Le plan de rénovation du bâti bruxellois est “une bombe à retardement”
Antoine Defrenne, juriste de formation et portfolio manager à la Régie des Bâtiments, s’est penché sur la stratégie de rénovation du bâti existant en Région de Bruxelles-Capitale aux horizons 2030-2050. Son analyse est très critique.
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Publié le 14-04-2021 à 09h43 - Mis à jour le 15-04-2021 à 12h34
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Dans le cadre du mémoire qu’il a rédigé au terme de l’Executive Master Immobilier (EMI) qu’il a suivi à l’Université Saint-Louis, Antoine Defrenne, juriste de formation et portfolio manager à la Régie des Bâtiments, s’est penché sur la stratégie de rénovation du bâti existant en Région de Bruxelles-Capitale aux horizons 2030-2050.
Son analyse est très critique.
Pourquoi avez-vous eu l’idée de prendre ce sujet comme mémoire ?
J’ai estimé que ce plan stratégique de rénovation du bâti est une bombe à retardement alors que personne n’en parle. À la défense de mon mémoire, il y avait un membre du cabinet du ministre Alain Maron en charge de la réalisation du plan stratégique. Entre les lignes, il m’a donné raison sur les lacunes du plan, sur l’absence de budget pour le réaliser. Cela m’a paru un aveu de faiblesse incroyable. Ce texte, inapplicable, est avant tout un coup de com’. D’ailleurs, rien n’est mis en place pour l’implémenter en ordonnances contraignantes. Or, cela fait deux ans que le texte a été voté.
Ces mesures vous paraissent impossibles à financer tant pour la Région bruxelloise que pour de nombreux propriétaires…
De ce que j’ai lu dans la presse, la Région finance jusqu’à 70 % de la rénovation quand le ménage gagne moins de 2 500 euros nets par mois. Il faut m’expliquer qui fera des travaux de 20 000 euros, même subsidiés à 70 %, avec de si faibles revenus. Ce n’est pas finançable. Il y a toujours une quote-part qui reste à charge du propriétaire. N’ayant pas les moyens de financer leurs travaux, des propriétaires pourraient être obligés de vendre leurs biens. C’est une bombe sociale.
En plus, lorsque le propriétaire demande des primes, son revenu cadastral est revu à la hausse et, dès lors, aussi le précompte immobilier. Dans mon mémoire, j’évoque aussi la hausse d’impôt qui sera engendrée pour financer les aides.
Vous mettez aussi en doute le coût estimé des travaux de rénovation, trop bas selon vous…
Une estimation reste une estimation. Par contre, il est certain qu’en janvier et février, il y a eu une hausse des prix des matériaux de l’ordre de 20 à 40 %. Cette hausse va perdurer. D’autre part, il y a le coût de la main-d’œuvre, en hausse et de plus en plus rare. Un entrepreneur m’expliquait récemment que le gouvernement polonais a mis en place une série de mesures du type hausse des allocations familiales et amnistie fiscale pour limiter l’exode des travailleurs. Il y a donc de moins en moins de Polonais disponibles, qui composent la main-d’œuvre étrangère la plus qualifiée.
Au-delà de la question des coûts, affirmer qu’il y aura un retour sur investissement en 30 ans grâce aux économies d’énergie est complètement faux. Tout d’abord, croyez-vous qu’un particulier réfléchit sur une période de 30 ans ? Cela me semble beaucoup trop long. Pour calculer le retour sur investissement, j’ai pris la facture moyenne d’un ménage avec deux enfants et deux adultes.
Et j’ai regardé quelle économie il fallait faire pour récupérer les 60 000 euros à investir pour rénover la maison. Il faut arriver à une facture de moins de 50 euros ou 60 euros par mois, ce qui est impossible. C’est d’autant plus irréaliste qu’on est en train de promouvoir l’électrique. Pour cela, il faudra augmenter le nombre de bornes électriques et donc renforcer le réseau. Ce qui veut dire que les coûts de réseau vont exploser. Or, deux tiers de la facture d’énergie sont des taxes, des frais de réseau et de transport.
La Belgique ne doit-elle pas prendre des mesures coercitives pour lutter contre le réchauffement climatique ?
En effet, il faut agir au niveau des États, des entreprises et aussi des citoyens. Dans les mesures du plan, tous les cinq ans, il faut avoir réalisé une des recommandations pour améliorer le PEB. Je propose deux systèmes alternatifs. Un, on pourrait s’inspirer de ce qu’a fait la Flandre avec la dépollution des sols. Elle n’oblige pas tout le monde à dépolluer au même moment, préférant tenir compte de moments clé. On pourrait lier l’obligation de rénovation à un moment clé comme la vente du bien ou l’octroi d’un permis. Cela permet de lisser dans le temps l’investissement.
Seconde solution : une taxe sur base du niveau de consommation. C’est ce que fait Vivaqua avec la consommation d’eau à Bruxelles.