Le Cimetière d’Ixelles, plus que jamais prisé par les jeunes : "La transformation de logements en plusieurs kots fait augmenter les prix des biens"
De nombreux étudiants vivent dans le quartier et la commune compte bien garder et développer cet aspect, mais pas n’importe comment.
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Publié le 01-09-2021 à 13h40 - Mis à jour le 22-09-2021 à 13h42
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"C'est un quartier assez surprenant. Quelque 34 % de ses habitants ont entre 18 et 30 ans. C'est un record en Région bruxelloise ! Ce chiffre ne tient pas compte de tous les étudiants, qui ne sont pas systématiquement domiciliés et pas repris dans les statistiques. Il s'agit donc surtout de jeunes adultes qui restent dans le quartier après leurs études. Par contre, c'est le quartier de Bruxelles qui compte le moins d'enfants de moins de 18 ans : 12 % alors que la moyenne régionale est de 23 %", explique d'emblée Yves Rouyet, échevin de l'Urbanisme et de la Mobilité à Ixelles (Écolo).

Le principal enjeu du quartier du Cimetière d'Ixelles, c'est le logement étudiant. "La commune a décidé de cadrer mieux les choses. Notre ligne de conduite est désormais la suivante : ne pas autoriser les logements étudiants dans les immeubles classiques. Rien n'empêche bien sûr trois étudiants de partager un appartement. Dans notre politique, nous visons la transformation de logements classiques existants en de multiples kots. Nous n'accordons plus de permis dans ce sens dans le cœur du quartier", déclare Yves Rouyet.
La raison ? "La transformation de logements traditionnels en plusieurs kots induit une spéculation immobilière et foncière car les kots sont beaucoup plus rentables au mètre carré. Du coup, les propriétaires, sachant cela, augmentent les prix des biens qu'ils vendent. Pour éviter cette spéculation, la commune doit lancer un signal fort. C'est une des premières décisions que j'ai prises quand je suis devenu échevin. J'essaye de communiquer là-dessus le plus possible pour que le marché soit au courant et qu'un promoteur ne s'étonne pas qu'il n'obtienne pas son permis pour des kots."
Des reconversions et démolitions
Pour les logements étudiants, la commune plaide plutôt pour la transformation de bureaux ou ateliers, et ce, aux franges du quartier. Avenue de la Couronne, par exemple. "J'ai l'impression que cette dernière va se transformer en avenue des étudiants", note Yves Rouyet. "Auparavant, cette artère était dédiée à de l'activité économique, essentiellement autour de l'automobile : commerces de pneus, car-wash… Petit à petit, ces commerces ont été rachetés par des promoteurs qui les transforment en kots."

Et de citer quelques projets sur cet axe : un projet imaginé dans l’îlot Printemps/Couronne en cours d’instruction, un autre qui donne sur la rue César Franck, etc. Bouygues a déjà réalisé un projet sur l’avenue de la Couronne et en construit un second. La commune négocie actuellement avec un promoteur pour la construction d’un nouvel immeuble à l’emplacement du Carglass.
"Nous sommes favorables à ce type de projets car il s'agit de grands ensembles de kots, conçus ainsi au départ. Par ailleurs, les kots se prêtent parfois mieux que des appartements classiques pour la reconversion d'immeubles de bureaux, souvent trop profonds pour des logements traditionnels", avance l'échevin. "Il s'agit, ici, de produits sur-mesure. Ce genre d'immeuble est bien pensé, avec des espaces communs, une consigne, un garage à vélos… Et nous demandons que les rez-de-chaussée soient consacrés à des activités collectives, culturelles… C'est ce qui fait la richesse d'un quartier. Des animations sont également souvent prévues. Et même des échanges avec les autres immeubles de kots voisins ; ce qui permet d'avoir une vraie vie universitaire."
