Bernard Tapie, un entrepreneur acharné qui a fait couler la plupart de ses acquisitions
Eco$tory | Le Français aux milles et unes vies a racheté bon nombre d’entreprises. Seulement, le succès n’a été que très peu au rendez-vous.
- Publié le 18-09-2023 à 14h30
- Mis à jour le 18-09-2023 à 16h23
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”Nanard”, “Boss”, “Zorro”, “Saint-Bernard des canards boiteux”, Bernard Tapie a eu de nombreux surnoms au cours de sa vie. Il faut dire que quand le self-made-man français s’intéressait à quelque chose, il ne passait jamais inaperçu. Sa vie, aussi invraisemblable que bankable, est dépeinte dans la nouvelle série Netflix, sobrement appelée “Tapie” et disponible depuis mercredi dernier sur la plateforme.
Décédé il y a bientôt deux ans (le 7 octobre 2021), l’homme d’affaires et politique a connu des victoires, mais aussi un tas de défaites dans sa carrière entrepreneuriale. À commencer par ses premiers pas en tant qu’entrepreneur. En 1966, il ouvre son propre magasin d’équipements pour la maison, Cercle no 1, qui coule après quelques années.
À partir de 1980, Bernard Tapie se lance dans le vaste monde du rachat d’entreprises en dépôt de bilan. Et ce qu’on peut dire, c’est que le succès n’est pas toujours au rendez-vous.
"Je n'arnaque personne. J'arrive quand les entreprises sont à l'agonie, quasiment mortes, et qu'elles ne trouvent pas de repreneurs. Je ne dis pas aux salariés que je suis là pour toujours. Moi je redresse."
Des rachats et… des dépôts de bilan
Parmi toutes les sociétés reprises par Bernard Tapie, les secteurs d’activité sont riches et variés. Chaîne de magasins bio, marque de vêtements de sport, fabricant de balances… l’entrepreneur ratisse large. Mais un point commun le rassemble : la faillite est proche. C’est donc en position de sauveur que le Français se lance dans la reprise de celles-ci. Parfois pour le pire.
À commencer par Manufrance, première société de vente par correspondance de l’Hexagone. Rachetée en 1980 par “Nanard”, l’entreprise se trouve en liquidation judiciaire six ans plus tard. Durant son temps à la tête de la firme, l’entrepreneur propose un plan de restructuration mais qui est refusé par les syndicats et les élus locaux.
Toujours en 1980, c’est au tour de la chaîne de magasins bio La Vie Claire et de ses 250 boutiques d’être reprise par le Groupe Bernard Tapie (GBT) pour… un franc symbolique. Mais si l’image de la société est au beau fixe en 1985 et en 1986, lorsque Bernard Hinault, puis Greg LeMond, remportent le Tour de France cycliste sous ses couleurs, ce n’est que de l’image. En parallèle, les magasins ferment à la chaîne.

Entre-temps, Bernard Tapie achète une autre société pour un unique franc : Terraillon. Le fabricant de balances ne tient pas longtemps après le rachat de l’entrepreneur en 1981 puisqu’après deux ans, l’entreprise constate une perte de 18,6 millions de francs et voit son personnel divisé par cinq. Un triste bilan qui se reflète aussi dans une autre société de pesage, Testut, rachetée par Tapie en 1983 et mise en liquidation quelques années plus tard. Avec un énorme coup dur pour le Français, puisque sa gestion musclée de l’entreprise lui coûte une condamnation en justice pour abus de bien sociaux en 1996.
L’art de rebondir
Si les échecs sont nombreux, d’autres rachats constatent un bilan plus nuancé, voire positif. Même si cela dépend pour qui. En 1984, Bernard Tapie reprend les rênes du fabricant de piles Wonder. En difficultés après l’arrivée de la pile alcaline dans les années 70, Tapie s’engage à relancer la société. Un tour de force que l’entrepreneur réussit puisque l’action gagne plus de 560 % en Bourse. Mais non sans sacrifice. En effet, l’homme d’affaires doit fermer plusieurs usines et se débarrasse d’environ 600 employés. Pas de quoi émouvoir Nanard qui revend l’entreprise cinq ans plus tard à l’ancêtre d’Energizer, le groupe américain Ralston Energy Systems, avec une plus-value de 480 millions de francs.
Là où Bernard Tapie connaît une vraie réussite, c’est bien avec la société Look. L’entreprise qui conçoit des fixations de skis et autres accessoires de vélo connaît un succès énorme durant son temps sous la direction de Tapie (1983-1989), notamment grâce à la conception de pédales de sécurité. Cette dernière production permet d’ailleurs à Bernard Hinault d’emporter son dernier Tour de France.
Adidas et les médias
”L’affaire de sa vie” affirme Bernard Tapie lors du rachat du géant sportif Adidas. Mais si l’entreprise connaît un succès certain ces dernières années, on était loin du compte en 1990. Sans argent, l’homme d’affaires français réussit à convaincre la banque de couvrir son rachat pour 1,6 milliard de francs. Ambitieux au départ, le rêve de relance du Français ne se produit pas les premières années. Son plan de restructuration, délocalisant notamment une partie de la production en Asie, ne porte ses fruits qu’en 1993, année de revente de la société au Crédit Lyonnais et de prise de fonction de Bernard Tapie en tant que ministre.
Le dernier grand coup entrepreneurial pour Tapie survient en 2012, lorsque ce dernier devient patron de presse. Le holding GBT reprend le groupe Hersant, propriétaire des quotidiens La Provence, Var-Matin, Corse-Matin, Nice-Matin et quelques autres journaux antillais. Un groupe qui est d’ailleurs partagé avec le belge Nethys en 2015, celui-ci détenant 11 % des parts. Ce dernier statut de chef de presse sera le dernier que connaîtra Bernard Tapie puisqu’il occupera son poste jusqu’à sa mort, mettant ainsi un terme à une vie remplie de hauts et de bas sportifs, entrepreneuriaux et politiques.