Qui est le champion des émissions de CO₂ au sein du Bel20 ?
KBC est en tête, selon l’ONG Oxfam, en raison de son activité de financement.
- Publié le 22-06-2023 à 08h07
- Mis à jour le 23-06-2023 à 17h31
:focal(251x158:261x148)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/PGHHTWIUG5DHTDUCSWW6B44FJM.jpg)
L’ONG Oxfam a commandé un rapport à la société Carbon4 Finance (C4F). Celui-ci porte sur les émissions d’équivalent CO₂ de quatorze entreprises du Bel 20. La société C4F compte le (très) médiatisé Jean-Marc Jancovici parmi ses actionnaires.
1. Quelle est la méthodologie ?
Selon Oxfam, C4F a pris en compte les scope 1, 2 et 3 des entreprises du Bel 20. Le scope 1 correspond aux émissions directes : par exemple, les rejets de CO₂ d’une usine ou des voitures utilisées par le personnel.
Le scope 2 correspond à l’utilisation de l’électricité : un employé qui roule en voiture électrique n’émet pas de CO₂ , mais les émissions liées à la production d’électricité sont intégrées au scope 2.
Enfin, le scope 3 représente la majeure partie de l’empreinte carbone des entreprises : les émissions indirectes, en amont et en aval. Il s’agit des émissions liées à l’utilisation des produits et services par les clients, ainsi que l’empreinte carbone des fournisseurs.
Pour une compagnie pétrolière, le scope 3 correspond à l’utilisation du diesel et de l’essence par les automobilistes. Pour Proximus, le scope 3 correspond, par exemple, à l’empreinte carbone du fabricant de modems. Mais on incorpore aussi les émissions liées à la fabrication de smartphones utilisés par les clients de Proximus. Bref, le… scope est large. Mais Oxfam défend ce choix d’inclure le scope 3. “Si on n’en tenait pas compte, cela veut dire que l’empreinte carbone d’une compagnie pétrolière se limiterait aux rejets liés à l’extraction du pétrole, à son transport et au raffinage, explique Julien Desiderio, Policy advisor chez Oxfam. Or la grande majorité des émissions a lieu lorsque les carburants sont brûlés dans les moteurs thermiques des voitures”.
Enfin, précisons que l’étude ne tient pas compte des émissions “évitées” par l’entreprise. Un fabricant d’isolants, par exemple, ne se verrait pas attribuer d’émissions négatives, grâce aux économies de CO₂ réalisées par les produits vendus à ses clients.
2. Quels sont les résultats ?
Selon Oxfam, l’empreinte carbone moyenne des quatorze entreprises s’élève à 20,84 millions de tonnes d’équivalent CO₂ par an. Cela signifie qu’en moyenne, une entreprise du Bel 20 a une empreinte carbone équivalente à celle des 3,87 millions de personnes les plus pauvres de Belgique. Par ailleurs, il y a de grandes différences entre les entreprises analysées. Ainsi, KBC atteint environ 160 millions de tonnes, contre 65 millions pour AB InBev, ou moins de 10 millions pour Colruyt. Précisons que les chiffres de KBC datent de 2017. La banque flamande a d'ailleurs calculé que son empreinte carbone était de 56 millions de tonnes d'équivalent CO2 en 2021.

3. Comment expliquer les résultats de KBC et AB InBev ?
Selon Oxfam, cette position de “leader” de KBC n’est pas une surprise. “Il a été démontré que les banques et les investisseurs jouent un rôle prépondérant dans le financement des énergies fossiles et des activités polluantes”, écrit l’ONG. Or Oxfam rappelle que l’Agence internationale de l’énergie avait tiré la sonnette d’alarme : pour pouvoir atteindre l’objectif d’un réchauffement climatique limité à 1,5 degré, il ne faut plus investir, dès aujourd’hui, dans la recherche de nouveaux gisements gaziers et pétroliers.
Mais, selon l’ONG FairFin, KBC s’est laissé le droit d’octroyer des prêts aux compagnies pétrolières intégrées (Total, Shell…) jusqu’en 2030. Or ces majors n’ont toujours pas abandonné leurs activités de recherche de nouveaux gisements d’hydrocarbures. Néanmoins, selon FairFin, la nouvelle politique de KBC est de ne pas financer de projets spécifiques d’exploration de nouveaux gisements d’hydrocarbures. “C’est une avancée, mais ce n’est pas suffisant, précise Jozef Vandermeulen, de chez FairFin. Même si KBC exclut que ses prêts soient utilisés pour l’exploration de nouveaux gisements, son apport financier peut libérer d’autres moyens permettant aux compagnies pétrolières de financer cette activité de recherche de nouveaux gisements”.
De son côté, le géant brassicole AB InBev occupe cette deuxième place en raison de sa taille et de sa présence dans de nombreux pays. Néanmoins, AB InBev a calculé que son empreinte carbone était de 27,77 millions de tonnes d’équivalent CO₂ en 2022, un chiffre en deçà des 65 millions de tonnes du rapport Oxfam.
4. L’intensité ?
Selon Oxfam, il peut aussi être intéressant de regarder l’intensité carbone d’une entreprise, soit ses émissions de carbone comparées au chiffre d’affaires. Pour l’ONG, ce classement peut alerter les investisseurs sur la pérennité du business model d’une entreprise. “L’intensité carbone montre à quel point une entreprise est vulnérable à la transition énergétique”, précise Julien Desiderio.
Dans ce classement, KBC redescend à une position moyenne, alors qu’Umicore grimpe en flèche. De son côté, AB InBev descend fortement, ce qui montre que sa seconde place était surtout liée à sa taille. Notons que la méthodologie employée exclut le bénéfice engendré par l’activité de recyclage d’Umicore.