Impôts, évasion fiscale... : la Commission européenne propose de revoir la fiscalité des entreprises
Une entreprise belge, active aux Pays-Bas via un établissement stable, ne devrait plus rendre des comptes au fisc néerlandais.
- Publié le 12-09-2023 à 19h42
- Mis à jour le 12-09-2023 à 20h27
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La Commission européenne a dévoilé, ce mardi, une série de propositions en matière fiscale. Celles-ci pourraient avoir des répercussions sur les PME, mais aussi les multinationales. Notons qu’il ne s’agit, à ce stade, que de propositions.
1. Soutien à l’expansion internationale
Aujourd’hui, une PME belge qui étend ses activités aux Pays-Bas doit rendre des comptes au fisc belge, mais aussi au fisc néerlandais. La proposition de la Commission, si elle devait être suivie, pourrait modifier la donne.
Ainsi, la Commission propose qu’une entreprise belge puisse ouvrir un établissement stable aux Pays-Bas, sans devoir rendre des comptes au fisc néerlandais. L’entreprise belge enverrait une seule déclaration fiscale, en Belgique, selon les règles en vigueur chez nous. Le fisc belge, quant à lui, partagerait la déclaration fiscale avec le fisc néerlandais. Et, le cas échéant, c’est le fisc belge qui verserait une partie de l’impôt dû au Trésor néerlandais.
2. Pourquoi cette réforme ?
Selon la Commission européenne, les PME consacrent une part importante de leur chiffre d’affaires au respect de leurs obligations fiscales : frais d’avocats, de comptabilité… Ainsi, les PME affecteraient 2,5 % de leur chiffre d’affaires en tax compliance, contre seulement 0,7 % pour les grandes entreprises. En permettant aux PME de ne traiter qu’avec une seule administration fiscale, la Commission européenne espère donc réduire ces coûts.
Notons que cette simplification ne serait possible que pour les PME disposant d’un établissement stable dans un autre État membre de l’UE. Si une PME belge ouvre une filiale aux Pays-Bas, plutôt qu’un établissement stable, elle devrait toujours rendre des comptes au fisc néerlandais. Un établissement stable n'a pas de personnalité juridique propre et a moins d'autonomie qu'une filiale.
3. Réduire l’évasion fiscale
Actuellement, une partie importante du commerce international concerne l’échange de biens et services entre filiales d’un même groupe multinational. Normalement, les filiales d’un même groupe doivent se facturer ces biens et services au prix du marché. La multinationale doit en effet respecter des règles dites de prix de transfert.
Néanmoins, la manipulation des prix de transfert est reconnue comme un moyen de faire de l’évasion fiscale. Prenons le cas d’un géant américain du numérique, dont la propriété intellectuelle est enregistrée en Irlande. En surfacturant l’utilisation de cette propriété intellectuelle, la filiale irlandaise pourrait faire remonter de l’argent en provenance de Belgique, de France, d’Allemagne… Or on sait que la fiscalité irlandaise est douce et qu’il est donc plus intéressant que l’argent soit taxé là-bas qu’ailleurs en Europe.
La Commission européenne souhaiterait harmoniser les règles de prix de transfert au sein de l’Union européenne, à partir de 2026. Ce qui permettrait, selon elle, de réduire la manipulation des prix de transfert et l’évasion fiscale. Le but est aussi de diminuer le nombre de litiges autour de ces prix de transfert.
Mais, selon un fin observateur de la chose fiscale, cette proposition pourrait aussi faciliter la vie de la DG concurrence, dans ses combats contre l’évasion fiscale. “Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, a perdu plusieurs procès, notamment face à Apple et à Amazon, explique notre expert. Or elle avait attaqué ces géants, notamment pour manipulation des prix de transfert. Mais la Cour de justice de l’UE avait donné raison à Apple et Amazon car les règles sur les prix de transfert ont été adoptées au niveau de l’OCDE. Elles ne relèvent donc pas du droit européen. En introduisant ces règles dans le droit européen, la DG concurrence pourrait plus facilement s’attaquer à Apple, Amazon en cas de manipulation des prix de transfert.” Rappelons que la fiscalité est une matière qui requiert l’unanimité des États membres. Il se pourrait donc que des pays comme l’Irlande n’acceptent pas ce changement.
4. Pas d’harmonisation de l’impôt des sociétés
Étant donné cette règle de l’unanimité, la Commission européenne a abandonné l’idée d’harmoniser la fiscalité des entreprises. Néanmoins, elle a proposé, ce mardi, un changement en cette matière. L’idée de la Commission européenne est d’obliger les groupes actifs dans plusieurs États membres à consolider leurs résultats. Une fois consolidée, cette base taxable serait répartie dans les différents États membres où le groupe est actif. Mais l’État membre pourrait continuer à taxer, comme il le souhaite, la base taxable qui lui revient. Notons que cette consolidation serait obligatoire pour les groupes, à partir d'un chiffre d'affaires de 750 millions d'euros.
Le plus surprenant réside dans la manière de répartir la base taxable de la multinationale entre les pays de l’UE. Au départ, on pensait que les bénéfices seraient répartis selon les ventes réalisées dans chaque pays. Finalement, la répartition se fera sur une base historique. “On manque l’occasion de répartir les bénéfices des multinationales selon l’activité réelle dans chaque pays, ajoute notre source. Mais, selon moi, cette façon de faire aurait subi un veto. À partir du moment où un changement entraîne des gagnants et des perdants parmi les États membres, il n’a aucune chance d’être adopté à l’unanimité.”