Pas un vrai quartier universitaire
Ce qui n'est pas encore le cas, selon l'échevin. "Le quartier universitaire ne ressemble pour l'instant pas à un quartier universitaire, malgré la présence des campus de l'ULB et la VUB. Il n'y a pas beaucoup de librairies, de centres culturels, etc. contrairement au Boulevard Saint-Michel à Paris, par exemple." Le projet de la commune est de faire de ce quartier un véritable quartier universitaire, comme le Quartier latin dans la capitale française. Avec, dans ce cas-ci, ses logements d'un côté et ses commerces de l'autre. De l'horeca notamment. "Ce n'est pas très compliqué pour un étudiant d'habiter avenue de la Couronne et d'aller boire un verre à la Bécasse…"
L'horeca, qui "fait toute la saveur du quartier" du Cimetière d'Ixelles et est situé essentiellement chaussée de Boondael et avenue de l'Université, attire les étudiants mais aussi d'autres Bruxellois. Nombre de restaurants ont des terrasses en intérieur d'îlot, ce qui est en principe interdit dans la commune. "C'est un vrai souci pour les riverains et on les comprend. Nous avons donc réinsisté sur l'interdiction de ces terrasses côté jardin tout en autorisant plus de terrasses côté rue. C'est pour cela que nous avons mis la chaussée de Boondael en sens unique. Nous avons ainsi gagné des mètres de largeur pour créer de grandes terrasses, plus agréables grâce à un trafic plus faible", raconte l'échevin.
C'est, plus largement, dans tout le quartier que la commune souhaite réduire le trafic. "On a constaté que de nombreux automobilistes venant de la E411 passaient par là, via le pont Fraiteur, pour éviter le boulevard Général Jacques, mais sans s'arrêter pour y faire une course. Les riverains et commerces avaient les nuisances mais pas les bénéfices. C'est pour cette raison notamment que nous avons mis le pont en sens unique, un projet que nous avions déjà depuis de nombreuses années."
La limitation du trafic pourrait ne pas s'arrêter là. L'ambition de la commune est d'encore gagner de la place. "Il faut reconnaître que l'espace public n'est pas fameux dans ce quartier. Il n'y a pas vraiment de place, par exemple. Devant le cimetière, c'est juste un rond-point", souligne Yves Rouyet. La prochaine étape annoncée est le renouveau de l'avenue de la Couronne. "Nous allons refaire la voirie, élargir les trottoirs, planter de nouveaux arbres… C'est la Stib qui va s'en charger car ses deux principales lignes de bus (le 71 et le 95) passent par là. C'était dans le même projet d'ensemble que le pont Fraiteur, dont l'aménagement permet de faire gagner du temps aux bus auparavant pris dans les bouchons."
Des logements, des pompiers, des universités et une gare
Plusieurs projets sont en cours ou à l’étude aux abords du quartier du Cimetière d’Ixelles. Tout d’abord, citons la reconversion des casernes, sur le boulevard Général Jacques, et notamment celle située au coin de l’avenue de la Couronne, qui a été rachetée par la Région de Bruxelles-Capitale. Sur le site de 3,95 hectares de l’ancienne école de gendarmerie devrait émerger, en collaboration avec l’ULB et la VUB, un nouveau quartier mixte et dynamique : Usquare.brussels.
C'est la Société d'aménagement urbain (SAU) qui coordonnera les diverses opérations à mener pour concrétiser le projet qui, "devra à la fois, d'une part, répondre aux besoins des Bruxellois en matière de logements, d'équipements de proximité, d'espaces publics conviviaux et, d'autre part, accueillir un ambitieux projet pionnier, d'envergure internationale, porté conjointement par deux universités, l'ULB et la VUB et axé sur développement durable (recherche, diffusion et partage du savoir, échanges internationaux, entreprenariat et innovation, alimentation…)", précise la société sur son site.
"Des logements seront notamment prévus pour les étudiants. iI s'agira de logements publics, donc moins chers à la location que les logements privés", note Yves Rouyet, échevin de l'Urbanisme et de la Mobilité à Ixelles (Écolo), qui avance des loyers mensuels de l'ordre de 350 euros contre 500 à 600 euros pour le privé.
