Sybille et son hôtel-restaurant aux Seychelles : "Il n’y a pas que les plages de sable blanc"
L’entrepreneuse belge Sybille Cardon mise sur la carte du tourisme durable dans son restaurant-hôtel situé à Praslin, la deuxième principale île de l’archipel perdu dans l’Océan indien. Son changement de vie a été total.
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- Publié le 20-07-2023 à 15h48
- Mis à jour le 20-07-2023 à 20h38
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Série d’été : Ces Belges qui nous dépaysent (5/5)
Certains voyages peuvent changer une vie. Lorsqu’elle débarque il y a une trentaine d’années dans l’archipel des Seychelles, Sybille Cardon ne s’imagine pas qu’elle va y bâtir sa vie. A l’époque, la Belge vient de terminer ses études. Elle est passionnée de plongée et est venue explorer ces îles perdues au cœur de l’Océan indien. Ancien repaire de pirates, l’archipel est réputé pour la beauté de ses plages de sable blanc, ses cocotiers et son océan à l’eau transparente. Bref, le paradis pour observer les tortues de mer, requins et autres poissons multicolores nageant au milieu des récifs coralliens.
Mais à la fin du siècle dernier, le voyage s’apparente encore à une véritable aventure. “Les Seychelles n’étaient pas encore une destination aussi touristique qu’elle ne l’est devenue”, se remémore-t-elle. Rapidement, Sybille tombe sous le charme des îles, de ses beautés naturelles, ses habitants et son ambiance créole. Son coup de cœur parmi les 115 îles de l’archipel, dont la majorité ne sont pas habitées ? La succulente Praslin, la deuxième plus importante des Seychelles, avec ses 7500 habitants. “Ici tout le monde se connaît”.
La jeune femme se jette à l’eau. Elle quitte sa vie confortable en Belgique pour devenir professeure de plongée, une activité qu’elle occupera durant deux ans. Mais le métier est “fatigant”. L’aventurière veut aussi élargir ses horizons et construire un avenir durable aux Seychelles. Elle lance une formule de “bed&breakfast” sur l’île. Puis arrive un nouveau tournant : un hôtel local, “Les Lauriers” est mis en vente à un prix “abordable”. Rejointe dans son projet par son compagnon, le Seychellois Edwin, l’entrepreneuse n’hésite pas une seconde. En quelques années, le couple va faire de ce vieil édifice un bijou, classé aujourd’hui parmi les meilleurs hôtels-restaurants des Seychelles.

”La vie peut être compliquée”
Plus que jamais, la Belge a pris goût à la vie sur son île de carte postale. “Oui c’est vrai quand on regarde autour de soi, c’est le paradis. Mais la vie peut y être aussi très compliquée. Surtout au niveau de la logistique, fondamentale quand vous tenez un hôtel-restaurant. Il n’y a pas des supermarchés à chaque coin de rue : il faut attendre le ferry qui vient de Mahé, l’île principale, en espérant qu’il n’a pas oublié votre commande”. Parfois le menu des hôtes des “Lauriers”-20 chambres- est fait en fonction de ce qui arrive. Le plus souvent, il est composé des thons, des marlins et autres barracudas qu’Edwin va pêcher. “Personne ne connaît les îles comme lui !”, s’enthousiasme Sybille.
Le couple a décidé de jouer résolument la carte du tourisme durable. “Nous vivons sur une petite île et nous sommes très conscients de l’empreinte écologique des aliments importés. Dans la mesure du possible, nous préférons toujours utiliser des aliments d’origine locale qu’il s’agisse de poulet, de viande ou de poisson, mais aussi de légumes et de confitures”. L’établissement avertit aussi ses futurs visiteurs : en séjournant à l’hôtel, ils prennent “la décision consciente d’être des touristes respectueux de l’environnement”.
Les ballons interdits aux fêtes
Et Sybille et Edwin de montrer l’exemple : panneaux photovoltaïques, eaux recyclées, produits d’entretien exempts de produits chimiques, organisation régulière de collecte de déchets sur les plages environnantes (200kg récoltés en moins de deux heures par une dizaine d’employés lors de la dernière récolte),… L’établissement se veut le plus vert possible. Rien n’est oublié. “Les Lauriers” ont ainsi décidé récemment de bannir les ballons au cours des fêtes de mariage et autres anniversaires qu’ils organisent régulièrement. “Il suffit de peu de choses pour que les ballons se retrouvent au mauvais endroit. Or les ballons tuent les tortues, les oiseaux de mer et d’autres espèces marines qui les prennent pour de la nourriture”.
Ce message de préserver les îles d’un tourisme de masse, Sybille Cardon le porte auprès des plus hautes instances du pays : elle est ainsi devenue la présidente de l’association du tourisme des Seychelles. Un rôle que la Belge a assumé pleinement lors de la crise du Covid qui a touché “très fortement” le pays. “De notre côté, nous venions de terminer d’importants travaux d’agrandissement et la pandémie est arrivée au plus mauvais moment”, se souvient celle qui a aussi obtenu la nationalité seychelloise. “Les Seychelles ont été l’un des premiers pays au monde à organiser une vaccination de sa population. Mais le problème était qu’il était impossible de voyager depuis les autres pays, dont l’Europe d’où viennent la majorité de nos touristes. Le bon côté des choses est qu’on a pu redécouvrir tranquillement les beautés naturelles de nos îles. Et croyez-moi, il n’y a pas que les plages de sable blanc à Praslin : l’intérieur des terres est vallonné et magnifique”. L’établissement organise ainsi quotidiennement des randonnées et autres excursions hors des sentiers battus pour ses visiteurs.
Si les Seychelles, dont la majorité des revenus dépendent du tourisme, voit le bout du tunnel de cette longue crise du Covid, Sybille Cardon constate toutefois encore un manque. Plus aucune compagnie aérienne ne propose ainsi de vols directs entre l’Europe et les Seychelles, comme le faisait par exemple Air France auparavant. “Par contre, il y a de plus en plus de compagnies et des touristes venus du Golfe persique qui arrivent ici”.
Quoi qu’il arrive, la propriétaire envisage de rester encore de nombreuses années dans son paradis. “On revient encore avec plaisir en vacances en Belgique, mais mes trois enfants sont plus Seychellois que Belges et envisagent de vivre ici après avoir effectué des études à l’étranger”. La famille ne cesse de s’agrandir : Sybille et Edwin possèdent huit tortues d’Aldabra, les plus grandes tortues terrestres au monde.
