Taxe de seconde résidence à la Côte : un business "discriminatoire et illégal" ?
Test Achats est le dernier opposant en date. De là à parler d’un business, il y a un pas que personne ne franchit.
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Publié le 23-07-2021 à 17h34 - Mis à jour le 24-07-2021 à 19h20
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Quand bien même cela rend-il le bourgmestre de Coxyde furax, la taxe sur les secondes résidences est en train de vaciller sur la Côte. À l’origine du problème, une inégalité de traitement entre les habitants (exempts ou presque de taxes communales) et les seconds résidents (qui écopent d’une taxe au montant comparativement abusif).
Les dix communes de la Côte ne sont pas concernées de la même manière. Trois sont visées au premier chef : Knokke-Heist, Coxyde, La Panne. Celles-ci ont en effet pour particularité de ne pas exiger d’additionnels communaux à l’impôt des personnes physiques, mais, a contrario, une taxe de seconde résidence d’un montant se situant entre 750 et 1 200 euros. À ces trois communes s’ajoute Middelkerke, qui a décidé, elle aussi, de supprimer ses additionnels à l’IPP. Elle se délestera néanmoins de ce revenu en plusieurs phases. Venant de 5 % de centimes additionnels à l’IPP en 2019, elle abandonnera chaque année 1 % jusqu’à leur suppression totale en 2024. Enfin, dans le lot des communes pratiquant une forme d’inégalité, on peut encore mettre Nieuport et Bredene, qui exigent de très faibles additionnels mais de lourdes taxes de seconde résidence, proches des 1 000 euros. Blankenberge, Le Coq, Ostende et Bruges (Zeebrugge) font preuve de plus d’égalité de traitement. À noter que la Province de Flandre occidentale s’accorde elle aussi une taxe sur les secondes résidences (128 euros pour 2021).
"Le moment de se jeter dans la bagarre"
Dans le passé, plusieurs tribunaux, dont les cours d’appel et la Cour de cassation, ont donné raison à des seconds résidents qui se jugeaient floués et ont obligé les communes à rembourser les montants perçus. Tant et si bien qu’après les tentatives réussies de plusieurs actions à petite échelle l’idée d’aller un peu plus loin, et de mutualiser les démarches tout en rassemblant les seconds résidents, est née dans le chef de cabinets d’avocats ou d’associations citoyennes. Tels le bureau anversois Antaxius, qui a lancé trois actions de ce type début 2020, l’ASBL de défense des seconds résidents Tweres, créée en août 2020, dans la foulée d’un lockdown qui avait empêché les seconds résidents de profiter de leur bien, et, plus récemment, l’association de défense des consommateurs Test Achats. "C’était le moment de se jeter dans la bagarre, convient Jean-Philippe Ducart, porte-parole de Test Achats. La jurisprudence est en effet désormais bien établie et a été confirmée en cassation. Et pourtant les communes continuent à se faire tirer l’oreille. Pire, elles changent chaque année la base réglementaire de cette taxe obligeant les seconds résidents à réitérer leur demande de remboursement." L’association aurait pu s’y mettre il y a quelques mois, mais le Covid a joué les trouble-fêtes.
Négocier avec les communes
En pratique, depuis le 30 juin, Test Achats propose à ses membres de les aider à récupérer cette taxe de seconde résidence "discriminatoire et illégale", dans les trois communes où l’inégalité est la plus flagrante : Coxyde, La Panne et Knokke-Heist. Une class action ou action en réparation collective n’étant pas autorisée contre une autorité publique, c’est à chaque propriétaire d’une seconde résidence de s’inscrire à l’action, de télécharger le courrier type, de le compléter et de l’envoyer à la commune. À ce jour, une centaine l’ont fait, tant francophones que néerlandophones.
Test Achats comptait rameuter suffisamment de membres et créer une véritable force de frappe avant de négocier avec les bourgmestres des communes incriminées. "On ne voulait pas brûler les étapes, confirme le porte-parole. On comprend que les communes analysent leur budget, mais il faut changer les données du problème. L’idée n’est pas de proposer un montant qui serait acceptable, mais de revoir le cadre, de rebattre les cartes. Et de trouver une solution pour le passé." Mais les communes ne lui ont pas vraiment laissé le temps. Avec des réactions diverses : plutôt à l’écoute à La Panne, absente à Knokke-Heist, courroucée à Coxyde.
Source de profit
Il faut dire que, depuis que les communes sont amenées par la Justice à rembourser cette taxe de seconde résidence, les actions lancées semblent aussi servir les intérêts de ceux qui les lancent… Ce que réfute Test Achats. "On ne profite pas de l’occasion. Il n’y a aucun phénomène d’aubaine dans notre action, insiste Jean-Philippe Ducart. Nous verrons comment le dossier évolue. À ce jour, nous n’avons pas décidé d’aller en justice. Il n’y a aucun payement à faire, pas de droit d’entrée, aucune obligation si ce n’est d’être membre de notre association." Même s’il convient que c’est une manière de rallier de nouveaux membres et de fidéliser des anciens. "Il n’y a pas eu d’analyse de marché de notre part, ajoute-t-il. Pas mal de gens se manifestaient. Il était opportun de proposer quelque chose."
Au cabinet Antaxius, on demande des honoraires forfaitaires de 250 euros hors TVA pour les nouveaux participants à une demande groupée et 150 euros HTVA pour ceux qui ont déjà pris part à une demande groupée lors d’une année fiscale précédente. Des montants qui peuvent être réduits pour chaque groupe supplémentaire de 50 participants. Antaxius a proposé à Test Achats de coopérer "puisque les affaires seront de toute façon jugées au tribunal", indique Me Bart Engelen. "Nous avons beaucoup d’expérience en matière de demande collective et pensons pouvoir représenter de manière optimale les intérêts de ce groupe cible devant une cour." Cette proposition de collaboration a été examinée, précise-t-il, mais Test Achats ne l’envisage pas pour l’instant.
Le bourgmestre de Coxyde persiste et signe
La commune de Coxyde compte quelque 14 800 secondes résidences, alors qu’il n’y a que 11 500 résidences principales. En 2019, la taxe des secondes résidences (968 euros pour un studio, 1 168 euros pour tous les autres types de biens) a rapporté près de 14 millions d’euros à la commune, soit 30 % de son budget annuel. Et cela ne va pas s’arrêter là : par à-coups successifs, elle doit atteindre 1 289 euros en 2025.
La commune voit dès lors d’un très mauvais œil l’action lancée par Test Achats. Dans un communiqué, elle note que “la Belgique n’a pas de jurisprudence en la matière”, que “les jugements et arrêts du passé ne concernent que les parties impliquées dans ces procédures” et que les règles en matière de fiscalité locale autorisent les communes à taxer les secondes résidences. Cette taxe, le bourgmestre de la cité balnéaire la juge essentielle pour conserver une commune viable et renforcer la vie sociale. “Nous épuiserons toutes les voies de recours, jusqu’à la Cour de cassation”, menace-t-il.
Idée… saugrenue.
Son idée serait d’ailleurs de convaincre les propriétaires de louer leur résidence secondaire à des personnes qui l’habiteraient de façon permanente, au premier rang desquelles de jeunes ménages qui n’ont pas les moyens d’acheter tant “les secondes résidences exercent une forte pression sur le marché du logement et font grimper les prix”.