David Dab (Microsoft Benelux) sur l'IA : "On voit qu'il se passe quelque chose, et on n'est qu'au début de la courbe"
Libre Eco week-end | Face et profil. Ce scientifique polyvalent partage une vision des évolutions technologiques.
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- Publié le 10-06-2023 à 08h08
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Dans les années’50, l’auteur de science-fiction canadien A.E. Van Vogt inventait dans son roman La faune de l’espace, les “nexialistes”, des personnes pluridisciplinaires maîtrisant le nexialisme, une science englobant les autres sciences et connaissances. Un personnage de roman, le nexialiste ? Non, en réalité, même s’il se définit avec humilité comme quelqu’un de curieux disposant de connaissances dans des domaines divers sans être un spécialiste dans l’un ou l’autre domaine, David Dab est sans doute ce qui se rapproche le plus d’un “nexialiste” comme le voyait Van Vogt.
Son travail actuel consiste à apporter à qui le demande – entreprise, start-up, association, groupe de personnes, politique – des éclaircissements, des connaissances ou des idées sur les technologies du moment, sur l’Intelligence artificielle, la cybersécurité, les calculateurs quantiques. David Dab est National Technology Officer chez Microsoft Belux. Il fait partie d’une équipe d’une cinquantaine de personnes au profil semblable.
Bien que David Dab ne vende rien, il participe à sa manière à la stratégie globale du groupe américain. Il partage avec une réelle humilité une vision qu’il qualifie de transversale. “Je ne suis pas un spécialiste de chaque matière, mais je sais mettre des ponts, relier les matières, de la géopolitique à la technologie en passant par l’environnement.” Il sait aussi poser les bonnes questions pour identifier les problèmes ou les besoins de ses interlocuteurs.
Curieux de tout
Né en 1963, c’est un sage qui a conservé la curiosité d’un enfant. “Ma maman disait que j’étais très curieux de tout”, explique-t-il. Et bon élève, avec ça ! Il enchaîne une licence en Physique à l’ULB, un premier emploi dans une start-up (Visitec, reconnaissance d’image), avant d’effectuer son service militaire comme officier de réserve dans l’infanterie.
Cette formalité accomplie, c’est le retour à l’ULB pour une thèse de doctorat en Chimie Physique. Il collabore avec Solvay et IBM, adjoint une thèse annexe en Finance. Il se souvient de ces belles années et d’un peu de temps libre qui lui a permis d’empocher un diplôme d’ébéniste en cours du soir. “J’adore aussi le travail manuel. Mais celui de bois prend énormément de temps. J’ai donc mis cette passion entre parenthèses”, explique-t-il.
Il effectue ensuite un post-doctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il passera après chez McKinsey comme consultant, travaillera pour Euroclear pour devenir CEO de Corporate Banking Lens, société conjointe entre Swift et McKinsey Solutions. Ce sera ensuite un passage dans la banque chez ING Belgique au titre de Chief Innovation Officer, avant de cofonder The Bridge dans le secteur des start-up, pour passer enfin chez Microsoft.
Ça fait pas mal de postes au final ? “Il faut savoir saisir les opportunités, ce que j’ai fait, mais en prenant chaque fois le temps de faire du très bon boulot, ce que j’ai fait aussi, dans le secteur académique comme dans celui des entreprises”, assure-t-il. Et ce poste particulier chez Microsoft ? “C’est un peu un hasard. Je connaissais mon prédécesseur et il m’a parlé de son poste qui se libérait au moment de sa retraite. J’avais vu passer une annonce sur LinkedIn, mais je ne l’avais pas ouverte… L’idée m’intéressait. C’était une opportunité, une chance, qui me permet de continue à apprendre et à valoriser mes acquis.”
Son cerveau reste grand ouvert, au point de lui donner du fil à retordre face au flux d’information. “Il a toujours sur son bureau une énorme pile de livres”, nous glisse un collaborateur de Microsoft. Lesquels recommande-t-il ? “Cela dépend à qui… Pour vous répondre, j’ai jeté un coup d’œil aux livres qui s’empilent sur ma table de chevet. Il y en a sur une foule de sujets, sur la vérité, l’histoire comparée des droits, de la justice, même chez les pirates. C’est très éclairant sur les faiblesses des cybercriminels. J’essaie de lire des livres qui traitent de problèmes fondamentaux et qui apportent des fondements solides permettant de comprendre une problématique. J’oubliais : les livres de cuisine. J’adore cuisiner.” Mais David Dab conseille surtout de flâner dans les bonnes librairies et d’y faire des découvertes “incroyables”.
La fièvre de l’Intelligence artificielle
Sans surprise, David Dab est interrogé sur l’émergence des outils d’Intelligence artificielle. Sur ce sujet aussi, il est intarissable. “On voit qu’il se passe quelque chose, et on n’est qu’au début de la courbe, avec un formidable potentiel d’amélioration, avec des implications pour la société. Pour moi, il y a une urgence pour la société à se saisir de ces questions.” Faut-il réguler l’Intelligence artificielle ? “Oui, mais sans empêcher le développement de ses aspects positifs. Et en sachant que les règles ne sont jamais appliquées que par ceux qui s’y soumettent ! Il faut donc aussi penser aux applications possibles, par exemple, par les opposants à la démocratie.”
En quelques dates :
1963 : Naissance de David Dab.
Parcours : Licence en Physique, thèse en Chimie Physique, thèse en Finance, diplôme d’ébéniste, post-doctorat au MIT. Il travaille notamment pour McKinsey, Euroclear et ING Belgique.
Avril 2021 : David Dabe est nommé National Technology Officer chez Microsoft Belux.
Conseils
Dans ses activités, David Dab est appelé à aider des organismes de formation de jeunes… Ses conseils à ces derniers ? “Être curieux, explorer, expérimenter, voyager,…” Il faut aussi, décrit-il dans sa longue liste, “développer un esprit critique, demander conseil à plein de monde”. Et faire preuve d’audace, conseille-t-il. Comment ? “Il ne faut pas hésiter à approcher des personnes a priori peu approchables. Beaucoup de personnes qui ont accumulé des expériences extraordinaires sont en réalité très accessibles et désireuses de conseiller des personnes plus jeunes.” Et puis, il faut se faire confiance. “Ne pas nécessairement accepter les conseils comme étant des vérités. Suivre sa passion et son intuition.” Du point de vue professionnel ? “Il faut se focaliser sur deux choses en même temps : le développement d’expériences et de compétences génériques qui vont rester valables sur des temps longs. Viser le développement de savoirs et compétences pointus “ici et maintenant” directement applicables sans être nécessairement pérennes. Enfin, privilégier les expériences à la croisée de plusieurs domaines.”