Permis d’urbanisme : Bruxelles crée une "fast lane" pour les logements sociaux
La Région est en quête de 650 logements sociaux, moyens ou modérés. Elle en appelle aux promoteurs et aux particuliers.
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Publié le 27-01-2021 à 12h52 - Mis à jour le 27-01-2021 à 15h15
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Le défi est de taille pour la Région de Bruxelles-Capitale et pour la SLRB, sa société de logements : acquérir, d’ici 2024, 650 unités destinées à du logement social, moyen ou modéré. "Au minimum et sans compter les projets déjà identifiés", insiste la secrétaire d’État Nawal Ben Hamou (PS), entre autres chargée du Logement, "Il n’y a pas de temps à perdre."
À peine trois semaines après avoir présenté leur Plan d’urgence logement (PUL), ses services ont lancé un appel d’offres public - il a été publié mercredi - à destination des professionnels du secteur (promoteurs, entrepreneurs…), mais aussi des particuliers. Car pour atteindre, voire dépasser ce chiffre de 650 unités, la Région compte balayer large. Ce n’est d’ailleurs pas le seul appel qui est programmé. Il y en aura d’autres. "Il y a urgence", ajoute-t-elle, ‘car, selon ce qui a été réalisé ou entamé, on ne sera, au 31 mai 2024, qu’à 68 % du taux de réalisation des objectifs pointés il y a 16 ans (8 000 logements, NdlR)."
Un budget conséquent
Pour inciter les privés à lui faire offre, la Région se devait de débloquer certains freins à la production de logements et d’alléger certaines règles imposées à la SLRB. "Ce qui a été fait en concertation avec le secteur privé, l’Upsi (Union professionnelle du secteur immobilier) et la Confédération Construction", poursuit Nawal Ben Hamou. "On est dans une opération win-win, car si cet appel comble nos besoins en logements, il relance également le secteur de la construction." Celui-ci sera d’ailleurs convié à un webinaire sur le sujet.
"S’il y a allègement des règles, ce n’est pas dans le qualitatif", insiste Yves Lemmens, directeur de la SLRB. "Ni pour le bâtiment, ni pour son environnement. Le social ne doit pas être un parent pauvre. Il doit s’intégrer dans un tissu résidentiel et bénéficier d’infrastructures diverses et variées pour maintenir une cohésion (crèches, écoles, plaine de jeux, salles de sport, espaces communautaires, espaces verts…)." Pas d’assouplissement non plus en termes de prix puisque toute offre qui intéresserait la SLRB sera évaluée et valorisée par le Comité d’acquisition d’immeubles de la région (Cair). Néanmoins, sachant quelle est l’ampleur du défi, la Région a accepté d’y accorder un budget conséquent : près de 130 millions sur quatre ans.
Déblocages et allègement des règles
En pratique, pour obtenir ces 650 logements, la SLRB ouvre la porte à trois grands modèles pour lesquels des blocages ont sauté : l’acquisition en clé-sur-porte d’immeubles construits, en cours de construction ou non encore construits mais ayant obtenu un permis ; la réservation ferme de projets à développer ; et l’acquisition classique de biens sur le marché existant (terrains à bâtir, immeubles à occuper, rénover, réaffecter, reconvertir…).
Premier déblocage, l’appel d’offres vaut pour l’ensemble du territoire de la Région, plus seulement pour les onze communes prioritaires ciblées dans le passé. "Notamment parce que certaines communes sont loin du quota de 15 % de leur parc en logement social qui leur est imposé", détaille la secrétaire d’État. Deuxième changement : pour intéresser un plus large éventail de privés, plus petits notamment, et pour favoriser la mixité dans les quartiers, la Région autorise désormais la SLRB à regarder des projets de douze unités de logements minimum (contre 50 auparavant), qui peuvent toutefois s’inscrire dans de plus grands développements, tout en évitant les grandes tours ghettos.
Minimum 30 % de grands logements D’emblée, la SLRB espère accueillir des offres de biens déjà construits ou en cours, proposées par des promoteurs désireux de vendre leur réalisation en bloc ou ayant besoin de liquidités pour se lancer sur une autre opération, par exemple. "Le clé-sur-porte est plus rapide", confirme Nawal Ben Hamou. "Depuis le début de la législature (mai 2019), ce système nous a déjà permis d’acquérir 398 logements." "Il n’y a pas de mise en concurrence entre les différents projets, ce qui veut dire que la réglementation sur les marchés publics ne s’applique pas, gain de temps à l’appui", ajoute Yves Lemmens. "On achètera ce qui nous semble bon, en termes de composition, de normes habitables, de prix correspondant au marché… quitte à ce que cela varie un peu par rapport à nos standards." Avec néanmoins deux garde-fous : l’immeuble doit contenir au minimum 30 % de grands logements (trois chambres et plus) et 5 % accessibles aux personnes à mobilité réduite.
De quoi gagner 200, voire 300 jours
Mais cette offre concrète ne suffira pas. Le temps étant compté, c’est également sur ce facteur que la Région a joué pour stimuler les projets de développement. "Pour peu que des projets immobiliers comptent au minimum 25 % de logements sociaux, les délais d’obtention des permis seront raccourcis", note le directeur de la SLRB. "Cette ‘fast lane’permet de gagner 200 jours." Et même 300 (de 400 à 95), en tenant compte de la diminution de la taille des projets évitant l’étude d’incidence. "Mais nos critères d’environnement restent impératifs, avec la présence d’équipements de base (commerces, transports en commun, écoles…) dans un rayon de deux kilomètres." "La précision est importante", ajoute la secrétaire d’État, "car c’est au promoteur d’amener le foncier. Comme le public, les privés sont confrontés à un manque de foncier, mais on pense qu’ils sont davantage proactifs." "Pour les encourager à faire offre, la SLRB s’acquittera d’ailleurs du prix par tranches d’avancement, plutôt que seulement à la réception", précise M. Lemmens, ouvrant ainsi la porte à des acteurs moins grands, n’ayant pas la capacité d’avancer de tels fonds.
Quelle que soit la formule d’acquisition qu’ils proposeront à la SLRB, ils ont jusqu’au 27 avril inclus pour faire offre. S’ils ne sont pas prêts, d’autres appels d’offres suivront. Qui seront peut-être adaptés en fonction de la réussite du premier qui vient d’être lancé.
L’avis des privés : “Le public s'offre une dérogation pour les seuls logements qui l’intéressent”
Cet appel d’offres lancé par la SLRB est largement applaudi par le secteur privé qui avait été convié à participer au processus, nombre de ses suggestions ayant abouti. “Nous avions notamment insisté sur la taille des projets et sur le paiement par tranches”, indique Pierre-Alain Franck, administrateur à l’Upsi (Union des professionnels
de l’immobilier). “Mais au-delà, cela montre que la collaboration peut fonctionner, signe d’un changement de mentalité.” “C’est du win-win”, ajoute-t-il, “ le promoteur sachant quel est le programme souhaité par la Région et pouvant s’y adapter. Même s’il ne sait encore rien sur le prix…” Si Pierre-Alain Franck apprécie le principe de la ‘fast lane’, tant les délais sont terriblement longs et lourds à supporter, il ne peut s’empêcher de trouver qu’il est dérangeant.
“La Région se rend compte que les procédures pour l’obtention d’un permis sont trop longues. Mais au lieu de les changer, d’engager du personnel, elle s’offre,
en quelque sorte, une dérogation pour les seuls logements qui l’intéressent (le logement social), laissant tous les autres… dans la ‘muise’.”