Rémunération des comptes d'épargne : la hausse des taux de Belfius est "un premier pas"
Interpellé au Parlement, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem estime qu’il revient aux banques à “montrer que le marché fonctionne”. Il rejoint la position de la BNB, laquelle est contestée par plusieurs économistes.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/3794e68f-5aa0-49a3-b726-bed694fe37b9.png)
- Publié le 08-06-2023 à 17h29
- Mis à jour le 08-06-2023 à 18h01
:focal(4123x2757:4133x2747)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RG6KM2BBORDOHBKLZQXIONMHB4.jpg)
Le débat ce jeudi après-midi en séance plénière du Parlement a apporté la confirmation que les partis du centre et du centre-droit ne veulent pas d’une initiative législative sur les taux des carnets de dépôt réglementés. Le député fédéral Open VLD, Christian Leysen a été très clair quand il s’est adressé au ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). “Vous avez réveillé les banques, a-t-il dit à propos de la hausse des taux annoncée mercredi par Belfius et Keytrade, “mais une initiative législative est à éviter. On préfère des solutions où les autres banques adaptent également leurs conditions”.
Du côté de la gauche, la position est totalement différente. “Ce qu’a fait Belfius est très limité. Le travail du gouvernement n’est pas terminé”, a souligné la députée Vooruit, Melissa Depraetere. “La hausse de Belfius ne signifie pas la fin de notre action politique. Il faut légiférer”, a commenté de son côté le député Ecolo Gilles Vanden Burre. Un appel qui pourrait rester sans suite à entendre les ministres compétents.
"La dernière option à envisager"
Le ministre des Finances CD&V Vincent Van Peteghem a considéré que la hausse de Belfius et de Keytrade est “un premier pas” qui montre que le secteur a donné suite “à son appel”. C’est une “étape importante” mais “il faut aller plus loin. Il faut que les taux se rapprochent plus de ceux des conditions de marché. “C’est aux banques à démontrer que le marché fonctionne”. Il a assuré qu’il allait continuer “à mettre la pression” tout en insistant sur la nécessité “de sauvegarder la stabilité du secteur bancaire”.
La secrétaire d’État Open VLD, responsable notamment de la protection des consommateurs, Alexia Bertrand a ajouté que toute intervention devait être “la dernière option à envisager. Nous ne devons pas prendre de risque inutile avec l’épargne des gens”. Et de citer les experts de la Banque nationale de Belgique (BNB) qui ont mis en garde contre un relèvement obligatoire du taux minimum qui pourrait mettre en danger la stabilité financière du secteur. “Il est important que Belfius ne soit pas le point final. Je continue à suivre ce dossier avec la sagesse d’un éléphant”, a-t-elle assuré.
Argument de la BNB
Tout laisse donc penser que le gouvernement va s’aligner sur la position de la BNB, pourtant critiquée par plusieurs économistes. Eric Dor (IESEG School of Management) n’est pas d’accord avec l’argument de la BNB sur la vulnérabilité de certaines caisses d’épargne à une remontée limitée à 0,50 % du taux minimum (actuellement de 0,11 %). “Si c’était le cas, on serait autorisé à se demander si c’est normal qu’à cause de quelques banques dont la structure de bilan et l’exposition au risque de taux d’intérêt sont peut-être problématiques, les clients de toutes les autres banques auraient à se passer d’une augmentation du taux sur leur épargne, alors que ce serait possible sans dégât pour la stabilité financière. Le principe de la concurrence est bien sûr que normalement, les banques les mieux gérées et diversifiées, et donc à très bonne rentabilité, en profitent pour augmenter spontanément le taux qu’elles offrent sur l’épargne, de manière à attirer les clients des autres. Mais on remarque que jusqu’à présent c’est loin d’être le cas. Beaucoup de banques préfèrent augmenter leur marge d’intérêt”, note-t-il.
L’économiste Paul De Grauwe, estime quant à lui que “la BNB reprend le discours des banques”. “S’il est correct qu’en augmentant le taux d’intérêt sur les dépôts d’épargne, les banques risquent de subir des pertes substantielles, on peut en déduire que la BNB a fait défaut : elle aurait dû forcer les banques à se couvrir contre le risque de hausse des taux d’intérêt. C’est sa responsabilité comme superviseur. Personnellement je crois que la plupart des banques se sont couvertes. Penser que la profitabilité des banques risque de se détériorer de telle façon que l’on peut craindre une crise bancaire ne correspond pas à la réalité”, conclut-il.