"Les prix de l'immobilier ont très fort et très vite augmenté, mais cela ne pourra durer indéfiniment"
Les banques ne prédisent pas une chute de la demande mais son explosion de 2020 va aller en s’estompant.
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Publié le 02-09-2021 à 12h58 - Mis à jour le 08-09-2021 à 13h07
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Les dernières statistiques du notariat sur les prix des logements et de l’Union professionnelle du crédit sur les emprunts font toujours état d’une solide pression sur le marché immobilier résidentiel : au premier semestre, les prix des maisons ont augmenté en moyenne de 4,5 % et ceux des appartements de 4 %, soit sur base annuelle et sans tenir compte de l’inflation, une augmentation de 9 et 8 % ; du côté des crédits, sur le seul deuxième trimestre, non moins de 73 500 ont été octroyés pour un montant de quelque 11 milliards d’euros, hors refinancements externes ! Il faut dire que les taux sont bas, l’épargne conséquente et l’envie d’acheter très forte. Mais cela va-t-il durer ? Voici l'avis de quatre grands pourvoyeurs de crédits hypothécaires.
1. Pensez-vous que la ruée post-Covid vers le crédit logement se termine ?
L'intérêt des Belges pour la brique ne se dément pas. "Le marché est encore très chaud", convient Steven Trypsteen, économiste chez ING, "porté par ce que les Anglo-saxons appellent le syndrome 'Fomo', pour 'fear of missing out', soit la peur de rater quelque chose. Les prix ont très fort et très vite augmenté et certains se disent que s'ils n'achètent pas maintenant, ce sera trop tard. Mais cela ne pourra durer indéfiniment."
Pour Belfius, tout est en place pour que, tant cette année que l'an prochain, la demande de prêts hypothécaires reste forte, "stimulée par une épargne importante, une demande de logements plus grands due à la crise, des taux hypothécaires bas et une aide à la rénovation énergétique pour les ménages."
BNP Paribas Fortis ne dit pas vraiment autre chose. Si Marc Delforge, Business Responsible Credits , considère la ruée post-Covid "comme un rattrapage après le confinement strict du printemps" , il est impressionné par la ténacité de la "lame de fond" qui s'est en suivie. "On pensait que cela tenait à un changement de comportement lié au télétravail et à une demande accrue de biens en dehors des centres urbains", dit-il. " Or, à Bruxelles aussi, il y a eu plus de demandes que d'offres et les prix ont continué à augmenter. Ce phénomène est indépendant du Covid et tient à l'augmentation de l'épargne des Belges et aux taux historiquement bas. L'immobilier reste une valeur sûre."
Et de penser que le marché va rester actif pendant un moment encore. À l'instar de KBC, pour qui l'économie se remet "plus rapidement et plus solidement" de la crise du Covid que la banque ne l'avait initialement prévu. "Cela soutient le marché et les investisseurs continuent à se montrer intéressés" , note Pieter Kussé, Corporate Communication Manager .
2. Qu’attendez-vous de l’évolution des taux du crédit logement à court et moyen terme ?
La réponse des experts est unanime : pas de hausse en vue, du moins pas de hausse marquée. "Les taux d'intérêt hypothécaires sont composés de trois choses", détaille Marc Delforge. " Les taux d'intérêt à long terme sur le marché, c'est-à-dire le prix auquel les banques peuvent se financer ; l'importance des liquidités qu'elles ont à prêter ; leur politique commerciale sur les marges qu'elles veulent s'accorder." Dans un marché aussi mature qu'est la Belgique, et dans une période où la prime de liquidité reste basse, les organismes de prêt sont peu gourmands, au risque d'être éjectés par la concurrence. Tout porte donc à croire que les taux vont rester bas. "La situation peut bien entendu changer", ajoute l'expert de BNP Paribas Fortis, qui ne prédit toutefois pas de "retournement dans les mois qui viennent, voire tout au long de 2022. Au-delà, on ne peut pas prévoir."
"Les taux sont très bas", ajoute Steven Trypsteen. "Ils sont un peu volatils, et pourraient donc, pendant des mois, un peu augmenter ou un peu diminuer." L'économiste d'ING pointe à cet effet la politique monétaire très souple de la Banque centrale européenne qui ne l'incite pas à annoncer de hausse structurelle dans le futur. "La politique monétaire de la Fed américaine pourrait avoir plus d'influence ", précise-t-il, "mais l'effet restera limité en Europe."
KBC prévoit, pour sa part, "une légère augmentation des taux à long terme (le taux des obligations d'État à 10 ans passant à 0,50 % à la mi-2022)" , indique Pieter Kussé, "et donc une légère augmentation des taux des prêts immobiliers à terme. Dans une perspective historique, cependant, ils restent encore très bas."
Belfius va un cran plus loin et note que "les taux hypothécaires resteront historiquement bas au cours des prochaines années, mais qu'ils ont atteint leur niveau le plus bas." Il n'y en aura pas moins, à moyen terme, "une augmentation progressive des taux", ajoute la banque, avec un effet sur la production de crédits, qui, bien que toujours forte, le sera "sans croissance majeure."
3. Les prix de vente des biens vont-ils encore augmenter selon vous ?
À nouveau, il y a une unité de points de vue dans le chef des experts : les prix ne vont pas chuter, mais ne vont pas non plus poursuivre sur leur lancée. Sur les chiffres, par contre, même si tous voient les hausses futures arriver en mode mineur par rapport à celles de 2020, il y a de légères différences. KBC prévoit une hausse de 4 % des prix des logements existants et neufs en 2021 mais de +2,5 % en 2022, "et ce, malgré un marché immobilier légèrement surévalué" , note Pieter Kussé.
"Vu l'augmentation plus forte que prévu des prix des habitations au premier semestre de l'année et les perspectives économiques plus favorables" , Belfius indique avoir revu ses prévisions. Elle table, désormais, pour 2021, sur une inflation immobilière moyenne de 5 %, mais "beaucoup plus modérée" pour 2022.
ING avance des chiffres plus forts encore : 7 % de hausse cette année 2021 par rapport à 2020 ! "Parce qu'il s'agit de moyennes annuelles", explique Steven Trypsteen. " Les prix ont fortement augmenté l'an dernier mais surtout en fin d'année. Si l'on devait comparer la moyenne de 2021 par rapport aux seuls prix de la fin de 2020, on serait en deçà des 7 %." Pour 2022, par contre, sans évoquer de chiffres, il prédit une "diminution de la pression" sur les prix. "Car on est dans une reprise économique, pas dans une flambée et que les autres grands indicateurs - taux d'intérêt, revenus, pouvoir d'achat - ne vont pas vraiment changer."
Pour sa part, BNP Paribas Fortis considère que le marché "va revenir à une croissance plus classique des prix de 2 à 3 % sur l'année" , sans la dater.