Air Belgium arrête ses vols passagers : quid de l’argent public investi et quel remboursement pour les 20 000 passagers lésés ?
La compagnie aérienne wallonne entre en procédure de réorganisation judiciaire (PRJ), ce qui relance les spéculations sur son avenir. La Région wallonne a investi près de 20 millions d’euros dans le projet.
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- Publié le 18-09-2023 à 17h36
- Mis à jour le 18-09-2023 à 18h01
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La décision était dans l’air du temps. Jamais vraiment rentable sur ses lignes “passagers”, la compagnie wallonne Air Belgium a décidé d’arrêter l’hémorragie. Le transporteur aérien axera désormais son développement exclusivement sur le fret (cargo) et l’ACMI (l’affrètement d’avions pour d’autres compagnies aériennes) “qui lui offrent des perspectives de croissance”. Elle entre aussi en procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) , ce qui relance les spéculations sur son avenir. Tous les vols passagers d’Air Belgium sont annulés à partir du 3 octobre prochain. La compagnie belge volait encore vers l’île Maurice et l’Afrique du Sud (Johannesbourg et Le Cap) et desservait 38 autres destinations africaines grâce à un partenariat avec la compagnie Airlink. Retour sur un parcours compliqué.
1. Air Belgium risque-t-elle la faillite ?
Fondée en 2016 par Niky Terzakis, l’ancien directeur général de TNT Airways, le parcours d’Air Belgium n’a jamais été un long fleuve tranquille. “C’était un projet foireux dès le départ”, explique un connaisseur du secteur qui n’a jamais cru à ce modèle hybride de la compagnie, à la fois cargo, passagers et affrétant ses avions et équipages à d’autres compagnies (ACMI). Au niveau de l’activité “passagers”, il est vrai que le projet n’a pas eu une route très rectiligne. A ses débuts, Air Belgium a relié Charleroi à Hong-Kong, avant de s’envoler vers les Antilles, puis l’Afrique du Sud et l’île Maurice depuis Zaventem. On a aussi évoqué des projets vers Miami et Kinshasa. Bref, Air Belgium est partie loin, au sud, à l’est et à l’Ouest, mais jamais très longtemps. De quoi faire perdre la boussole à des passagers qui sont pourtant restés très longtemps fidèles à la compagnie de Mont-Saint-Guibert.
Différents facteurs expliquent cet échec sur le créneau passagers, dont l’épidémie du Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation et la forte concurrence, notamment des compagnies françaises vers les Antilles. De manière plus générale, avec des prix élevés du pétrole, rares sont les compagnies aériennes qui arrivent à survivre sans être intégrées dans un groupe, comme l’est par exemple Brussels Airlines dans le groupe allemand Lufthansa. “Air Belgium n’a pas la taille critique pour survivre”, poursuit ce connaisseur. Attention, la compagnie wallonne n’est pas morte. “La PRJ vise à assurer la pérennité de la société et en aucun cas l’entité juridique n’est vouée à être impactée”, précise Air Belgium qui désire se recentrer sur ses deux activités rentables, le fret et l’ACMI, tout en gardant ses 500 employés au travail.
2. Les passagers vont-ils se faire rembourser ?
Air Belgium va continuer ses vols depuis Zaventem vers l’Afrique du Sud (Le Cap et Johannesbourg) et l’île Maurice, ses destinations passagers “restantes” jusqu’au 3 octobre prochain. Les vols retour seront pris en charge par la compagnie, en propre ou par le biais d’autres compagnies aériennes. La situation est moins claire pour les 20 000 voyageurs ayant réservé leurs vols après l’arrêt des vols passagers d’Air Belgium. La compagnie parle d’ailleurs au conditionnel.” Les vols programmés après cette date (du 3 octobre) et déjà payés par les voyageurs seraient annulés et seraient prioritairement remboursés dans le cadre de la procédure”, explique la compagnie.
Mais ces voyageurs lésés ont-ils vraiment des chances d’être remboursés ? Le passé ne plaide pas en leur faveur : en cas de faillite de compagnie aérienne, les clients ne sont que très rarement considérés comme créanciers prioritaires par les tribunaux. “Ils sont souvent en fin de liste”, confirme Test-Achats qui réitère sa demande d’introduire une assurance obligatoire contre l’insolvabilité financière pour les compagnies aériennes, comme cela existe pour les voyages à forfait. Mais on n’en est pas là et Air Belgium entend tout faire pour rester en vie. Ce qui est déjà acquis, c’est que ces passagers lésés ne pourront pas obtenir les indemnités – qui auraient été de 600 euros par passager sur ces vols longue distance prévues par le règlement européen, Air Belgium les ayant prévenus de ces annulations plus de deux semaines avant. Concrètement, Test-Achats demande à ces passagers d’être patients, ce type de procédure judiciaire pouvant durer plusieurs mois. “Les personnes doivent attendre la notification de l’annulation officielle de leur vol, contacter la compagnie et demander quand et comment ils seront remboursés”, explique l’association de défense des consommateurs. Si nécessaire, ils doivent exiger également la somme par lettre recommandée et en cas de faillite ultérieure, présenter leur demande au curateur”.
3. L’argent public va-t-il s’envoler ?
Cette entrée en procédure judiciaire est une claque pour la Wallonie et sa politique d’investissement. La Région, via ses outils de la Sogepa et de la SRIW aujourd’hui réunies sous l’organisme Wallonie Entreprendre, est toujours actionnaire de la compagnie. À la fin de l’année dernière, les organismes publics étaient intervenus, en prolongeant certains délais de remboursement pour éviter une faillite de la compagnie wallonne. Le Fédéral s’y est aussi mouillé, à un moindre degré, via le SFPI, le fonds public d’investissement. Quel montant d’argent public a été dépensé depuis le début de l’aventure Air Belgium ? Via ces différents organismes, la Wallonie a investi 15,7 millions d’euros en capital, 1,8 million d’euros en prêts et 3,5 millions en garanties. Un montant qui disparaîtra en grande partie en cas de faillite. Notons que la Région n’avait plus mis de l’argent dans la compagnie depuis deux ans. D’après nos informations, elle ne compterait plus y investir. Le futur de la compagnie dépendra aussi fortement de son important actionnaire minoritaire (49 % des actions), le groupe chinois Airport Hongyuan Logistics. Reste à savoir ce que les Chinois voudront faire d’Air Belgium.