"S’il y a une crispation politique, cela pourrait aggraver la situation": Apple, bousculé par la Chine et l'Europe, en danger ?
Le bannissement des appareils américains pour les fonctionnaires en Chine pourrait bousculer le géant de la tech, qui vient de tenir sa keynote de rentrée.
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- Publié le 13-09-2023 à 07h44
- Mis à jour le 13-09-2023 à 10h28
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Keynote, keynote, keynote…. Les conférences d’Apple s’enchaînent. Peut-être trop. Mais celle tenue mardi soir a un parfum particulier.
D’abord, parce qu’Apple a enfin accepté d’adopter le chargeur USB C et abandonner son célèbre branchement Lightning. Au grand dam des fans inconditionnels d’Apple mais qui devrait réjouir les autres consommateurs. Fini les “t’as un chargeur iPhone ?” souvent suivis d’un “non” au bureau ou ailleurs.
Le nouvel iPhone 15 est donc le premier modèle à être équipé de la connectique déjà étendue à tous les appareils Android, Apple préférant ne pas attendre la deadline de la Commission européenne, fixée à décembre 2024, pour s’y soumettre.
Ensuite parce que l’entreprise est touchée par les restrictions chinoises. L’État chinois a effectivement décidé d’interdire l’utilisation d’appareils mobiles étrangers à ses millions de fonctionnaires sur leur lieu de travail. Notons qu’Apple n’en est pas la seule victime, mais cela reste un coup symbolique dur pour la marque à la pomme. Selon Nicolas Arpagian, vice-président de Headmind Partners, cabinet de conseil en cybersécurité, c’est potentiellement une réaction à la récente interdiction de TikTok pour les employés d’institutions dans différents États américains et en Europe, et non au bannissement de Huawei d’Android, qui remonte déjà à 2019. “Les ripostes sur le terrain des guerres commerciales sont souvent simultanées. Ce n’est pas le cas ici”, raisonne-t-il. Mais cela fait partie de “l’affrontement sur le temps long” entre la Chine et l’Occident, selon lui.
Affrontement technologique et géopolitique
”Inévitablement, cela va se retrouver dans les chiffres. Mais est-ce que c’est une fragilité pour Apple ? Difficile de le savoir pour le moment. S’il y a une crispation politique qui devait s’accentuer et une convergence avec les aspects économiques, cela pourrait aggraver la situation. On l’a vu par le passé avec l’interdiction du port des montres de luxe en Chine. Il y avait eu une adhésion de la part de la population et un vrai poids [du jugement] social, ce qui avait eu des répercussions sur les ventes pour les marques de luxe. On ne connaît pas ce genre d’adhésion par la population en Occident”, ajoute-t-il.
”Cette interdiction est une illustration supplémentaire du rôle politique de la technologie. C’est un terrain d’affrontement où les acteurs du numérique deviennent des acteurs géopolitiques”, ajoute-t-il.
”Les entreprises préfèrent la sérénité, elles sont un peu victimes de ces tensions. Et forcément, les marchés pénalisent ce manque de lisibilité”, poursuit-il, en réponse à la récente chute de plus de 6 % en Bourse d’Apple, lui faisant perdre plus de 200 milliards de dollars de capitalisation boursière. Nuançons néanmoins : sur un an, le cours de l’action a pris plus de 8 %.
Plusieurs tensions sur les marges
Les ventes de smartphones se tassent. Toutes marques confondues. Que ce soit par conviction écologique pour certains ou en raison de la multiplication des évolutions considérées comme “gadgets” pour d’autres, les constructeurs peinent à convaincre. En particulier dans un monde où l’inflation exceptionnelle en 2022 a pesé sur le pouvoir d’achat et continue d’inquiéter les consommateurs.
Ensuite, il ne faut pas oublier qu’Apple tire près de 20 % de ses revenus du marché chinois. Une interdiction partielle n’est donc pas une bonne nouvelle, d’autant plus que ses parts de marché ont chuté de près de 10 points de pourcentage entre 2021 et 2022, pour atteindre environ 15 %, la firme de Cupertino étant bousculée par les nombreux acteurs chinois très compétitifs sur ce marché.
Reste à voir si des mesures pourraient être prises par l’Empire du Milieu sur les sites chinois de production d’iPhone, via le sous-traitant Foxconn (qui est, lui, originaire de Taïwan, une île au centre d’autres tensions géopolitiques avec la Chine).
Enfin, s’ajoute à ce cocktail un contexte économique tendu en Chine, qui connaît une croissance inférieure aux attentes, de quoi potentiellement inquiéter les investisseurs.
Mais Apple, avec la vente de montres connectées et autres appareils “intelligents” en croissance, pourrait tirer son épingle du jeu et potentiellement surprendre. Reste à convaincre les consommateurs. Et à respecter sa promesse faite mardi soir de la "neutralité carbone" d'ici 2030.
Abandon du port Lightning au profit de l'USB C
Les utilisateurs d’iPhone et autres tablettes vont devoir s’y faire, Apple abandonne son chargeur Lightning au profit de l’USB C, comme l’exige la Commission européenne, qui planche sur cette volonté de chargeur universel depuis… quinze ans. Objectif ? Limiter le nombre de chargeurs différents afin de limiter la quantité de déchets électroniques dans l’Union, évaluée actuellement à 11 millions de tonnes par an. Outre la “défaite” technologique, alors qu’Apple défendait les caractéristiques techniques de ses chargeurs Lightning (plus fins, ne retenant pas la poussière, etc.), cela risque de peser sur ses marges, alors que la marque à la pomme vend ses chargeurs à des prix généralement plus élevés que les chargeurs standards. Par exemple, si l’on passe par le site officiel, pour la prise chargeur et le câble, le prix monte à près de 50 euros, là où un chargeur USB C basique tourne autour de dix euros, voire 20 pour un chargeur rapide. De quoi rogner les recettes du groupe, déjà sous pression.