"Sorte de centre Pompidou"
Autre projet commun de l'ULB et la VUB, la construction sur le campus de la Plaine, à la frontière entre les campus des deux universités, d'un Learning and Innovation Center. Ce bâtiment regroupera, entre autres, les bibliothèques Sciences et Techniques de l'ULB et Sciences exactes et appliquées de la VUB. "La faculté Polytechnique va construire également un gigantesque bâtiment, sorte de centre Pompidou, le long du boulevard de la Plaine. La faculté quittera ainsi le campus du Solbosch", indique Yves Rouyet qui ajoute : "La Plaine va se transformer de plus en plus en campus scientifique."
Toujours sur ce campus, de nouveaux logements - classiques et pour étudiants - devraient être construits. "Il y a quelques années, l'ULB a vendu une partie du terrain qui a été rachetée par Immobel et Thomas&Piron. Ils ont déjà bâti plus de 15000 m² de logements et ont l'intention d'en faire encore plus", explique l'échevin. "Mais ce ne sera pas facile car l'endroit est à haute valeur biologique."
En bordure de la Plaine, la caserne des pompiers sera reconstruite juste à côté de son emplacement actuel, celui-ci étant stratégique. L’ancienne caserne devrait être convertie en logements par Immobel et Thomas&Piron.
Nouvelle gare… d’Ixelles
Un autre bâtiment devrait changer de visage : la gare d'Etterbeek. "Elle s'appelle ainsi alors qu'elle n'est pas située sur Etterbeek. Cela nous énerve un peu… Nous avons demandé de changer le nom en gare d'Ixelles, mais Etterbeek n'est pas contente. Nous allons proposer Ixelles-Etterbeek", raconte Yves Rouyet.

La toute première petite gare bâtie au 19e siècle pour desservir les casernes existe toujours le long du quai. Par contre, la gare de 1906, construite le long du boulevard a été détruite, ainsi qu'un nombre important de maisons, en septembre 1943. "On n'en parle pas beaucoup, sans doute parce qu'il s'agit d'un bombardement américain…", poursuit l'échevin. "La gare a été reconstruite en 1958. Mais elle est aujourd'hui obsolète. La SNCB a lancé un concours pour une nouvelle reconstruction."
Une passerelle, pour piétons et cyclistes avec un accès aux quais pour les personnes à mobilité réduite, va aussi être aménagée au-dessus du chemin de fer, entre l'avenue de la Couronne et l'avenue de la Plaine. À mi-distance entre le boulevard et le pont Fraiteur. "Nous allons coupler cela avec un des projets de kots de l'avenue de la Couronne."
Un bâtiment flottant
En périphérie du quartier, un projet assez étonnant est en cours : un bâtiment flottant. Situé au n°26 du boulevard Général Jacques, un hôtel de maître était vide depuis longtemps et se dégradait. "Situé entre deux immeubles plus élevés (rez + 8), il a fait l'objet de nombreux projets immobiliers spéculatifs. Certains voulaient le raser, d'autres le rehausser. On a eu une demande pour le dupliquer en hauteur. On aurait eu ainsi deux hôtels de maître l'un sur l'autre", raconte Yves Rouyet.
Le projet finalement retenu est celui proposé, pour le compte d'un propriétaire privé, par Luc Schuiten et Jacques Ceyssens (Bureau Samyn). L'idée : un appartement perché 10 mètres au-dessus du bâtiment existant. Et, entre les deux, dans le vide ainsi créé, un magnifique jardin suspendu sur la toiture de l'hôtel de maître. "Le projet prévoit de perméabiliser une partie de la parcelle, de récupérer les eaux de pluie, d'implanter des panneaux photovoltaïques, d'atteindre de hautes performances énergétiques et, surtout, de réaliser un jardin suspendu. L'occasion pour l'architecte Luc Schuiten de mettre en pratique sa vision utopiste de la ville végétale. Et pour son confrère Jacques Ceyssens de réaliser une prouesse d'ingénierie", précise Yves Rouyet sur son blog consacré notamment à l'urbanisme à Ixelles.
Le rez-de-chaussée accueillera une fondation culturelle qui organisera des activités (concerts, expositions…).