En cinq ans, les fondateurs d’EducIT ont amorcé une “révolution numérique” dans 101 écoles du secondaire
Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem, multi-entrepreneurs, tirent les enseignements d’une opération inédite en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils ont accompagné plus de 7 000 enseignants et 25 000 élèves dans l’utilisation du numérique. Ils passent désormais la main aux différents réseaux.
- Publié le 07-07-2023 à 07h41
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Fatigués, mais surtout très fiers du résultat obtenu ! Pour Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete, deux multi-entrepreneurs bruxellois (ils comptent plusieurs start-up à leur actif), l’heure du bilan a sonné. Voici cinq ans, ces deux amis, chacun père de quatre (grands) enfants, décidaient de se lancer dans une aventure ambitieuse et périlleuse en créant EducIT. Mission de cette ASBL à impact ? Aider les écoles du secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) à rattraper leur gros retard en matière d’intégration et d’utilisation des outils numériques. “C’est génial d’avoir pu apporter notre énergie entrepreneuriale quand on voit la richesse de l’impact d’EducIT !”, dit Daniel Verougstraete. “C’est le projet dont je suis le plus fier, mais aussi le plus dur ! Il y a eu pas mal de vents contraires lors du démarrage”, ajoute Philippe Van Ophem.
Un nouveau modèle d’intégration du numérique
Nous avions rencontré les deux entrepreneurs à la veille de la première “Rentrée numérique” orchestrée par EducIT. C’était en juin 2019 et cela faisait déjà un peu plus d’un an que le duo planchait sur le projet. Le constat de ces deux ingénieurs civils, férus de mathématiques et de nouvelles technologies, était le suivant : les jeunes francophones qui terminent l’enseignement secondaire n’ont pas une maîtrise suffisante des outils et des applications numériques de base. “Malgré certaines initiatives, la Fédération Wallonie-Bruxelles est à la traîne. Il est urgent de réagir, avec pragmatisme et réalisme”, plaidaient-ils dans nos colonnes.
Entourés d’une poignée de technopédagogues et soutenus par la Fondation Roi Baudouin, les deux fondateurs d’EducIT vont bousculer les habitudes du monde politique et de l’enseignement en proposant un nouveau modèle d’intégration du numérique dans les écoles. Jusque-là, les pouvoirs publics allouaient, chaque année, un budget de plusieurs millions d’euros pour équiper les écoles en matériel informatique (infrastructure wifi, ordinateurs, écrans interactifs, etc.). Les écoles créaient des “locaux d’informatique” qui, très souvent, n’étaient pas utilisés par les enseignants et leurs élèves. Il arrivait aussi que, faute de référents numériques ou IT au sein des établissements scolaires, le matériel reste en rade suite à des pannes.
Accompagner les profs, équiper les élèves
Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem vont inverser la démarche en proposant une stratégie autour de deux axes. D’une part, former les enseignants, individuellement, à l’utilisation d’outils numériques afin d’enrichir leurs pratiques pédagogiques et favoriser le plaisir d’apprendre. D’autre part, équiper tous les élèves d’un ordinateur portable du type Chromebook (vendu autour des 300 euros). “Il était essentiel, pour nous, qu’au moins 70 % des profs d’une même école donnent leur aval pour participer au projet. Par ailleurs, il était indispensable que tous les élèves d’une même classe s’équipent du même type d’ordinateur”. Les deux fondateurs d’EducIT, sachant qu’ils mettaient les pieds sur un terrain à la fois complexe et sensible en FWB, ont aussi pris le temps de rencontrer des différents acteurs du monde de l’enseignement secondaire (directions d’écoles, enseignants, représentants des réseaux, Fondation pour l’Enseignement, cabinets ministériels, …).
"Au début, on nous prenait pour des ovnis! On s'est fait incendié par certains profs et responsables politiques, qui nous voyaient comme des fossoyeurs de l'enseignement."
Lors de la première “Rentrée numérique”, en septembre 2019, seules quatre écoles avaient répondu à l’appel d’EducIT. De quoi “lancer l’initiative, la tester et l’ajuster avant de la mettre à l’échelle”, expliquent MM.Verougstraete et Van Ophem, suivant en cela un mode opératoire “très lean” pratiqué dans le monde des start-up. “Au début, racontent-ils, on nous prenait pour des ovnis ! Il y a eu des résistances. On s’est fait incendier par certains profs et responsables politiques, qui nous voyaient comme des fossoyeurs de l’enseignement. Mais ça s’est calmé. Les différents réseaux d’enseignement nous ont suivis. La bonne surprise est surtout venue des enseignants : dans 90 % des écoles (qui ont sollicité EducIT pour participer au projet, NdlR), on a eu le soutien de plus de 70 % des profs”.
Le train est lancé
Le monde politique, de son côté, a fini par prendre ses responsabilités. Soutenue par le ministre-Président Pierre-Yves Jeholet (MR) et le ministre du Budget Frédéric Daerden (PS), EducIT va les convaincre de dégager les moyens financiers pour pérenniser le dispositif de “Rentrée numérique”. Depuis 2021-2022, un budget annuel de 15 millions d’euros permet de cofinancer la moitié de l’achat des ordinateurs portables (les parents couvrant l’autre moitié, avec l’intervention d’un fonds de solidarité en cas de difficulté) et de financer une quarantaine de technopédagogues recrutés par les réseaux d’enseignement.
En quatre rentrées numériques, EducIT a convaincu 101 écoles de l’enseignement secondaire – avec des établissements de l’enseignement général, du technique et professionnel, du libre et de l’officiel – de monter à bord de son opération. Ce qui représente plus de 7 000 enseignants et plus de 25 000 élèves (sur un total de 550 écoles et 360 000 élèves). “Aucune école n’a arrêté, se félicitent Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem. La dynamique est lancée et s’accélère même. C’est le bon moment pour les huit personnes de l’ASBL EducIT de passer la main, comme nous l’avions prévu. On part l’esprit tranquille”.