La ruée sur le marché de l'immobilier joue aussi sur celui des prêts hypothécaires : "Début 2021, les taux ont été à un plus bas jamais observé"
Marc Delforge, Business Responsible Credits chez BNP Paribas Fortis, analyse pour La Libre l'évolution de l'attitude des acquéreurs sur la première moitié de l'année 2021.
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Publié le 02-09-2021 à 13h50 - Mis à jour le 22-09-2021 à 13h42
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Chaque année, à l'approche de Batibouw, BNP Paribas Fortis compulse son portefeuille de prêts hypothécaires sur l'année écoulée et en tire une analyse des comportements des emprunteurs. Afin d'être plus en phase avec la réalité, la banque a accepté de tirer quelques moyennes de sa production du premier semestre 2021. Les explications de Marc Delforge, Business Responsible Credits.
Le montant moyen d’un crédit a augmenté de près de 2 %, celui des mensualités a baissé de 3 %. Étonnant ?
Pas du tout. L’augmentation du montant emprunté tient à la hausse des prix sur le marché immobilier. Il y a une véritable corrélation entre les deux. Cela n’a en tous les cas rien à voir avec une éventuelle diminution d’apports de fonds propres. Quant à la diminution de la mensualité moyenne, c’est que les taux, courant du premier semestre, étaient encore un peu plus bas qu’en 2020. En valeur absolue, ils ont perdu 6 à 7 % : un taux qui était à 1,75 % est passé à 1,60 %. En janvier et février de cette année, ils ont été à un plus bas jamais observé en Belgique. Ils ont augmenté légèrement depuis, mais sans dépasser les niveaux de 2020.

Autre constat, les taux fixes ont la cote.
Plus que jamais. En 2018 et 2019, ils représentaient, dans notre portefeuille, 7 prêts sur 10. En 2020, et cela n’a rien à voir avec le Covid ou un quelconque sentiment d’insécurité, on est passé à 9 sur 10 ! Et même de 91 % en 2020 à 92 % au premier semestre 2021. C’est que le différentiel de tarif entre taux variables et taux fixes, qui était encore attractif en 2018 et 2019, est devenu de moins en moins suffisant pour inciter les emprunteurs à prendre un risque. Ce qui ne veut pas dire qu’on atteindra un jour les 100 % de taux fixe : il y aura toujours des emprunteurs qui, dans des cas bien particuliers, opteront pour un taux variable. Par exemple parce qu’ils savent que dans trois ou cinq ans, grâce à leur assurance pension, ils pourront racheter leur prêt. D’où l’importance de continuer à proposer toutes les formules.
Comme en 2020, la durée de l’emprunt est de 18,5 ans. Est-ce à dire que c’en est fini des prêts longue durée ?
Les emprunts sur 25 ans sont autorisés aux seuls jeunes primo-acquéreurs. Cela leur permet d’emprunter plus ou d’avoir une charge moins élevée. Par contre, on limite les investisseurs à 20 ans.
La quotité moyenne empruntée par rapport au prix d’achat est passée de 73 à 74 %. Faut-il y voir l’ombre des dernières exigences de la Banque nationale de Belgique ?
C’est difficile à dire. Et il faut rester prudent face à ce chiffre. La BNB ne veut pas revivre le stress de 2008, avec des clients empruntant au-dessus de leurs moyens et un risque de chute des valeurs de l’immobilier. Les banques sont très surveillées et respectent les normes. Sous les 80 % de quotité en moyenne, on est à l’aise. D’autant que le marché n’est pas en crise actuellement, loin de là. Pour nous, c’est avant tout la preuve que la banque est raisonnable.
Il n'empêche, selon moi, cette hausse de 1 % entre 2020 et 2021 n'a rien à voir avec les impositions renforcées de la BNB. Je m'en explique en me basant sur un autre constat fait en 2020, à savoir le recul de la part des primo-acquéreurs. Était-ce lié aux mesures de la BNB sur les quotités et l'apport de fonds propres ? Difficile à dire. D'autant que pénaliser les jeunes n'était pas du tout ce que visait la BNB. Elle cherchait plutôt l'inverse, c'est-à-dire exiger davantage de fonds propres des investisseurs… Face à ces chiffres, il y avait d'autres explications. Le fait qu'en 2019, avec l'annonce de la fin du woonbonus en Flandre, beaucoup de jeunes candidats acquéreurs se sont précipités sur le marché. Mais aussi le fait, et c'est une tendance de fond, que les jeunes ont des comportements immobiliers différents de ceux de leurs parents : la colocation, la cohabitation, les espaces partagés ne les dérangent pas ; et ils n'ont pas pour objectif d'être propriétaires à 30 ans. Donc, attendons un peu avant de voir l'effet de la BNB dans cette légère augmentation de la quotité au premier semestre.
Dernier chiffre : l’endettement, c’est-à-dire le pourcentage que représente le remboursement mensuel par rapport aux revenus, qui est resté à 38 %. Bien loin du tiers des revenus recommandé il y a quelques années ?
Avec 38 %, on est dans la norme. Et c’est une moyenne. Cela ne veut pas dire que le principe des 33 % n’est plus de mise. Quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent ou qui a d’autres revenus que ceux de son travail (rentrées locatives…) est autorisé à dépasser les 40 %. Les ménages à revenus moyens doivent respecter la norme des 33 %. BNP Paribas Fortis est une banque généraliste qui a tous les types de clients.