiffres confidentiels”. Des chiffres qui seraient pourtant révélateurs de l’inertie des clients.
Initiative législative
Belfius est donc la première banque à répondre à l’appel de la Banque nationale à offrir des taux plus hauts. Cette hausse ne devrait toutefois pas dissuader l’aile gauche du gouvernement De Croo de prendre une initiative législative. “La remontée des taux par Belfius, pour s’aligner en fait sur les taux des autres banques classiques, démontre que la pression mise depuis 10 jours fonctionne mais ce n’est pas suffisant. Nous ne pouvons pas attendre le bon vouloir du secteur bancaire pour que les taux sur les comptes d’épargne rémunèrent de manière juste l’épargne de nos concitoyens. Cela nous conforte donc dans la nécessité de changer structurellement la loi pour rendre automatique la remontée des taux d’épargne, comme nous le proposons. Notre proposition sera prise en considération ce jeudi à la Chambre et le travail continue”, nous explique le député fédéral Ecolo Gilles Vanden Burre.
L’association de consommateurs Test-Achats met aussi la pression, en lançant une pétition pour l’augmentation du taux minimum sur les comptes d’épargne. Elle va également interpeller le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, à propos de sa décision (via un arrêté royal) de limiter la rémunération sur les comptes e-DEPO de la Caisse de dépôt et Consignations à 2,50 % et “envisage un recours au Conseil d’Etat pour faire annuler cette limitation discriminatoire”.
Ce même Vincent Van Peteghem a demandé à son collègue de l’Économie, Pierre-Yves Dermagne (PS), de requérir une analyse auprès de l’Autorité belge de la Concurrence (ABC) sur le respect des règles de concurrence par les banques à propos des taux d’intérêt des comptes d’épargne. Une initiative déjà proposée par le ministre PS et pour laquelle il a déjà eu une première réunion avec le président de l’institution.
Vous pouvez aussi bénéficier du match compte d’épargne-compte à terme
Le Belge reste accro au compte d'épargne mais commence tout doucement à s'intéresser aux comptes à terme, parfois bien plus rémunérateurs. Ainsi, le compte à terme d'un an à la Deutsche Bank offre un taux net de 2,31 % (3,30 % brut moins le précompte de 30 %). Le montant minimum est toutefois de 100 000 euros. C'est en tout cas (bien) plus que tous les comptes d'épargne et même que l'e-Depo de la Caisse des dépôts et consignations, dont le rendement a été bridé par arrêté royal à 2,50 % (1,75 % net). Les deux produits ne sont pas identiques. L'argent sur un compte à terme est bloqué durant toute la durée du terme justement.
Pour l'e-Depo, vous pouvez certes récupérer l'argent avant l'échéance, mais n'obtenez pas le moindre euro d'intérêt. Les comptes d'épargne les plus rémunérateurs le sont également si vous maintenez l'argent pendant douze mois consécutifs. En cas de retrait anticipé, il vous reste le taux de base. Ce sera donc 0,75 % pour le compte Santander Consumer Bank Vision +, au lieu des 2,25 % espérés, ce qui reste un rendement plus élevé que de nombreux comptes d'épargne. Les grandes banques proposent des comptes à terme, encore faut-il le savoir tant elles sont discrètes à ce sujet. Chez Belfius, KBC et BNP Paribas Fortis, il faut par exemple se renseigner en agence, où le taux en vigueur vous sera communiqué et le produit proposé si vous avez le bon profil. ING permet à ses clients de l'ouvrir en ligne : le compte à terme d'un an propose un rendement brut de 1,88 % (1,316 net), contre 1 % pour le compte d'épargne classique, pour autant que l'argent reste en compte pendant douze mois.
L’actionnaire plus gâté que l’épargnant…
Nicolas Claeys, coordinateur chez Test-Achats, avait collecté quelques chiffres pour le live Facebook organisé ce mercredi par La Libre, qui montrent que l’actionnaire est nettement mieux rémunéré que les épargnants.
Le bénéfice total des quatre grandes banques belges (BNPP Fortis, KBC, Belfius, ING) s’élevait à 6,225 milliards en 2022. Sur ce montant, les actionnaires ont eu droit à un dividende de 3,218 milliards (52 % des bénéfices). Les intérêts versés aux épargnants sur les carnets de dépôts réglementés se limitent à 228 millions. Et cela sur base du taux de l’époque de 0,11 %, et en supposant que tout le monde a eu droit à la prime de fidélité. “Les intérêts versés aux épargnants ne représentent que 4 % des bénéfices. Les actionnaires des banques ont été 14 fois plus gâtés que leurs clients”, note Nicolas Claeys.
Les dividendes perçus en 2022 par l’État belge pour sa participation dans Belfius et BNP Paribas se montent à 760 millions, soit “trois fois que ce qu’ont perçu les clients des grandes banques en intérêts”.