Prix et transactions records : pourquoi l'immobilier est-il en surchauffe ?
Le baromètre immobilier des notaires relève une activité totalement inédite au premier semestre. Les prix ont suivi, un cran plus bas, sauf s’agissant des très prisés terrains à bâtir et propriétés rurales.
Publié le 08-07-2021 à 06h00 - Mis à jour le 24-08-2021 à 12h15
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Le chiffre est assourdissant : au cours du premier semestre de cette année, le nombre de transactions immobilières résidentielles a augmenté d'un peu plus de 30 % par rapport à la même période en 2020. Certes, cette période de référence est, pour le moins, hors norme (confinement, fermeture des agences, interdiction de visites…). Mais par rapport au premier semestre 2019, l'activité est également en forte hausse : près de 17 % ! Au point d'inciter Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération des notaires, à parler de "surchauffe", d'"euphorie", dont "on ne sait pas la durée".
1. D’un marché d’acheteurs à un marché de vendeurs
L'activité a donc fait un impressionnant bond en avant, plus particulièrement en Flandre (+16,1 % par rapport à 2019) et en Wallonie (+19,4 %), moins à Bruxelles (+8,8 %). Il y a deux ans encore, les candidats-acheteurs avaient le loisir de réfléchir, de se faire conseiller par des parents ou des professionnels, de négocier le prix… "Aujourd'hui, le vendeur donne ses conditions et c'est à prendre ou à laisser, indique Me Grégoire, ce qui oblige les candidats à se positionner sans beaucoup de recul."
Avec toutes les dérives que cela peut supposer : mauvais état, vices non pas cachés mais pas vus, prix trop élevés… "Les gens ont acheté en une demi-visite, ils ont trop vite signé un compromis et cela part en vrille. Peu de dossiers se passent désormais normalement", ajoute-t-il. Avec ceci que comme le marché s'emballe, les propriétaires se disent qu'ils peuvent se charger eux-mêmes de la vente, sans faire appel à un agent ou à un notaire. "Les dossiers ne sont pas convenablement préparés et il y a plein de problèmes à régler. Cela se ressent d'ailleurs lors de la signature des actes de vente. Il y a une certaine amertume, voire de l'animosité. C'est un vrai problème."
2. Augmentation inégale des prix de vente
En moyenne, les prix des maisons ont augmenté de 4,5 % à près de 290 000 euros sur le semestre, et ceux des appartements de 4 % à quelque 255 000 euros. "Cela fait, sur base annuelle et sans tenir compte de l'inflation, une augmentation de 9 et 8 %, détaille Renaud Grégoire. Ce n'est pas rien. Il va falloir la digérer." Même s'il convient qu'au Grand-Duché de Luxembourg tout comme aux Pays-Bas, les prix se sont davantage envolés. Ce boom est toutefois quasi exclusivement tiré par la Flandre (+5,1 % pour les maisons, +4,6 % pour les appartements).
En Wallonie comme à Bruxelles, selon les types de biens, la hausse s'échelonne entre +0,7 et +2,9 %. "Il y a deux explications à cette disparité, poursuit-il. D'une part, le fait que, ces dernières années, les prix ont plus augmenté au sud du pays qu'au nord. On peut donc parler de phénomène de rattrapage pour la Flandre. D'autre part, il y a en Wallonie, un déséquilibre entre ce que les candidats recherchent – des maisons de ville convenables, des maisons à la campagne… – et ce que leur offre le marché. L'emballement est donc limité. En Flandre, plus riche, il est plus généralisé."


3. Les terrains parmi les biens les plus recherchés
Le bouillonnement du marché immobilier résidentiel ne signifie pas que tout se vend à des prix fous. Certains biens sont toujours un peu dénigrés, comme les petites maisons en très mauvais état et les villas énergivores des années 60 et 70. Ceci alors que les candidats-acheteurs manifestent un net penchant pour d'autres types de biens qui se vendent mieux. "Comme les propriétés rurales, les petits châteaux…, même s'il y a des travaux à faire, énumère le porte-parole de Fednot. Ce qui était encore un micro-marché il y a peu a pris de l'ampleur avec la pandémie."
Sans lien direct avec elle, "mais plutôt dans la perspective d'un resserrement des exigences de performance énergétique qui risquent d'enflammer les coûts de construction et de rénovation, les terrains sont redevenus populaires. Auprès des particuliers qui semblent moins s'inquiéter qu'avant des coûts, des normes, des délais… d'une construction, et qui démarreront leur chantier le plus rapidement possible et auprès des investisseurs qui veulent éviter les problèmes de gestion locative d'un bien bâti."
4. Quelques prix sous la loupe
Au cours de ce semestre, le prix moyen d’une maison à Bruxelles a dépassé le cap symbolique des 500 000 euros, alors que celui d’un appartement a atteint les 280 000 euros. Le Hainaut reste la province belge la moins chère : à peine plus de 170 000 euros pour une maison. La plus forte progression des prix sur un an en Wallonie est à mettre sur le compte de la province de Luxembourg : +4,7 % sur un an, +26,6 % sur cinq ans, du fait de sa proximité avec le Grand-Duché mais aussi de l’attrait pour les secondes résidences. Une maison y coûte quasi 50 000 euros de plus, ramenés à 35 000 euros en tenant compte de l’inflation.

Les jeunes peuvent-ils encore acheter ?
Le baromètre signale que, depuis cinq ans, la part des moins de 30 ans parmi les acheteurs a très légèrement diminué. Ce qui ne veut toutefois pas dire que les jeunes sont éjectés du marché immobilier.
“Il devient difficile d’acheter la maison ou l’appartement de ses rêves sans une aide financière de ses proches, surtout quand on achète seul,
convient le porte-parole de Fednot.
Mais quoi qu’on en dise, les banques continuent à jouer leur rôle et à prêter jusqu’à 100 % du prix d’achat quand l’acquéreur achète pour occuper le bien. Cela arrive fréquemment dans nos études.”
Au-delà de fonds propres qui manqueraient à certains, Renaud Grégoire pointe aussi
“le peu d’intérêt des jeunes pour la campagne alors qu’elle a boosté les plus âgés et les statistiques”
et
“l’effet psychologique des jeunes sur l’engagement à long terme que le Covid a amplifié”
. Non sans le regretter,
“l’immobilier étant un élément de sécurité pour l’avenir”
.